Mais est-ce bien nous qui décidons ? Et sommes-nous à même de prendre en toute autonomie les décisions que nous sommes supposés prendre ? Une décision n’est-elle pas jamais que la résultante d’une série de facteurs, tant internes qu’externes, qui nous conditionnent ? Sommes-nous véritablement maîtres de nous-mêmes ?
J’entends souvent cette phrase : « Il n’y a pas de hasard ! ». Il n’ y aurait ainsi jamais que des chemins qui se croisent, toujours pour des raisons beaucoup plus importantes et construites qu’on ne le suppose. Chaque chose, chaque rencontre, chaque décision aurait une raison d’être, là-même où elle se trouve, et son existence serait en quelque sorte forcée par on ne sait quel destin, quel mouvement transcendant, quelle inévitabilité.
Ce déterminisme, heureux ou malheureux, est sans doute – dans la plupart des cas – bien présent. La question est dès lors de savoir quelle est sa source. À quel moment les choses se déterminent-elles ? Et se déterminent-elles par elles-mêmes ou ne résultent-elles pas elles-mêmes d’autres choix, d’autres orientations, d’autres visions ?
Ma réponse pourrait paraître surprenante. Cependant, elle me semble éminemment logique. Oui, nos décisions d’adultes sont clairement déterminées. Elles le sont par les décisions que nous avons prises préalablement, au moment où nous ne pouvions être influencés parce que nous jouissions d’une liberté totale. Ce moment, c’est l’enfance. Nos décisions d’adultes ne sont jamais que la résultante des décisions que nous avons prises lorsque nous étions enfants.
C’est enfant que l’on décide d’être ou non quelqu’un qui va suivre les autres, d’être ou non quelqu’un qui va se conformer à ce qu’on attend strictement de lui, de tester ou non des voies nouvelles non conseillées ni recommandées par l’environnement… Toutes ces décisions, l’enfant les fait en connaissance de cause. Il sait très bien – très tôt – que s’il prend une voie non reconnue par son entourage, cela va se retourner contre lui. Mais, si c’est son choix, il va assumer cette décision en voyant bien où cela le mène. Et en en acceptant les conséquences. Quand l’enfant fait une « bêtise », il le sait et il accepte l’éventuelle sanction.
C’est à travers ces différentes micro-décisions que l’enfant se construit et devient petit à petit lui-même, avec son identité propre. Celle-ci sera la sienne jusqu’à la fin de sa vie. La plupart des décisions qu’il prendra par la suite, y compris dans sa vie adulte, ne seront jamais que la résultante des décisions qu’il aura prises quand il était enfant, en absolue liberté, parce qu’à ce moment il prenait la décision qui lui semblait bonne pour lui, sans la filtrer dans une analyse rigoureuse, critique, envahissante et annihilante.
En d’autres mots, nous ne sommes jamais que le produit de ce que nous avons décidé lorsque nous étions enfants. Loin d’être un « être en devenir », juste capable de réaliser ce que les adultes décident pour lui, l’enfant est un « être qui se fait pour la vie », en totale liberté et sous son entière responsabilité. C’est enivrant, non ?