Une étude régionale (Poitou-Charentes) montre que les décès dus à Parkinson et aux lymphomes sont plus importants dans les zones de vignoble
La culture dominante sur une commune est considérée comme un « indicateur indirect d'exposition aux pesticides ». ARCHIVES T. K.© PHOTO KLUBA TADEUSZ
es auteurs ont confronté des données existantes sur la région Poitou-Charentes jamais croisées jusque-là. Le résultat de l'étude « Pesticides et santé », qui se penche sur le lien entre territoires et mortalité, est frappant sur un point : il montre une surmortalité pour la maladie de Parkinson (+ 29 %) et pour les cancers du système lymphatique (+ 19 %) dans les communes de la région où la culture principale est la vigne. Une surmortalité constatée par rapport à la mortalité régionale.Ces deux maladies font partie des pathologies étudiées par les chercheurs du monde entier parce qu'elles sont susceptibles d'être liées à une exposition à des pesticides.Les deux CharentesDans son préambule, l'« étude écologique du lien entre territoires et mortalité en Poitou-Charentes entre 2003 et 2007 » (son sous-titre), publiée en juin par l'Observatoire régional de la santé (1), rappelle que nous sommes une région très agricole. De 1990 à 2008, les grandes cultures (maïs, blé, etc.) représentaient 75 % des terres agricoles, la vigne 5 %. « Or grandes cultures et vignes sont parmi les plus utilisatrices de pesticides. »La vigne plus particulièrement. L'étude rappelle qu'en 2005, « les deux départements du sud de la région ont consommé à eux seuls 70 % » des 2 600 tonnes de pesticides vendues au secteur agricole cette année-là dans la région, « notamment du fait des produits utilisés pour le vignoble du Cognaçais. »Comité de pilotageQuelles relations entre les pesticides utilisés en agriculture et la santé de toute la population peut-on éventuellement noter ? L'Observatoire régional de la santé, sollicité par la Région, a tenté de répondre à cette question. Un comité de pilotage a été monté. Pour des raisons de méthodologie, de pertinence scientifique, l'étude s'est concentrée sur la mortalité et non le nombre de malades.Selon les termes employés par les auteurs, l'objectif de l'étude était donc de « déterminer, pour la région Poitou-Charentes, le lien éventuel entre la distribution de cultures et la mortalité par certaines pathologies susceptibles d'être liées à une exposition à des pesticides ». L'expression « susceptibles de » est employée car l'état actuel de la recherche ne permet pas de « prouver » le lien direct entre les pesticides et certaines maladies.De son côté, le terme « étude écologique » ne doit pas induire en erreur. Il s'agit bien d'une étude scientifique. Une grande partie des 200 pages est d'ailleurs consacrée à la méthodologie appliquée et à ses limites. Comment les auteurs ont-ils procédé ? Ils avaient à leur disposition plusieurs bases de données : la mortalité détaillée en Poitou-Charentes ; la base de données européennes d'occupation biophysique des sols qui permet de savoir quelle est la culture dominante dans chaque commune (2) ; le bilan détaillé des ventes de pesticides en 2005 en Poitou-Charentes ; l'ensemble des études « médicales » publiées dans le monde entier sur les liens entre pesticides et diverses maladies, et des synthèses de ces divers résultats, dites « méta-analyses ».En fonction de la culture dominante sur une commune, considérée comme un « indicateur indirect d'exposition globale de la population générale aux pesticides », les auteurs ont composé quatre groupes : « vignes », « grandes cultures », « prairie » et « autres ».Parmi les maladies soupçonnées d'avoir un lien avec l'exposition aux pesticides, ils en ont sélectionné sept : maladie de Parkinson, cancer du système nerveux central, cancer de la prostate, leucémie, myélome, lymphome et hémopathies malignes.Suivant leur méthodologie, ils ont confronté le tout, pour la période 2003-2007, en prenant en compte les décès des habitants de plus de quinze ans.Pour deux maladies seulement, les indices comparés de mortalité présentent des écarts significatifs avec la norme régionale. Et seul le territoire « vigne » est concerné par la surmortalité.1) L'Observatoire est une structure associative qui réalise en toute indépendance des études en santé publique. L'étude « Pesticides et santé », signée Catherine Chubilleau, Mélanie Pubert, Julien Comte et Julien Giraud est disponible sur www.ors-poitou-charentes.org 2) À partir d'images satellites d'une précision de 25 m.