Un incontournable à Lima
J’ai eu le plaisir de recevoir une invitation de Joaquin de la Piedra, propriétaire du restaurant Saqra à Miraflores, durant mon séjour à l’Hotel B. Listé comme un des meilleurs restaurants de Lima sur TripAdvisor, je n’ai pas hésité un instant à m’y rendre pour découvrir ses trésors, accompagnée de mon nouveau partner in crime de bouffe, Renzo Flores du blog El Vicio de Comer.
Après qu’il m’ait fait découvrir Don Fernando, une vraie révélation pour les fruits de mer, j’espérais secrètement que notre expérience serait aussi bonne ici. Je n’allais pas être déçue, voici comment Saqra devint mon autre coup de cœur bouffe de Lima.
On arrive sur un petit tronçon de rue piétonne que je n’avais jamais remarqué, pourtant en plein Miraflores. En coin, une maison couleur crème, avec cadres en bois et une terrasse aux touches colorées. Intriguant. On entre. Déjà, dès la première minute, on constate que l’accueil est particulièrement aimable. C’est un détail auquel j’accorde maintenant beaucoup d’importance, car il y a encore énormément de travail à faire au Pérou –même dans les grands restos- sur ce point. On s’assoit et on attend Joaquin.
Je regarde partout: un espace chaleureux, avec de belles grosses poutres apparentes, des étoiles au plafond, des chaises colorées et disparates, un ciel peint sur un mur, un comptoir aux formes organiques. Si je craignais de me retrouver dans un restaurant « collet monté » – un style que je n’aimerai jamais, aussi bonne puisse être la nourriture- on est ici plutôt dans un sympathique univers ludique.
Joaquin arrive, un bel homme soigné, peut-être tout début quarantaine, de type semi-nerveux et dynamique, de ceux habitués à gérer plusieurs projets parallèles. On discute et on se lance dans les cocktails. Ça tombe bien, la sélection est intéressante. Notre regard se pose sur la liste des chilcanos et pisco sours (20 soles), frozen et macerados. Ce sera deux chilcanos.
Il nous révèle le concept derrière le resto. « Saqra » signifie coquin en quechua, comme cette petite voix intérieure d’un enfant qui le pousse à faire des mauvais coups, sans méchanceté. Ce jeu, on le retrouve de toute évidence dans la décoration, mais également dans les plats, avec une exploration nouvelle des classiques péruviens, mélangeant différentes influences régionales.
On commence avec les daditos de morcilla (26 soles), des petits morceaux de boudin de poulet. Panés au panko, déposés sur un croquant de patate douce et recouverts d’un chimichurri à l’aji amarillo, la bouchée est onctueuse et nous ouvre terriblement l’appétit.
On poursuit avec un plat de fusion japonaise et créole: le tataki de bonito -la bonite, cousine du thon est considérée comme un poisson particulièrement fin. Les tendres morceaux sont recouverts de gros sel et de sucre roux légèrement caramélisé qui offre un irrésistible côté croustillant. Ils sont déposés sur une huile de huacatay, une herbe andine, qui apporte un côté frais et mentholé, un mélange peu commun, mais très intéressant.
Arrivent ensuite les raviolones de verduras, les raviolis de légumes, avec fromage de chèvre et maca frite – un tubercule connu pour ses propriétés médicinales que j’ai découvert lors d’un tour gastronomique. Leur côté réconfortant est véritablement venu chercher une émotion inattendue, ce genre de moment rappelle l’enfance et qui nous fait sourire avec tendresse. Oui, cette bouchée m’a incroyablement rappelé les saveurs et les arômes de la cuisine de ma tante bolivienne. Après tout, ce sont deux pays voisins qui portent un important bagage culturel et culinaire commun.
Ce qui est fascinant à Saqra, c’est que tous les plats ont une histoire, une véritable raison d’être. Joaquin garde un excellent souvenir des anticuchos de son enfance, qui étaient d’ailleurs sa seule raison d’aller à la messe, nous confie-t-il. C’est pour lui un véritable emblème de la cuisine de rue au Pérou et il ne pouvait pas l’exclure de la carte. Si traditionnellement les anticuchos sont des morceaux de cœur de bœuf, c’est plutôt ici du lomo qui est utilisé pour offrir une chair tendre. Heureusement, c’est la même authenticité qu’on retrouve, avec une viande salée, son goût de grillade au charbon et cette petite sauce inimitable d’anticuchos qui me fait toujours autant craquer pour une raison que j’ignore. Les deux brochettes sont accompagnées d’ocopa, de la pomme de terre recouverte d’une sauce délicate aux arachides et huacatay. Un duo totalement réconfortant (42 soles).
À ce stade du repas, on est terriblement heureux. Et terriblement remplis.
Mais nous ne pouvons pas nous arrêter si abruptement, sans une finale sucrée.
On termine par les bombitas d’algarrobina (28 soles), des petites “bombes” croustillantes gorgées de crème d’algarrobina et de quelques raisins secs. On doit casser le petit verre en sucre qui les accompagne pour baigner le tout de réduction de sureau. Ces petites bombes sont si fraîches qu’elles explosent entre le palais et la langue, créant un sentiment de douce culpabilité. Qui a dit qu’il ne fallait pas jouer avec la nourriture?
L’enfant en moi s’est amusé, la femme s’est délectée. Une cuisine de qualité, avec un côté joueur totalement assumé, Saqra vient directement s’inscrire dans mon top de restaurants coup de cœur de Lima.
Et pour info, Joaquin s’occupe également d’une organisation qui vient en aide aux enfants de Puno, leur fournissant nourriture et équipement de toutes sortes. Dans un pays où la pauvreté est encore très répandue, avec un gouvernement très peu impliqué dans l’aide sociale, c’est une initiative que je ne peux que saluer doublement. Oui, c’est une autre bonne raison de se rendre à Saqra.
Pour lire l’expérience de Renzo (en espagnol) rendez-vous sur son blog.
Saqra
La Paz 646 (proche de Benavides), Miraflores, Lima
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