Deux ballons roses flottent dans le ciel, s'envolent.
Libres, un état presque naturel mais qui comporte encore parfois des limites, des interrogations, des menaces, et donc des précautions, et pourtant, moi et ma compagne, nous sommes libres, là sur cette plage, de prendre nos vacances ensemble, de les partager sous la même parasol.
Je vous vois sourire, mais ce n'est pas si facile tous les jours, dans un pays soit-disant démocratique, avec tant de libertés énoncées, mais pour certaines bafouées. Quel plaisir d'être deux, toutes les deux exactement, main dans la main, dans ce marché, pour acheter des abricots bien oranges, quasiment rouges de soleil, pour choisir des melons, des fruits et des légumes pour nos repas de vacances, le cabas avec nous, notre sac à main commun. Deux petites robes d'été, l'une bleue comme le ciel, légère et cintrée sur sa taille, l'autre blanche, tendance avec des froufrous sur les hanches, des bandes de dentelles multiples qui lui donne un aspect bohème et si féminin. Nos sandales, parfois par jeu, nous les croisons, deux paires de couleurs différentes, de tailles similaires, chacune avec deux couleurs, deux pieds, l'un pris à l'autre, notre complicité de mode.
Mais bien plus que cela, notre amour, car oui, nous nous aimons, nous vivons ensemble depuis trois ans environ, un petit appartement payé par nos emplois respectifs, en hôpital et dans un bureau de conseils. Du bonheur tranquille, des soirées ensemble, une vie normale avec quelques routines et beaucoup d'amour. Des instants de mode, des dîners avec des amis, de tous sexes d'ailleurs, des agendas qui nous font courir ici et là, du sport parfois en faisant notre jogging du dimanche matin ensemble, mais l'une plutôt piscine, l'autre plutôt zumba. Nous sommes un couple heureux, mais discrètes nous le sommes aussi.
Car les remarques fusent certains jours, des blessures plus ou moins marquantes. Récemment, une fête de famille, notre présence pour ce mariage, une situation connue de tous, mais pas encore acceptée par tous. Alors nous avons été quasi invisibles, oubliant nos mains, nos bisous, notre envie d'être l'une plus proche de l'autre. Et pourtant, eux, je ne leur demande pas avec qui ils couchent, comment et pourquoi. Mais ce cousin, avec ses blagues vaseuses, d'une finesse rustique qui rebondit sur le machisme de mes oncles, celui-là même qui s'est fait plaqué par sa femme après trois ans de mariage car monsieur allait aux putes, cet énergumène s'est permis quelques phrases sur notre vie, notre sexualité, ses fantasmes aussi. Alors avant de devenir aux yeux de tous, des stars du porno malgré nous, d'entendre au passage les quasi applaudissements des femmes de ces mâles, de tous ce petit monde au cerveau restreint, nous sommes parties.
Oui, en 2014, être deux femmes, amoureuses, un couple de même sexe, semble encore un problème et pourtant, nous sommes simplement heureuses ainsi. Sans déranger les autres, sans les juger, simplement parce que nos coeurs s'aiment. Et ce que nous faisons de nos corps, des nos nuits, sous nos robes, cela ne vous regarde pas.
Sincèrement, je la^che parfois des larmes face à cette attitude stupide, mais heureusement aujourd'hui, il y a du soleil, la mer, du sable, elle, près de moi. Des sourires et des larmes, mais uniquement pour savourer ce bonheur.
Aimez-vous !
Nylonement