Depuis quelques années, on épie à la Quinzaine le futur champion du box-office français. Rappelez vous de Camille Redouble ou Les Garcons et Guillaume à table ! Cette année c’est Les Combattants qui a remporté la quasi-totalité des prix de cette sélection. Thomas Cailley, diplômé de la section scénario de la Fémis, nous présente, pour son premier long métrage, un road-movie romantique-comique-initiatique et apocalyptique qui suit le parcours de Madeleine et Arnaud que tout oppose. Il va se battre pour elle, et elle contre tout le reste. Deux combattants qui représentent une génération qui ne sait pas contre quoi se battre.
Madeleine, étudiante en macro-économie est déterminée, fataliste et robuste. Elle n’a peur de rien et se prépare à tout. Pour s’endurcir avant son stage d’été dans un camp préparatoire militaire, elle nage avec un sac à dos rempli de tuiles avant d’avaler un smoothie aux maquereaux. C’est vous dire. Arnaud, ouvrier dans l’entreprise de son défunt père, est quant à lui têtu, tendre et imprudent. Alors qu’il prévoyait ses vacances entre ses potes et son boulot, il va faire la rencontre de la belle et cassante Madeleine. Lui ne s’attend à rien, et elle au pire. De ce contraste naitra une osmose amoureuse d’autant plus intense que menacée par l’adversité.
S’armer contre la vie.
Le film s’amuse d’un sujet potentiellement anxiogène, en s’appuyant sur les répliques chocs et la justesse d’interprétation des deux protagonistes. Il est question dans les paroles de Madeleine, quand on l’interroge sur ce qu’elle veut faire dans la vie, de destruction de l’homme par l’homme, d’ultra-individualisme contemporain et de prophéties catastrophiques. C’est pourquoi il faut se battre. Contre tout et rien à la fois. Pas de quoi faire rêver a priori. Pourtant, sa rencontre avec Arnaud, qui dans un premier temps se battra contre elle dans un exercice de corps à corps sur la plage, lui permettra de s’adoucir peu à peu lorsqu’il entreprendra de se battre pour elle, pour essayer de la comprendre et de faire partie de son monde de combattante de l’extrême. Et de ce postulat frappant, où la vie est merdique, il va alors falloir survire dans un monde qui semble hostile aux deux héros.
Survivre ensemble.
Le temps d’un été, Arnaud abandonnera tout pour suivre sa belle en camp préparatoire dans une caserne militaire. Lieu qui sera témoin de la puissance comique du film où les instructeurs se heurteront à la provocation de Madeleine qui, toujours avec force et détermination, aura son mot à dire. Mais l’amoureux transi comprendra vite que l’unique but de celle-ci est de se battre contre elle-même et contre le reste du monde, persuadée que la fin approche. Tous les coups sont permis, même sur le gentil Arnaud. C’est peine perdue, il décidera de s’enfuir du camp sans s’attendre à ce que sa guerrière le suive. C’est alors ensemble qu’ils continueront d’avancer, car Les Combattants est avant tout un film de personnages qui agissent et qui ne craignent pas de donner de leur personne.
Se désarmer face à l’amour.
Les deux héros se lanceront alors dans une robinsonnade avec pour unique défense une bâche en plastique et un couteau. Le réalisateur rend ici hommage à Bear Grylls, vous savez Man Vs Wild, l’émission qui relate les aventures d’un survivant de l’extrême volontairement placé dans un environnement sauvage et hostile, avec pour objectif de rallier la civilisation. Ça tombe bien Madeleine est préparée, mais assez vite, Arnaud lui expliquera que survivre est une chose, mais que s’occuper à ne penser à rien en est une autre, capitale pour une vie à deux Into the wild. Rattrapés malgré eux par l’âpre réalité, ils seront contraints de lâcher les armes et Arnaud devra sauver sa belle des menaces de la forêt. L’amour naissant deviendra à la fois le moteur comique et romanesque de ce fort et beau premier film. Fort de par sa technique de réalisation, puisque les séquences, tournées chronologiquement, participent à la montée en puissance de la dramaturgie. Et beau car les deux personnages de nature diamétralement opposée trouveront leur salut dans la lutte pour l’invention de leur propre monde, un monde dans lequel leurs antagonismes pourront s’allier.
DEMAIN dans les salles, ne vous battez pas, il y aura de la place pour tout le monde.