Titre original : The Expendables 3
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Patrick Hughes
Distribution : Sylvester Stallone, Jason Statham, Mel Gibson, Antonio Banderas, Wesley Snipes, Dolph Lundgren, Randy Couture, Terry Crews, Kelsey Grammer, Arnold Schwarzenegger, Harrison Ford, Jet Li, Kellan Lutz, Ronda Rousey, Glen Powell, Victor Ortiz, Robert Davi…
Genre : Action/Suite/Saga
Date de sortie : 20 août 2014
Le Pitch :
Lancés sur les traces d’un trafiquant d’armes d’envergure, les Expendables de Barney Ross découvrent que leur cible s’avère être Conrad Stonebanks, à savoir le co-fondateur de leur équipe de choc. Un homme très dangereux que Ross pensait mort.
Conscient qu’arrêter définitivement les agissements de son ex-collègue risque de ne pas être une ballade de santé, Ross décide de recruter de nouveaux membres afin d’injecter du sang neuf dans son commando de mercenaires. Une manière également de confronter les méthodes modernes avec la vieille école…
La Critique :
Les musiciens font souvent la même chose : réunir la crème de la crème d’un style pour rendre hommage, sur un seul album, à un artiste emblématique ou à un genre en particulier. Certains se taillent la part du lion et d’autres ne font que passer la tête dans l’embrasure. Souvent, quand la manœuvre est habilement réalisée, le résultat est enthousiasmant et fait office de baroud d’honneur en forme de best of généreux principalement destiné à celles et ceux qui ont connu l’époque visée.
Là est la volonté de Sylvester Stallone : réunir collègues et rivaux dans une grande valse explosive pour rameuter l’ambiance des films d’action des années 80 et 90. Raviver la flamme d’un cinéma de divertissement bourrin et old school, qui régnait sur le box office avant que les super héros ne ramènent leur fraise et ne bouleversent un style destiné à redessiner ses contours pour cadrer avec les exigences et les envies de la nouvelle génération.
Pourtant, alors que sort le troisième volet de la saga Expendables, le but de la manœuvre apparaît double. Sly met bien sur la table un objet porteur d’une nostalgie vibrante pour tout un pan du septième-art testostéroné, mais pas seulement. En ajoutant à l’équation de nouveaux visages, moins burinés, le père de Rocky et de Rambo tente aussi de faire du pied aux spectateurs plus jeunes, peut-être tentés d’accepter le passage de flambeau et ainsi perpétrer une tradition noble, sans pour autant tourner le dos aux récent exploits numériques d’Iron Man, Captain America et consort.
En gros, le message est simple : « nous n’avons peut-être pas de supers pouvoirs, mais nous assurons quand même. Ne nous enterrez pas trop vite les jeunes. On connait notre boulot, on le fait bien, mais et on peut aussi évoluer… »
Expendables 3 a très mal démarré au box office américain. Le fait que le film soit disponible en téléchargement -après une fuite- depuis plusieurs semaines, n’est pas étranger à ce mauvais démarrage. Comptant sur les scores à l’étranger, les Expendables et leurs méthodes old school doivent paradoxalement faire face à la perversité d’une technologie détournée. Pas sur le champ de bataille, mais en amont, sur internet. Les mauvaises critiques d’une presse acerbe n’arrangeant pas également le come back des sur-hommes…
Bref, quoi qu’il en soit, ils sont de retour. En forme(s), motivés, facétieux et plus que jamais increvables.
Évacuons tout de suite les défauts de ce troisième opus. Oui, beaucoup d’effets-spéciaux sont carrément ratés. Certaines explosions sentent l’image de synthèse foirée à 100 bornes, et quelques incrustations sont clairement indignes du standing du projet et des forces en présence.
