Dernièrement, les articles sur les musées de demain, leur futur, leurs problématiques face aux enjeux du numérique se sont multipliés. Les articles sur la transformation des musées semblent être à la mode. Là c’est la Tribune qui consacre un dossier complet au sujet suite au lancement de Silicon Valois, ici c’est une grande chaîne d’information française qui semble être surprise que musée et monde de la mode puissent communiquer, le Devoir au Québec parle de révolution et enfin, là, là et là on parle des dernières transformations de musées.
C’est à croire que l’on ait oublié , la presse surtout, les professionnels étant depuis quelques années rassemblés dans des organisations et des groupes structurés, les premières conférences de Museum and the Web (1997!), MuseumNext (2009), de Communicating the Museum (2000!), le très bon livre “The Participatory Museum” de Nina Simon et son blog Museum 2.0.
Même moi, j’ai commis deux ouvrages sur le musée virtuel (2006 et 2011).
#82457579 / gettyimages.comQue s’est-il passé ?
La révolution numérique des musées, victime d’une amnésie collective ?
Il est vrai qu’il est assez réjouissant de voir qu’enfin la presse s’empare de ces sujets-ci et décide de s’intéresser de plus près aux actions des musées. Maintenant, travailler dans un musée ou aimer les musées est “cool”. (Pour une partie de la population cependant, peut-être pas les plus jeunes. Demandez à nos community managers de musées préférés ce qu’ils en pensent).
Les musées ont été parmi les premiers à s’intéresser aux nouvelles technologies et à les intégrer dans leurs politiques de médiation et de communication, le tout bien entendu dans le cadre des contraintes budgétaires qui sont les leurs. C’est ainsi que parmi les premiers sites grand public sur Internet figuraient de nombreux musées. Ces derniers ont en effet très vite compris la dimension de ce nouveau média qui deviendra bientôt un média de masse. Certains plus petits musées se sont même regroupés en association, telle Musenor (l’association des conservateurs des musées du Nord-Pas-de-Calais en France), faisant cause commune afin de pouvoir avoir une vitrine en ligne.
Alors que s’est-il passé ?
Les communautés de musées ont été assez longues à se constituer. Ce n’est qu’à partir de la dernière décennie que les blogs de passionnés (et de professionnels – les deux n’étant pas contraductoires), les groupes (comme Muzeonum) ou les événements (Museomix, Un Soir un Musée un Verre) sont apparus et ont commencé à se faire entendre. Ce site, lancé en 2007, fait donc partie des précurseurs.
Leur portée a été d’autant démultipliée par la présence des ces derniers sur les réseaux sociaux. Cette soudaine visibilité, couplée à des actions assez médiatiques comme Museomix ou à des personnalités atypiques comme Diane Drubay, a participé à la visibilité de ces communautés et à leurs questionnements.
Puis, un acteur majeur dans le domaine des nouvelles technologies, Google, a fait une entrée fracassante avec le Google Art Project, jugé à première vue moins problématique que la Google Library (il faudra m’expliquer pourquoi).
Enfin, et non des moindres, les réductions budgétaires drastiques imposées aux institutions culturelles en période de crise a mené certains des gestionnaires de ces institutions à réagir publiquement et à mettre en avant les actions menées par leurs structures et la bonne gestion de leurs dépenses.
Tous ces facteurs ont donc donné un coup de projecteur sur les musées et leurs actions. Des études (assez nouvelles) ont par ailleurs montré (et défendu) l’investissement public dans le domaine culturel.
http://www.dailymotion.com/video/xrsvip
Mais parler du futur des musées pourrait également avoir un effet pervers.
Pourquoi parler du futur des musées pourrait nous empêcher d’aller de l’avant ?
C’est par ce titre assez accrocheur que Coleen Dilen, du blog Know your Own Bone, souhaite attirer notre attention sur cinq points importants qui, malgré le fait de parler du futur des musées, pourraient nous empêcher d’aller de l’avant et d’agir sur des missions essentielles.
Selon Coleen, la plupart des propos au sujet du futur des musées ferait référence à leur présent… En effet, parmi tous les exemples cités plus haut (sauf l’ouvrage de Nina Simon et les miens), tous les articles de presse ou les conférences se basaient sur des actions en cours ou déjà réalisées dans les musées. Même cet article qui parle des musées en 2050 parle en fait de politiques actuelles. Rien de nouveau sous le soleil donc.
C’est ainsi que Coleen met en avant 5 raisons qui lui permettent d’affirmer ce point de vue :
- les principales références au futur dans les musées font finalement partie de discussions déjà en cours dans des musées : engager les communautés, ouvrir les contenus, etc.
- le fait d’en parler comme des projets futurs fournit une très bonne excuse pour en reporter le financement. C’est quelque chose qui viendra, mais quand ?
- le futur implique une certaine incertitude, ce qui n’est pas le cas des tendances…
- on n’accorde pas assez d’attention à la situation actuelle. Il vaut mieux pour une organisation actuelle assurer une routine de fonctionnement avant même de pouvoir parler de futur et de se projeter.
- enfin, parler du futur peut parfois donner l’impression que l’on parle d’innovation (ou de révolution, selon certains médias), terme qui finalement ne va que conforter notre vanité puisque nous ne faisons que suivre le mouvement et non agir.
Et si on s’émerveillait devant ce que font les musées pour ue fois et pas devant ce qu’ils pourraient devenir ?