Allez, un Vert ! Sur le trombinoscope, ils étaient tous en
bleu, sauf un. Plusieurs fois présélectionné l’automne dernier, mais jamais
appelé, le Franco-Sénégalais Bafétimbi Gomis y apparut avec le maillot de son
club, Saint-Etienne. Commentaire amusé de Raymond Domenech : « Quand je dis
qu’il n’y a pas de surprise dans cette liste, c’est que pour moi, ce n’est pas
une surprise, Gomis, car il a marqué quelques buts cette saison ». Mais David
Trezeguet aussi. « Ce n’est plus mon problème », a répondu abruptement le sélectionneur
de l’équipe de France, hier matin, lors de sa conférence de presse au siège de
la Fédération française de football (FFF). Son problème, maintenant, va être
d’en enlever sept d’ici le 28 mai, date à laquelle il donnera ses 23 pour
l’Euro austro-suisse. Et surtout de les en informer. Les joueurs non gardés
restent dans son esprit « les remplaçants des remplaçants ». Domenech n’a donc
pas laissé le moindre espoir au deuxième meilleur buteur du championnat
italien.
« Sud Ouest »: Pourquoi trente ?
Raymond Domenech. Cette liste élargie était une obligation dans la mesure où la moitié des joueurs qui la composent sont concernés par les trois finales restant à jouer : la Ligue des champions, la Coupe d’Italie et la Coupe de France. Même si j’aurais préféré donner un groupe définitif, il était impossible de faire autrement, en raison des risques de blessures. J’étais parti sur vingt-neuf noms. Après mûre réflexion, on est passé à trente. Mais le trentième n’est pas tombé samedi. Cela s’est décidé avant la dernière journée de championnat (NDLR : lors de laquelle Gomis a réalisé un doublé face à Monaco).
Pourquoi Gomis et pas Trezeguet ?
C’est un choix d’organisation de jeu. Il y a cinq attaquants axiaux. On ne peut pas multiplier les postes. A un moment, il faut prendre une décision et que les choses soient claires. Ceux qui me concernent maintenant, ce sont les trente.
Connaissez-vous déjà l’identité des sept qui n’iront pas à l’Euro ?
On a toujours en tête une base. Mais la liste définitive, ce sera vraiment le 28. D’ici là, tous peuvent être présents. On ne sait pas ce qui peut se passer. Il y en a qui peuvent se blesser lors de ces trois finales. Je vais regarder ces matchs en me disant : « Pourvu que? ». J’attends avec impatience le 24 au soir. Pour moi, l’idéal serait qu’ils soient tous remplaçants et qu’ils ne rentrent même pas.
N’aurait-il pas mieux valu que les joueurs amenés à vous quitter effectuent le stage de Tignes en connaissance de cause ?
Non, car tout peut arriver. Je me suis souvenu de ce que m’avait dit Aimé Jacquet en 1998. S’il y a un blessé, le joueur qui, au départ, ne devait pas être dans la liste des 23 aura toujours ancré que ce ne devait pas être lui. Je préfère que tout le monde croie en ses chances jusqu’au bout. Mentalement, c’est bien. Pour moi, c’est comme un match. Il y a ceux qui vont s’investir et ceux qui vont abandonner. Mais un match n’est jamais perdu. Parfois, à la 95e minute, il peut se passer quelque chose.
Quand seront-ils avertis de leur non-sélection ?
Dans l’idée, le plus tôt possible. Je sais le traumatisme que cela provoque. J’ai entendu les remarques de ceux qui ont vécu cette situation en 1998. Pendant huit jours, ils vont se demander : « Est-ce que ça va être moi ? Est-ce que ça va être l’autre ? ». Mais j’ai pesé le pour et le contre. Entre l’intérêt collectif et les problèmes individuels, j’ai toujours choisi le collectif. Ce qu’on a surtout retenu de 98, c’est que la France a été championne du monde.
La dimension psychologique sera-t-elle cependant prise en compte cette fois-ci ?
J’ai volontairement modifié l’organisation du stage de Tignes à cause de ça. Seuls, les sept écartés pourront assumer. C’est leur métier. Mais je ne voulais pas embarquer les familles là-dedans. Je me voyais mal dire aux joueurs devant femme et enfants : « Ce n’est pas bon. Vous pouvez rentrer ». J’ai des côtés inhumains, mais celui-là, je n’ai pas pu l’avoir. C’est la seule part de sentimentalisme.
Le match du 27 mai à Grenoble contre l’Équateur constituera-t-il un ultime test ?
Non, si ce n’est physique. Pour être sûr que tout le monde est en bon état. Pas en grande forme, mais en bon état. Ce n’est pas un match ou une demi-journée d’entraînement qui vont conditionner quelque chose. C’est ce qu’on sait sur eux depuis des semaines, des mois et peut-être même des années. J’avais commencé mes fiches en mars.
En cas de blessures, pourriez-vous avoir recours à des joueurs ne figurant pas dans ce groupe élargi ?
Normalement, non. Sauf si j’ai quinze blessés. Une liste est faite justement pour ça. Pour moi, les remplaçants et les remplaçants des remplaçants sont dans la liste. Avec Pierre (Mankowski) et Bruno (Martini), on s’est suffisamment cassé la tête pour éviter d’appeler un mec en vacances aux Seychelles.
Propos recueillis par Emmanuel Commissaire