Si les dialogues proposés par le scénariste de « De cape et de crocs » sont une nouvelle fois savoureux et contribuent à installer le lecteur au sein d’une ambiance british très distinguée, mais non dénuée d’humour, l’auteur alterne également avec brio cette histoire principale, qui se déroule au beau milieu de la haute société victorienne, avec deux récits parallèles issus du passé. Il y a d’une part les nombreux flash-backs proposés lors de la lecture du carnet de voyage de Richard Drake, qui multiplient les révélations concernant le passé de l’explorateur et qui continuent de dresser le portrait d’un personnage beaucoup plus complexe et ambigu que ne laissait suggérer le premier volet. Si ces voyages africains donnent de la profondeur au personnage, la lecture du « Journal d’un mort-vivant » du mystérieux comte D. contribue d’autre part à étoffer l’univers vampirique mis en place par l’auteur.
Ayroles ne se contente pas seulement de multiplier les révélations concernant les personnages clés de cette saga, il y intègre également un nouveau personnage important, qui offre d’ailleurs son nom au titre de cet album. Ce magnat de l’industrie ne se contente pas seulement de jouer un rôle décisif lors de cette conclusion, il symbolise également au passage ce capitalisme qui suce ses employés jusqu’à la moelle afin d’augmenter les profits.
D comme « Capitalisme » donc… ou plutôt D comme « Surprise » car l’auteur en réserve quelques-unes lors de cette conclusion. Si l’affrontement final, un peu trop rapide, abandonne quelque peu le lecteur sur sa faim, l’épilogue réserve par contre un twist final surprenant qui devrait combler tout le monde.
Visuellement, Bruno Maïorana continue de livrer un travail irréprochable. Ayant délaissé les animaux cartoonesques et l’ambiance féérique de « Garulfo » pour s’attaquer à un tout autre registre, il peut quitter le neuvième art la tête haute. Que ce soit au niveau des personnages, qu’il met en scène avec beaucoup de brio, ou au niveau de l’atmosphère, où il passe avec grande aisance de l’époque victorienne de la fin du XIXème siècle, dont il restitue les décors avec minutie, à la chaleur africaine ou au XVIIème siècle du comte Dracula, le dessinateur livre une dernière contribution remarquable, rehaussé avec brio par la colorisation experte de Thierry Leprévost. Il est juste regrettable de voir un tel talent tourner le dos à un marché de la bande dessinée saturé qui ne permet malheureusement plus à des dessinateurs trop exigeants et perfectionnistes de vivre décemment de leur art. D… comme « Surproduction »…
Un excellent triptyque, vivement conseillé et un album coup de cœur que vous pouvez retrouver dans mon Top du mois, ainsi que dans mon Top de l’année !