Un homme d'entreprise

Publié le 22 août 2014 par Malesherbes

Consulté par Le Canard enchaîné lorsque celui-ci s’apprêtait à relater les rapports de Luc Chatel avec le Boston Consulting Group, le secrétaire général de l'UMP n’avait assumé qu’une seule commande à cette société de conseil, celle signée lorsqu’il était secrétaire d’État au Tourisme, en 2008. Il affirmait ne pas se souvenir des autres. Curieusement, sa mémoire défaillante ne retrouve son efficacité que pour l’étude la plus ancienne. Mais, depuis des millénaires, on a su utiliser un outil pour secourir la mémoire et assurer la transmission aux générations futures, l’écrit. Si un particulier doit conserver cinq ans ses factures d’EDF, vingt ans celles de gros travaux, je suppose que les archives des ministères doivent être en mesure de conserver la trace de leurs activités bien au-delà.

Suite à l’article du Canard, Luc Chatel a déclaré le 13 août sur RTL : « quand vous êtes ministre, imaginer que l’on peut décider que l’on va prendre tel ou tel cabinet pour telle mission, il ne faut vraiment pas connaître le mode de fonctionnement de l’ État ». C’est donc un pur hasard si BCG, qui avait enthousiasmé Luc Chatel lors des séances de préparation à la campagne présidentielle de 2007, a été retenu ultérieurement pour plusieurs études. Promis, juré, craché, jamais Luc Chatel n’a manifesté auprès de ses collaborateurs à quel point BCG l’avait satisfait et ceux-ci se sont appliqués à ne tenir aucun compte de l’opinion de leur supérieur. Chacun sait qu’un ministre ne fait pas grand-chose, ne prend pas de décisions et s’abstient de donner son avis lorsque des sommes importantes sont en jeu.

Cette défensevient réduire à néant la précédente : Luc Chatel ne peut avoir à se souvenir d’affaires dont il n’a pas eu à s’occuper. L’argument évoqué dans le paragraphe précédent a dû lui sembler un peu faible puisque je l’ai entendu ce matin, sur France-Info, soutenir que tous ces marchés avaient été passés d’une manière tout à fait régulière. Il me semble de la responsabilité de l’ordonnateur d’une dépense de s’assurer que toutes les règles sont bien respectées. Il est fort probable que, contrairement à ses dires, M. Chatel était au courant. Mais il dispose maintenant d’un moyen irréfutable pour faire éclater sa bonne foi : que pour chacune de ces missions, il publie la liste des sociétés consultées, le texte de l’appel d’offres, la liste des sociétés ayant répondu et la réponse qualifiante. Et qu’il ne nous oppose pas je ne sais quel secret : aucune dépense de l’État ne peut faire l’objet du secret, si ce n’est en matière de défense nationale et d’affaires étrangères.

Enfin, pour grandir sa stature, se distinguer de la plupart de ses collègues députés et s’opposer à ce gouvernement qui ignore tout des réalités de l’entreprise, il se proclame homme d’entreprise. Sans lui dénier cette qualité, peut-être développée grâce aux relations établies au cours de sa carrière ministérielle, peut-on lui faire remarquer qu’une SARL unipersonnelle n’a pas les mêmes problèmes qu’une entreprise avec des salariés ?