Un livre, constitué d’articles et de conférences, qui s’étend
sur une dizaine d’années. On part de la psychologie, le métier de Paul
Watzlawick, pour aboutir à des réflexions sur l’évolution de notre société. (WATZLAWICK,
Paul, Les cheveux du baron de Münchhausen,
Seuil, 1991.)
Au début, Paul Watzlawick jongle avec Wittgenstein et autre Gödel.
Avec les derniers travaux de la philosophie et de la science. Il est l’élément
avancé de la marche triomphale du progrès scientifique. Elle écrase la bêtise
sur son passage. Mais, cet élan s’essouffle. Ces travaux si mystérieux, ces
noms à qui l’avenir semblait promis ne nous impressionnent plus. Ils n’ont pas eu de successeurs. Et le doute et
l’inquiétude surgissent à la fin de l’ouvrage. Quelques idées que je retiens :
Le pragmatisme,
que j’ai découvert récemment, a exercé une influence dominante sur les travaux
de Paul Watzlawick. La Systémique et la Cybernétique (que je ne distinguais pas
nettement), seraient d’une importance moindre.
Paul Watzlawick commence par dire qu’il n’y a pas d’individu
malade (psychologiquement). Ce sont les relations entre hommes qui peuvent l’être.
Ce qui m’a surpris. Car il me semble qu’un homme lui-même peut-être un système ;
en outre, l’homme est pris dans de multiples relations, dont très peu sont
durables. Mais, avec la définition de la réalité qui va suivre, le propos
change. On passe de la relation à l’individu.
Il insiste ensuite sur la communication. L’homme ne serait
homme que si ce qu’il prétend être (sa réalité) est reconnu par l’autre. (Mais alors, comment
expliquer le solitaire, dans ces conditions ?)
Nous en arrivons à la définition de la
réalité. Nous avons besoin de donner un sens à notre vie. De ce fait, notre
esprit interprète le monde physique. Nous lui inventons des règles. Ce
que nous appelons « réalité » est un « jeu ». Ce jeu est
par nature contradictoire, puisqu’il prétend définir le monde, alors qu’il ne
peut pas se définir lui-même. Quand il touche à ses limites, il produit un
cercle vicieux. « Jeu sans fin ».
Une forme de folie. A moins que le système n’ait la capacité à se remettre en
cause. Ou qu’une influence extérieure, un thérapeute par exemple, l’aide à
sortir de son jeu en inventant un autre jeu. (C’est l’effet Münchhausen : transformer la
réalité en la redéfinissant.)
Le monde serait-il une illusion de l’esprit individuel ?
J’en doute. Car cet esprit est connecté à tout un univers, qui doit bien lui
faire sentir son influence. Je reproche à Paul Watzlawick d’être fort peu
pragmatique : il sombre rapidement dans une « universalisation »
injustifiable, et dangereuse. A mon avis. (Ce qui ne remet pas en cause la puissance et l'utilité pratique des concepts qu'il manipule.)
Curieusement, la suite du livre explique les dangers d’une
telle attitude, croire en des idées absolues, qui conduit, justement, à un jeu sans fin. Paul Watzlawick modélise l’effet de l’idéologie, c'est-à-dire le
totalitarisme. C’est bien plus terrifiant et convainquant que ce que dit
Hannah Arendt. A l'origine de l’idéologie est un oisif qui cherche un peu d’excitation
dans sa vie. Un théoricien. Supposée faire le bien de l’humanité, il est
logique qu’elle se répande d’elle-même, pensent ses zélateurs. La résistance qu’elle rencontre les surprend. Elle prouve
qu’il y a des forces du mal. Ce qui légitime l’action violente pour l’extirper.
En fait, la terreur est le principe du
totalitarisme (ce que dit
aussi Hannah Arendt, « principe » est entendu au sens de Montesquieu). Puisqu’elle prétend définir le monde, elle n’accepte
pas qu’il fasse mentir ses prévisions. (Ce qui est, évidemment, fatal.) Alors,
il doit y avoir des coupables. Purges. Autre caractéristique du totalitarisme :
il détruit l’homme. Et ce par l’injonction paradoxale. Car, le totalitarisme exige
qu’on l’aime spontanément ! (Puisqu'il est le bien de l'homme.) Ce qui ne peut que conduire à la schizophrénie. Au renoncement à son libre arbitre, à être
homme.
Qu’est-ce que le totalitarisme ? C’est ce que Paul
Watzlawick appelle un « système
pathologique ». C’est un système qui n’a pas la capacité de « changer »
(au sens de ce blog). De ce fait, il crée un univers kafkaïen.
Comment savoir que l’on est dans un tel système ? L’énantiodromie. On obtient le
contraire de ce que l’on veut. Notre monde actuel en présente les symptômes. Notre
science, notre développement… se retournent de plus en plus contre l’homme… Une
des idéologies qui nous menace est la « digitalisation » (il écrit il
y a 30 ans !). Les héros de la Silicon Valley rêvent de faire ressembler l’humanité
aux 0 et 1 d’un ordinateur !
Comment se sauver ? En inventant une science du
changement qui renonce à imposer par magie à l’humanité un bonheur théorique et parfait.