La Route du Rock 2014 - Vendredi 14 Août
L’Apocalypse. Hier soir, le Fort St Père s’est transformé en terre du Jugement Dernier. J’ai vu la pluie s’abattre en trombes sur les fidèles, j’ai vu des litres de boue faire disparaître des tentes, j’ai vu des regards errants prier St Erwan pour que tout cela cesse, le corps à mi-cuisses dans une fange diabolique.
Pardonnez-leur, St Père, ils ne savent pas ce qu’ils font. Quel blasphème a été prononcé, quelle impureté commise pour être punis de la sorte ?
C’est en arrivant au camping vers 18h00 que l’on pouvait mesurer l’horreur de la situation : des tentes montées à la vite pendant le déluge, des hipsters blêmes en mocassin, et la plus grande collection au monde de bottes. Voilà, c’est ça, hier la Route du Rock est devenue le salon international de la botte. Des petites, des grandes, des vertes, des jaunes. Jamais une paire d’Aigle ou de Timberland n’avait eu une telle valeur symbolique qu’hier soir. Les branchouilles pouvaient ranger leur Wayfarer, la botte était devenu la It-Shoes. Celle qui permettait par exemple de rejoindre sereinement Angel Olsen sur la petite scène sans risquer l’Aquaplaning. Pour une performance, certes un peu scolaire et très proche du disque, mais qui pouvait séduire les premiers festivaliers.
La soirée était lancée, et on a même cru à l’oracle mystique pendant The War On Drugs quand soleil et pluie ont tracé un bel arc en ciel au dessus de la Grande Scène. Quand vous savez que le nom du chanteur est Granduciel, cela laisse songeur. Quelques morceaux irrésistibles et puissants emmenés par un chant aux accents parfois dylaniens, mais aussi quelques passages plus approximatifs.
La première grosse déception nous vint de Kurt Vile, déroulant un set chiant comme…la pluie. Gros son, quelques soubresauts d’intensité, mais dans l’ensemble des plans trop formatés ou sont passées trop peu d’éclaircies. Oh yeah.
Pour l’énergie, il fallait aller chercher du côté du set nerveux et très efficace (quoi qu’un peu trop court à mon goût) du rock-garage des Thee Oh Sees, puis de la folie branleuse de Fat White Family qui parvint à faire décoller le public et le réchauffer un petit peu. Ce qui, dans une pataugeoire sans cesse réhydratée, n’était pas une mince affaire.
C’est trempés et frigorifiés que les spectateurs ont patienté pour un autre événement de la soirée très attendu : Caribou. Pour une demi déception. Servis par un son dégueulasse, le canadien a mis du temps à trouver son rythme de croisière, et seules les 20 dernières minutes se sont montrées réellement concluantes. On peut dire à ce titre qu’hier soir, Caribou avait pris trop d’élan.
Détrempés et épuisés, les derniers (courageux) festivaliers ont été récompensés par la prestation très convaincante de Darkside, adaptant très efficacement son electro-blues lunaire pour la Grande Scène. A (re)voir.
Hagards et fourbus, fouettés par les averses, les festivaliers ont pu retrouver leurs pénates. Hier La Route du Rock a commencé en botté. St Père si tu m’entends, nous avons compris ton message. Dès aujourd’hui nous boirons moins de bières coupés à l’eau, et mangerons sainement. Alors, pardonnez nos erreurs, lavez (à sec) nos pêchés, et par pitié, laissez nous voir Anna Calvi, Portishead, ou Moderat au chaud.