Je me suis procuré ce livre impulsivement. Tant son sujet que son auteur m’étaient parfaitement inconnus. C’était un coup de cœur de la librairie Pantoute. J’y étais allé pour un autre titre et soudain, j’ai eu le goût d’acheter un livre hors liste, celle que j’entretiens sur la suggestion des critiques ou des amis.
Ma première réaction, chez moi, en lisant le quatrième de couverture en a été une de gêne. La méconnaissance de Louise Erdrich souligne mon inculture (et la vôtre aussi peut-être… s’cusez) puisque Dans le silence du vent a été « récompensé par la plus prestigieuse distinction littéraire américaine, le National Book Award » en 2012, et « élu meilleur livre de l’année par les libraires américains », comme l’indique la notice au verso de la couverture. Un petit coup d’œil sur Wikipédia nous apprend de plus qu’elle est une écrivaine prolifique et que certaines de ses œuvres ont été plusieurs fois primées.
Dans ce nouveau roman, « Louise Erdrich explore avec une remarquable intelligence la notion de justice à travers la voix d’un adolescent indien de treize ans. Après le viol brutal de sa mère, Joe va devoir admettre que leur vie ne sera plus jamais comme avant. Il n’aura d’autre choix que de mener sa propre enquête. Elle marquera pour lui la fin de l’innocence » résume l’éditeur. Mais n’allez pas imaginer une investigation comme en ferait un adulte et n’oubliez pas que Joe n’a que treize ans. Son enquête est faite d’audaces et d’effrois, d’avances et de reculs, de recherche d’indices et de retour au jeu. Il a nettement conscience d’outrepasser les limites normales de l’enfance en tentant de percer les secrets des adultes et de devancer ainsi des apprentissages trop lourds pour lui.
Cette quête se déroule sur fond de vie tribale contemporaine, celle du Dakota du Nord, amalgame de traditions séculaires et de modernité, d’enchantement et de désenchantement, de beauté et de sordide. Aux problèmes d’alcool, de drogue et de violence conjugale s’opposent l’amour parental dont bénéficie Joe, le soin collectif des enfants par la communauté, le sens de la fête qui anime la tribu. Et la puissance de l’amitié qui unit Joe, le fils de la victime, et Cappy, son meilleur copain, celui qui lui avait donné une pierre noire et qui lui avait raconté « que la pierre était de celles qu’on retrouve au pied d’un arbre foudroyé, qu’elle était sacrée. Il appelait ça un œuf d’oiseau-tonnerre. » Ce Joe fait partie des personnages qui s’incrustent dans notre mémoire et se joignent à la petite fratrie virtuelle qui accompagne nos jours.
Dans le silence du vent, c’est enfin et surtout le procès des limites de la justice tribale qui empêche les Amérindiens de poursuivre un Blanc coupable d’un méfait sur leur territoire, notamment dans les affaires de viol. En postface, Louise Erdrich, elle-même Amérindienne par sa mère, rappelle les faits mis en lumière par Amnesty International : « une femme amérindienne sur trois sera violée au cours de sa vie (et ce chiffre est certainement supérieur car souvent les femmes amérindiennes ne signalent pas les viols); 86 pour cent des viols et des violences sexuelles dont sont victimes les femmes amérindiennes sont commis par des hommes non-amérindiens; peu d’entre eux sont poursuivis en justice. »
Louise Erdrich, Dans le silence du vent, Albin Michel, 2013, 462 pages.