Ah, le festival du film de Locarno, comme il m'a fait rêver quand j'étais à 9000 km de la Suisse ! On m'écrivait : on a vu tels films, as-tu entendu parler de la polémique X, on a rencontré Y sur la Piazza Grande, on a bu une grappa pour se remettre d'un film horrible, on a passé au grotto d'Ascona au lieu de voir un film... J'étais jalouse, très envieuse de cette belle ambiance, de ces moments de réflexion ou de partage, de ces images qu'on ne reverrait peut-être jamais ailleurs, faute de distributeur.
Il faut dire que je n'ai jamais mis un seul pied dans un cinéma à Shanghai. Les blockbusters américains, je les regardais en DVD, et encore ! Des films en projection publique, j'en ai vu quelques uns dans des bars ou des cafés, (Dada ou Vienna Café), un écran de fortune pour visionner des films qui ne passent jamais dans les cinémas ultra-chics (3D ou 4D, ou plus si entente...) de la ville. Même dans la mienne à mon retour, on nous balance Plane 2, Dragon 2, Lucy et Les vacances du Petit Nicolas dans 2 cinémas chacun. Comme s'il n'y avait plus de place pour autre chose.
Pas de doute, j'étais en manque de pouvoir partager des émotions en public et en silence, de sortir des sentiers battus et convenus, de prendre des risques en regardant un film dont je ne connaissais aucun des acteurs et dont je ne pouvais même pas prononcer le nom du réalisateur. Le festival du film de Locarno était le bon endroit pour me reconnecter.
Même le Castello Visconteo fait de la pub
Le Festival del film Locarno est un festival consacré au cinéma d'auteur. Il est reconnu par la Fédération internationale des associations des producteurs de films (FIAPF) dans la liste des treize "festivals compétitifs", à l'instar de festivals tels que Cannes, Venise et Berlin.
Qui dit festival compétitif dit tapis rouge
Fondé en 1946, le Festival del film Locarno est l’un des plus anciens festivals de cinéma au monde. Créé dans le but de dénicher les nouvelles tendances, le festival de Locarno a souvent reconnu avant les autres le génie de jeunes réalisateurs qui, par la suite, se sont imposés comme les chefs de file de leurs générations. Parmi ceux-ci, Claude Chabrol, Stanley Kubrick, Gus van Sant ou Raul Ruiz.Au delà des 7 salles de cinéma utilisées, la Piazza Grande, énorme place, peut accueillir chaque soir jusqu’à 8 000 personnes. La récompense principale décernée par le jury est le Léopard d'or (Pardo d'oro).
La Piazza Grande de nuit avec la foule...
... de jour au repos
Différentes catégories
Concorso internazionale : Une vingtaine de longs métrages en première mondiale ou internationale (quelle est la différence ? ) Ces oeuvres sont réalisées par des cinéastes reconnus tout comme par de jeunes talents émergents venus du monde entier dont le talent et la technique démontrent qu'ils sont prêts pour une compétition internationale de ce niveau. Un jury composé de personnalités du monde du cinéma est chargé de choisir parmi les œuvres sélectionnées (fictions ou documentaires) le vainqueur du prestigieux Pardo d'oro. Liste des films en compétition.Concorso Cineasti del presente : Sélection en première mondiale ou internationale dédiée exclusivement aux premières et deuxièmes œuvres de jeunes réalisateurs venant du monde entier. Une vingtaine d’œuvres (fictions ou documentaires) composent cette section et se disputent le Pardo d'oro Cineasti del Presente. Liste des films en compétition.
Fuori concorso : Section hors-compétition, complétant les sections compétitives, et constituée d'une sélection d'œuvres récentes de cinéastes reconnus. La place est donnée aux formats atypiques tels les projets collectifs ou les collections de film.
Piazza Grande : Sélection de prestigieuses productions en première mondiale, internationale ou européenne, présentées par les réalisateurs et les acteurs. Pour la liste complète, c'est ici.
On n'oublie pas l'estomac lors des projections nocturnes
en plein air.
Rétrospective : Monographie historique, programme thématique ou intégral d’un grand cinéaste. Cette année, la maison de production italienne Titanus est à l'honneur.
Pardi di domani : Dans le but de révéler de jeunes talents, cette compétition de courts et moyens métrages est dédiée aux jeunes cinéastes n’ayant pas encore réalisé de longs métrages.
Open Doors : Compétition mettant en lumière des projets de films issus de pays dont le cinéma est en voie de développement et permettant de leur trouver des partenaires de productions. Cette année, c'est l'Afrique sub-saharienne.
J'aime beaucoup ce festival pour plusieurs raisons. D'abord parce que c'est l'occasion de faire de belles découvertes. Oh, on ne rigole pas à chaque projection. Certains films sont rudes. Mais on en parle. Auteurs et acteurs prennent le temps de partager leurs intentions avec le public. Je me suis retrouvée à faire la queue à côté d'une femme qui sortait d'un film que j'avais vu la veille, l'Abri de Fernand Melgar. Elle en italien, moi en français, nous avons débattu de solutions pour intégrer ces étrangers qui arrivent en Europe d'ailleurs où le torchon brûle. Elle préconisait que chaque famille héberge un réfugié, je lui disais que dans notre société où nous confiions nos vieux à d'autres, comment pourrions-nous héberger des inconnus ? C'est ça, Locarno.
Le président du festival, Marco Solari donne une interview TV
C'est aussi le côté informel du festival qui me plaît. Bon nombre de nos politiciens s'y rendent. Nous avons aperçu plusieurs de nos ministres cantonaux, ceux d'autres cantons aussi. Sans chi-chi, sans gardes du corps (ou alors bien déguisés), en short, sandales aux pieds, sac au dos. Alors que je m'apprêtais à traverser une rue, mon regard a plongé sur une femme qui en faisait de même sur le trottoir d'en face. Je la connaissais, mais d'où ? ex-collègue? ex-relation professionnelle? caissière de mon supermarché sans son uniforme? J'ai bien failli la saluer lorsque le feu a passé au vert et que nous nous sommes croisées. J'ai souri, elle a souri. Et soudain, j'ai pu remetttre un nom à ce visage, ni celui d'une caissière ni d'une collègue. Une ex tout de même, mais présidente de la confédération, ministre de la culture. Bienvenue chez les Suisses !Tenue de festivalier à Locarno. Pas aussi bling-bling qu'ailleurs