Il paraît tout frais, ce jour et s'affirme d'emblée comme une des surprises de la rentrée. David Foenkinos, écrivain cher à notre blog, change en effet radicalement de registre, de poétique et nous offre un portrait, celui de Charlotte Salomon, peintre décédée tragiquement à Auschwitz, en 1943, dès son arrivée dans le camp. Elle avait 26 ans et elle était enceinte.
Lancée tels des coups de pinceaux, les phrases, courtes, essoufflées, épousent la courte vie de l'artiste, depuis la malédiction suicidaire qui pèse sur sa famille, jusqu'à celle d'être née juive, berlinoise, en une époque qui ne le lui pardonnera pas.
" Pendant des années, j'ai pris des notes
J'ai parcouru son oeuvre sans cesse
J'ai cité ou évoqué Charlotte dans plusieurs de mes romans
J'ai tenté d'écrire ce livre tant de fois.
Mais comment?
Devais-je être présent?
Devais-je romancer son histoire?
Quelle forme mon obsession devait-elle prendre?
Je commençais, j'essayais, puis j'abandonnais.
Je n'arrivais pas à écrire deux phrases de suite.
Je me sentais à l'arrêt à chaque point.
Impossible d'avancer.
C'était une sensation physique, une oppression.
J'éprouvais la nécessité d'aller à la ligne pour respirer."
Tout est dit. Percée sur le processus cathartique qui permet à Charlotte de sublimer son désespoir par la réalisation de centaines de gouaches réunies sous le titre générique de Leben? Oder Theater ? (La vie ou le Théâtre) le roman de David Foenkinos nous offre, à l'évidence, une voie d'accès sur sa propre vérité, sa quête existentielle.
Subtilement reconstitué, le présent de Charlotte - il ne mentionne à dessein que son prénom - devient don d'intimité.
Charlotte, David Foenkinos, roman, août 2014, 222 pp