Il y a aussi l’épineux problème du sang. Ici, il a disparu. Autant les deux premiers volets montraient des corps en train d’exploser sous les assauts des gros calibres dans des gerbes d’hémoglobine, autant Expendables 3 reste très propre. On nous promet une édition plus hardcore pour le pressage vidéo, mais en l’état, dans un soucis d’élargir l’audience à un public plus jeune, le long-métrage reste beaucoup moins sauvage. C’est sûr, quand on parle des Expendables, ce n’est pas une très bonne nouvelle. Beaucoup de bad guys se font dessouder, mais aucun ne se fait couper en deux par la sulfateuse de Terry Crews, et ceux qui se font égorger par la lame de Wesley Snipes se gardent bien de répandre le contenu de leurs veines sur le plancher des vaches…
À côté de cela, Expendables 3 s’avère jubilatoire comme prévu. Uniquement si vous goutez à ce genre de film bien sûr. L’action est certes diluée, mais l’ambiance est plus sombre. Les blagues sont présentes mais plus discrètes. Après la bonne humeur et le décalage du second, la troisième bataille des potes de Sly revient à une tonalité plus sombre, sans pour autant laisser de côté le second degré.
Sylvester Stallone prend du recul. Par rapport à son image, à son héritage et à son âge. Du coup, le film est aussi plus long. Il prend le temps d’installer les enjeux de son intrigue. Une intrigue basique mais efficace, qui mise tout sur ce fameux passage de flambeau d’une génération à une autre, via les personnages incarnés par Ronda Rousey, Kellan Lutz, Victor Ortiz et Glen Powell.
D’un premier abord seulement, car les vieux soldats n’acceptent pas la retraite. Qu’elle soit anticipée ou pas. Expendables 3 fait la place aux gamins et donc aux nouvelles technologies, mais insiste sur l’importance des vétérans et sur la valeur de leurs méthodes plus frontales.
Réalisé par Patrick Hughes, qui nous avait franchement impressionné avec Red Hill, son premier film, cette suite jouit d’une mise en scène plus lisible et plus inspirée que ses deux prédécesseurs. En plus de gérer les chorégraphies guerrières et les fusillades, Hughes sait aussi manier l’émotion et la tension. Plus dynamique, plus nerveux et mieux focalisé que Simon West (le réalisateur du 2), le jeune cinéaste se met au service de ses stars, et confère à son métrage un petit supplément de prestige non négligeable, sur un plan purement formel. Encore une fois, dommage que les effets ne suivent pas toujours…
Mettant en scène un plus grand nombre de personnages, Expendables 3 a toujours ses petits favoris. Sly et Statham squattent le haut de l’affiche comme jadis, même si certains nouveaux savent s’imposer. Pour le meilleur, comme Antonio Banderas, épatant cabotin, aussi drôle que décomplexé dans l’action et dans la pantalonnade, et pour le beaucoup moins bon, à l’instar de l’endive bodybuildée Kellan Lutz, peut-être moins à la ramasse que dans La Légende d’Hercule, mais néanmoins beaucoup trop transparent pour exister face aux monstres sacrés (alors que Ronda Rousey tire son épingle du jeu).
Autre très bonne surprise qui n’en est pas vraiment une : Mel Gibson. Visiblement heureux de saisir au vol la perche tendue par Stallone, le célèbre tricard d’Hollywood continue d’incarner des méchants savoureux et sadiques, avec un plaisir communicatif. Plus présent que Van Damme dans le deuxième épisode, plus solide d’Eric Roberts dans le premier, Gibson, en grand forme, est tout bonnement le meilleur salopard de la trilogie.
Pour ce qui est des autres, on pourra regretter le passage éclair de Jet Li, la figuration certes amusante mais frustrante de Schwarzenegger, et le rôle de gratte-papier d’Harrison Ford, mais comme mentionné plus haut, de telles performances doivent avant tout leur brièveté au concept même de l’entreprise. Les vrais héros de la partie sont bel et bien là. Beaucoup font office de guest stars de luxe, censées renforcer l’imagerie rétro bourine du film et ainsi amplifier les bouffées de nostalgie.
Ils participent à donner son identité à un gros festin pour gastronomes avides d’explosions et de bastons à l’ancienne. Jamais le film ne prétend égaler les fleurons des filmographies respectives de ses acteurs. Tout ce qu’il veut, c’est faire plaisir aux fans (et voir tous ses comédiens ensemble fait en effet vraiment plaisir). En toute simplicité. Tel un festival à l’affiche pantagruélique, il se pose comme une célébration en l’honneur d’un genre cinématographique qui a encore quelques belles cartouches dans le chargeur. N’en déplaisent aux détracteurs.
@ Gilles Rolland