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"Le temps est venu, le temps est passé, le temps ne reviendra jamais, voilà ce que je me dis. Et je conclus que ce qui est devant moi, là, c'est tout ce que j'ai."
Mon avis :
Le point commun qui relient les nouvelles de ce recueil tient dans le fait que les personnages vont tous connaître un évènement qui constituera un point de non-retour, un bouleversement subtil ou évident qui changera à jamais leur existence. Ce tsunami intérieur peut avoir sa source dans le passé, et la prise de conscience ne survient alors que bien plus tard :
"Ca aurait pu se produire n'importe quel soir. Ca s'est même peut-être produit il y a longtemps, ais nous ne nous en sommes pas aperçus sur le coup. Comme une de ces étoiles qui s'embrasent et qui meurent, et on ne s'en rend compte que bien des années plus tard tellement elles sont loin.
- Il vaut peut-être mieux que nous ne l'ayons pas vu quand ça s'est produit, a dit Larry. Peut-être que comme ça on a davantage de paix." (Juste une vache)
Issu bien souvent su hasard des coïncidences, la vie prend sa revanche et ce qu'on croyait acquis, stable s'écroule. "Une chose en entraîne une autre, faut croire." dit un des personnages de "Juste une vache" au seuil d'une rupture du couple. Ce changement soudain de trajectoire est souvent rédempteur, même si sur le moment il est source de douleur. Synonyme de lâcher prise comme dans "Juste une vache" ou "Djinn", il permet ausssi une remise en question intérieure. Dans "Moments privilégiés", un père et sa fille constatent soudain le vide qui s'est installé entre eux :
"Il voit qu'il a été quelqu'un de tout à fait à l'opposé de ceui qu'il avait cru être."
Mais d'autres évènements restent ancrés dans la souffrance, particulièrement quand ils ont eu lieu dans l'enfance. "La visite" est celle d'un homme à la maison de son enfance, prétexte pour se remémorer des souvenirs peu heureux en raison d'un conflit latent qui perdurait entre sa mère et son père, conflit dont les enfants payaient les conséquences.
Les hommes sont souvent responsables, alcooliques, infidèles, ils font souffrir leur entourage et remettent en question insidieusement les relations fragiles qui existent entre les êtres.
"L'une des choses les plus difficiles à dire à quelqu'un est celle-ci : j'espère que vous m'aimerez sans raison particulière. C'est pourtant ce que nous voulons tous dire les uns aux autres - à nos enfants, à nos parents, à nos copagnons, à nos amis et à des inconnus - en ne l'osant que rarement."
Les êtres se manquent, la vie passe et les éloigne irrémédiablement, les laissant sur le seuil de leur vie, dans une solitude désoeuvrée. Tout choix inclut un renoncement, et à l'aune de la vieillesse, les regrets ou les remords refont surface. Si nous pouvions réécrire le passé, agirions-nous à l'identique ? Vaut-il mieux tout savoir de son passé et des choix qui ont conditionnés notre existence, ou rester dans l'illusion qui nous a tenu debout jusqu'ici ?
Le temps qui passe, la vieillesse, la recherche du bonheur souvent avortée avant l'heure, sont les thèmes inhérents à ce petit recueil comme à la vie...
Premières pages :
"Il y a quelques années, avant que je me marie et prenne un poste das une société dépourvue de succursale étrangère (avant que je rentre à la maison, en somme), j'étais employé par une entreprise de Hopewell, dans le New Jersey, laquelle appartenait à un consortium multinational dont le siège était à Amsterdam."
Infos sur le livre :
Actes sud
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