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L’affaire Antonio di Nicolo Foscarini

Publié le 20 août 2014 par Oliaiklod @Olia_i_Klod

Le 20 avril 1622, à l’aube sur la Piazzetta San Marco à Venise, le corps d’un homme est pendu par un pied à la potence entre les colonnes de San Teodoro et de San Marco. Il n’y avait pas de témoins de cette exécution, car il a été étranglé dans le secret des prisons pendant la nuit. C’était la tradition pour les nobles. Les citoyens de la Sérénissime étaient naturellement inquiet. Cet homme n’était pas criminel commun mais un homme d’une noble famille distinguée.

le 16 janvier 1623, moins de dix mois plus tard, le Conseil l’exonéra entièrement et agit d’une manière sans précédent en proclamant son erreur dans les cours européennes. Cette action fut caractérisée par des historiens et d’autres comme courageuse, noble et juste. L’affaire Foscarini devint une légende vénitienne, renforçant le mythe positif de Venise qui fut utilisé comme modèle par les républicains.

Quels événements ont conduit à un homme de cette stature pour qu’il devienne victime d’un tel sort?

L'arrestation d'Antonio Foscarini

Antonio Foscarini, né à Venise le 27 août 1570, était le troisième fils de Nicolò di Alvise du ramo de S. Polo, et de Maria Barbarigo di Antonio, qu’il avait épousé en 1556.

Pendant les premières décennies du XVIIème siècle, Antonio Foscarini servit Venise dans des fonctions distinguées, en tant que sénateur et qu’ambassadeur aux cours des rois Henri IV et James I.

Antonio a commencé sa carrière diplomatique comme l’un des représentants de la République de Venise à la cour du roi Henri IV de France (1601) et là, à Paris, il a assisté au mariage du Roi Henri avec Marie de Médicis.

Puis i la été nommé Ambassadeur en Angleterre "Ambasciatore ordinario dans Inghilterra" en Juillet 1610.

Mais en 1615, il fut rappelé à Venise, accusé de trahison au profit de l’Espagne, sur une dénonciation de son secrétaire. Il resta alors trois ans en prison avant que les faits soient examinés. Entièrement réhabilité, il retrouva tous ses privilèges, quand au secrétaire, il ne fut condamné qu’à deux ans de prison pour calomnie.

Le 8 avril 1622, il est, une nouvelle fois dénoncé par un agent de l’Inquisition, Girolamo Vano da Salo. Ausitôt, il a été arrêté sur ordre du Consiglio dei Dieci et accusé de:

Avoir secrètement … et fréquemment été en compagnie de ministres des puissances étrangères, de jour comme de nuit, dans leurs maisons et ailleurs, dans cette ville et à l’extérieur, sous un déguisement et en habit normal, et leur avoir divulgué, à la fois oralement et par écrit, les secrets les plus intimes de la République, et d’avoir reçu de l’argent en retour …

La palazzo dans lequel on l’avait vu entrer, était le Palais Mocegnigo sur le Grand Canal, domicile de la belle Alatheia Talbot, comtesse d’Arundel, alors âgée de trente cinq ans, épouse de Thomas Howard, personnage important à cour anglaise.

 Alatheia Talbot Comtesse of Arundel vers 1618, par Daniël Mijtens

Alatheia et Thomas étaient les amateurs d’art passionnés, et ils ont utilisé leur richesse infinie pour amasser la première grande collection d’art privée en Angleterre. Et ce fut le motif du voyage d’Alatheia à Venise. Après ses premières aventures, Foscarini était revenu en grâce auprès du gouvernement. Il avait été élu Sage de Terre Ferme et s’était vu confié des charges très convoitées. Il avait été nommé sénateur et traitait avec les ambassadeurs de France et d’Hollande. Avec une légèreté de caractère qui ne lui faisait pas défaut, il fréquentait de jour comme de nuit l’habitation de la comtesse anglaise d’Arundel, femme d’esprit, domiciliée alors à Venise, qui recevaient chez elle entre autres Sachetti, résident à Florence et Rossi de la cour d’Espagne.

Interrogée, la comtesse Alatheia a nié toute relation avec Antonio Foscarini. Douze jours plus tard, le patricien était exécuté et le conseil des X ordonnait le bannissement de la comtesse d’Arundel.

Plutôt que de se plier à cette décision, la jeune femme, qui avait un tempérament combatif, s’estima souillée par ces allégations et demanda une audience personnelle au Doge Antonio Priuli. Elle obtint d’être rencontrée et écoutée. Visiblement elle su convaincre, car il l’a assuré que son nom ne serait pas lié a cette affaire. Elle a généreusement accepté ses assurances, mais a demandé une exonération publique et par écrit à Venise et  à Londres, ce qui fût fait. Elle a reçu des cadeaux somptueux du doge et, six mois plus tard, quittait Venise avec des malles lourdement chargées.

Tout au long de l’été, la preuve de l’innocence de Foscarini est devenue du plus en plus évidente, au point que personne ne pouvait plus l’ignorer. Ceux qui avaient accusé Foscarini de de trahison, Girolamo Vano da Salo et Domenico de Zuale, gondolier de l’ambassadeur d’Espagne furent finalement arrêtés et amenés devant les inquisiteurs de l’État et du Conseil des Dix pour répondre à certaines questions. Il a été établi, au cours de cette enquête, que les deux accusés s’étaient parjurés en faisant de fausses accusations contre Foscarini, ils furent condamnés à mort le 20 septembre 1622. Ils furent rapidement exécutés avant de pouvoir donner les noms d’éventuels complices, et surtout, des réels commanditaires de ce complot.

Le Conseil des Dix avoué publiquement son erreur. Des exemplaires ont été remis à la famille Foscarini et ont également été distribués dans toute l’Europe. Le corps d’Antonio Foscarini a été exhumé du cimetière de SS Gioavnni e Paolo et déposée avec pompe dans l’église des Frari où il a reçu des funérailles nationales. Une statue d’Antonio Foscarini est dans l’église Sant’Eustachio (San Stae), dans la chapelle du Crucifix, où on apposa également une plaque en souvenir de cette déplorable erreur judiciaire :

"Par décret du 16 janvier 1623, la Signoria de Venise reconnaît devant toute les nations l’erreur commise et réhabilite la mémoire de Foscarini"

Antonio Foscarini


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