Où Princesse rebelle escalade le Mont Adrénaline.

Publié le 04 juillet 2007 par Johanne Labbé @JRozonLabbe

Le lundi 29 janvier, Princesse rebelle subit sa première mammographie à la Clinique du sein. L’esprit ailleurs, scotché au travail: un nouveau groupe à former, des détails de dernière minute à résoudre, le matériel, le plan de formation…
Sur la mammo, rien à dire. Pas le moindre soubresaut d’inquiétude. Routine destinée à rassurer la docteure W, cette grande inquiète, relativement à un tout petit nodule de rien du tout au sein gauche, à peine de la taille d’un Smarties.

Chantal Bourgeois, Éclat 2, Carnet urbain, 2006,

Princesse rebelle répond distraitement aux questions de la technicienne en radiologie; non ça ne fait pas mal, oui l’hiver est long.

Le 19 février, Princesse rebelle rencontre la docteure W à la demande de cette dernière. Voilà qui est contrariant. Depuis quand les médecins initient-ils les rendez-vous?

La docteure W lit le rapport à haute voix. Le nodule au sein gauche paraît être un simple fibroadénome, rien d’affolant: une échographie permettra de distinguer sa nature solide (inquiétante) ou liquide (bénigne).

Par contre, le radiologue a détecté des microcalcifications suspectes au sein droit: il recommande un cliché agrandi. Princesse rebelle hausse le sourcil droit. Des microquoi? Jamais entendu parler. Explications divulguées: dépôts de calcium dans le sein, parfois signe précoce de «quelque chose à surveiller». Entre 10% et 15% des femmes doivent subir des examens additionnels après une mammographie. Bon, j’ai des ptit’zamies! Toujours eu un penchant pour minorités et marginaux.

«La Clinique du sein vous contactera pour vous convoquer aux nouveaux examens Rehaussement du sourcil droit: même les rendez-vous hospitaliers se précipitent à ma rencontre? «La chirurgienne vous verra après les tests.» Chirurgienne? Alors là, froncement de sourcils, carrément.

Le 28 mars, Princesse rebelle subit une seconde mammo au cliché agrandi et une échographie en matinée. Elle rencontre le radiologiste, lequel se fait rassurant: le fibroadénome à gauche s’avère bénin.

Quant au côté droit… 80% des microcalcifications suspectes s’avèrent bénignes. Cependant, on ne peut faire l’économie d’investiguer davantage: «si jamais, au bout de six mois, une tumeur maligne était finalement diagnostiquée, vous nous reprocheriez, avec raison, … etc.» Il recommande une biopsie. «Un prélèvement de tissu du sein pour en faire l’analyse pathologique et permettre un diagnostic précis.»

En après-midi, rencontre avec la docteure B, chirurgienne en oncologie. Elle réitère les statistiques; «probabilité élevée de figurer dans le 80% bénin, mais… etc.» Une biopsie avec l’appareil «Mammotome» est requise. Déterminera bénignité ou malignité du foyer de microcalcifications au sein droit: «Autrement dit, si cancéreux ou pas».

Can… Personne n’avait encore prononcé ce mot. Pour la première fois depuis janvier, l’esprit de Princesse rebelle réintègre son corps et devient Je, ici, maintenant. Envolés l’expertise-conseil, le plan de formation, les collègues: relégués dans le grand tiroir étiqueté «Second plan».
Où Princesse rebelle devient une première personne du singulier.

Le lundi 2 avril,  biopsie au Mammotome: me voici couchée sur le ventre, sur une table spéciale dotée d’un trou, au travers duquel passe le sein droit, dans le vide, vers le bas. La table est ensuite hissée vers le plafond, avec moi dessus, de sorte que la tête du radiologiste, debout à côté de la table, arrive juste à la hauteur de mes yeux. La technicienne et lui s’assoient sous la table pour l’intervention.

Sensation d’être une voiture au garage. Le garagiste explique à la voiture ce qu’il s’apprête à faire. La voiture se retient de rire: après tout, l’heure est grave.

Le garagiste localise la lésion à l’aide de radiographies reliées à un ordinateur et procède à la biopsie sous anesthésie locale. «L’appareil au mammotome utilise une aiguille qui pratique une insertion et prélève, par aspiration, les microcalcifications suspectes.» Je pouffe: le garagiste passe l’aspirateur dans la voiture! La technicienne me demande si ça va. Pffff… fvvoui, hihihi! Je m’efforce de trouver la situation dramatique. Et repouffe. Tant pis pour la réputation de ma santé mentale. Dans ma posture, toute dignité est déjà perdue!

Soudain, une douleur vive, malgré l’anesthésie: le radiologue et la technicienne s’agitent: petit accident de parcours, rare, une rupture d’un petit vaisseau et un saignement intempestif empêchent le médecin de voir clair et de poursuivre le prélèvement.

Heureusement, il avait déjà réussi à retirer quelques microcalcifications. Le pathologiste va être en mesure de faire son travail: cancéreux, ou pas? Réponse à venir dans deux semaines.

En attendant, la technicienne doit colmater la mini-plaie, qui saigne toujours. On redescend la voiture et nous jetons un coup d’oeil à la fuite: un jet dru! Surgit une image lointaine: Ding et Dong le film (par Alain Chartrand, Québec, 1990), un personnage d’actrice de théâtre joue une dulcinée blessée à mort. Pour simuler le sang coulant de son sein, un tuyau est installé sous le costume, branché à un distributeur de liquide rouge, le faux sang. Quelqu’un perce le tuyau sous la robe par mégarde, le faux sang se met à gicler partout, dru, intarissable. Une mêlée générale s’ensuit, laquelle m’avait laissée perplexe mais ma tendre moitié l’avait jugée digne de la Commedia dell’arte. J’imagine la première page d’un tabloïd demain matin: Morte au bout de son sang à la Clinique du sein! Sourire. La technicienne répond à ma grimace: elle en a vu d’autres.

http://www.maxfilms.ca

Suivent deux semaines d’alternance entre un Je inquiète (dans le 20%?) et un Je zen (mais non, dans le 80%, calmes-toi pompon). Inconfort de l’incertitude. Période ponctuée par une augmentation significative de mes séances de jogging et de yoga. Vivement le 16 avril.