Notaire, pharmacien, huissier…l’Inspection générale des finances dénonce les rentes abusives dont profitent les professions réglementées. Si une réforme est souhaitable, il ne faut pas en attendre de miracle sur le plan de la croissance. Cela a été le feuilleton de l’été : depuis début juillet, des extraits d’un rapport décapant de l’Inspection générale des finances (IGF) sur les professions réglementées ont fuité dans la presse, préconisant un vaste train de mesures pour dissiper les situations de rente qui sont parfois les leurs (1). Les niveaux de revenus relevés par l’IGF pour certaines professions donnent en effet le tournis. Ces fuites viennent opportunément légitimer le projet de loi « sur la croissance et le pouvoir d’achat » que le Ministre de l’économie Arnaud Montebourg devrait présenter à l’automne, et dont l’objectif affiché est de « restituer l’équivalent de 6 milliards d’euros de pouvoir d’achat aux Français ».2,4 fois plus rentablesNotaire, pharmacien, huissier, médecin, avocat, plombier, commissaire-priseur… l’IGF a passé en revue 37 professions et activités réglementées. En 2010, celles-ci représentaient un chiffre d’affaires cumulé de 236 milliards d’euros, employaient 1,1 million de salariés et dégageaient 124 milliards d’euros de valeur ajoutée (*), soit l’équivalent de 6,4 % du PIB. De 2000 à 2010, cette valeur ajoutée a progressé de 54 % en moyenne, alors que le PIB n’augmentait que de 35 %. Dans le même temps, le bénéfice net de ces professions a cru de 46 % pour atteindre 41 milliards d’euros en 2010. Avec un bénéfice net avant impôt représentant 19,2% de leur chiffre d’affaires, ces professions affichent dans leur ensemble une rentabilité 2,4 fois plus élevée que dans le reste de l’économie. Et l’IGF de dresser un véritable palmarès des professions réglementées les mieux loties, dans lequel se distinguent des métiers comme ceux de greffier de tribunal de commerce, notaire, administrateur judiciaire ou de pharmacien biologiste dirigeant un laboratoire d’analyses dont le revenu mensuel médian (*) s’envole au-dessus des 10 000 euros. Des niveaux de rémunération que ne suspecte pas le reste de la population, souligne perfidement l’IGF, qui place en regard du revenu mensuel net médian de chacune de ces professions les résultats d’un sondage Opinion Way réalisé auprès d’un échantillon grand public et de chefs d’entreprise. Surtout, de telles cimes ne trouvent aucun justification, ni le niveau de qualification requise, ni l’investissement nécessaire, ni la prise de risque économique.Lutte justifiéeAfin de faire dégonfler ces rentes, qualifiées de « quasi-prélèvement obligatoire sur les ménages et les entreprises français », l’IGF préconise de casser le monopole de plusieurs de ces professions sur certaines activités, tels celui des greffiers de tribunal de commerce sur la gestion des données des registres légaux ou celui des pharmaciens sur la vente des médicaments hors prescription. Le rapport plaide aussi pour une baisse de 20 % des tarifs de professions comme les notaires ou les huissiers pour se rapprocher de leurs coûts réels et leur révision tous les cinq ans. De la mise en oeuvre de ces mesures, l'IGF escompte un surcroît de croissance de 0,5 point et d'exportations de 0,25 point de PIB, ainsi que la création de 120 000 emplois. Une estimation qui laisse très dubitatif. Même si la lutte contre les rentes abusives apparaît pleinement justifiée, il ne faut pas en effet en attendre de miracle. Celle-ci ne crée pas à proprement parler de richesses, elle les redistribue. Tout dépend comment les agents économiques les utilisent ensuite. En clair, cette réforme n’a de chances de profiter à la consommation et donc à la croissance que si elle se traduit par un gain de pouvoir d’achat pour les plus modestes.Les fuites organisées autour de ce rapport dans la presse et la volonté affichée d’Arnaud Montebourg de livrer « la bataille des modernes contre les anciens » ont hérissé les professions concernées. Avant de boucler sa réforme, le ministre de l’économie a néanmoins promis une concertation avec les intéressés. A sa demande, l’Autorité de la concurrence étudie également de près la question.
* Notre confrère Mediapart s’est procuré une copie du rapport et l’a publié ici : www.mediapart.fr/files/RAPPORT_IGF_page_1_a_74_.pdf