Tsui Hark, qui nous aura fait rêver toute notre enfance avec la saga Il était une fois en Chine, rire aux larmes avec Le festin chinois, et émerveillé avec La légende des sabres volants, nous prouve encore une fois qu’il n’a rien perdu de sa superbe, et qu’il peut désormais nous faire rêver, s’émerveiller et rire, tout à la fois, avec sa dernière réalisation : Detective Dee 2 : La légende du dragon des mers.
Dee Renjie (Mark Chao), un juge auparavant emprisonné pour ses prises de position anticorruptions, arrive à Luoyang, la capitale de la dynastie Tang. Il a pour intention première de se faire embaucher par le Temple Suprême chargé de faire appliquer la loi et rendre la justice. Dans un contexte brouillé où la majeure partie de la flotte a été détruite, dit-on, par un monstre marin, et où Yin (Angelababy) « la plus belle fleur de Luoyang, offerte au Temple du dragon des mers, est enlevée par un monstre, le détective Dee va devoir faire la lumière sur ces affaires. Il devra pour se faire déjouer les ultimatums de l’impératrice sournoise Wu (Carina Lau), tout en prenant de l’avance sur son rival, et futur ami, Yuchi Zhenjin (Shaofeng Feng), commissaire en chef du Temple Suprême.
L’œuvre de Tsui Hark est protéiforme mais en premier lieu, il nous offre un véritable film policier inspiré des enquêtes du Juge Ti, ensemble de nouvelles chinoises redécouverte et réécrite par le Néerlandais Robert van Gulik à partir de 1945. Ainsi, Dee est une sorte de Sherlock Holmes chinois, sachant avec une intuition incroyable dans quels sens mener son enquête. Du point de la mise en scène, Hark met en avant les facilités intellectuelles de Dee à travers des zooms sur les éléments que Dee observe. Il est fréquent que Dee apprenne des informations cruciales en lisant sur les lèvres. Et de temps à autre, Hark insère des flash-back au sein même de l’action, avec virtuosité, pour mettre en images la réflexion de Dee qui ne cesse jamais. A la manière du célèbre détective anglais sus-cité, Dee n’explique que rarement comment il mène sa réflexion, et le réalisateur pallie à cela en laissant son héros vagabonder dans ses pensées.
Detective Dee 2 est aussi un film d’arts martiaux dans la grande tradition du cinéma hongkongais, avec juste ce qu’il faut d’extravagance pour que les cascades soient phénoménales mais plausibles. Les combats sont justes sensationnels. Dee et Yuchi ne sont pas seulement d’excellents enquêteurs, mais sont également sains de corps et d’esprits, dans la plus fidèle tradition de la plupart des arts martiaux. Ils n’ont également recours à la force que dans un cadre défensif. Les lieux de combat sont suffisamment variés pour donner une impression supplémentaire d’action continuelle. Hark nous offre des scènes sublimes, telles que des acrobaties en pleine mer lors d’une attaque du Dragon des Mers, ou encore ce plan incroyable d’un affrontement à même une falaise vertigineuse. A pied, à cheval, suspendu dans le vide… La mise en scène ne recule devant aucun défi. Il n’y a peut-être que dans Kochadiiyaan que l’on avait vu autant d’audace dans l’exubérance, notamment avec la chevauchée de dauphin. Aider en cela par des effets spéciaux, ces bastons n’en sont pas moins chorégraphiées avec le plus grand soin, et réalisées par une vingtaine de cascadeurs que l’on comptera au générique final. A ce propos, le générique est aussi épique que le film, et cela fait longtemps que l’on n’avait pas vu un cinéaste rendre hommage à son équipe de tournage à ce point, même les cuisiniers du plateau sont cités nommément.
Enfin, Detective Dee 2 n’est pas en perte quand il s’agit de laisser planer son imagination sur les mythes et les légendes chinoises. Le fantastique a une place prépondérante dans le long-métrage. Tout autant, le monstre kidnappeur aura le droit à une explication rationnelle, tout autant son pendant divin et marin restera une énigme. Hormis ces deux créatures spécifiquement magiques, le fantastique point à chaque séquence : dans le laboratoire d ‘un savant fou aussi bien que sur une île déserte où de folles expériences sont menées. Au cœur même des affrontements, l’usage du feu comme arme donne aux belligérants des allures de vieux mages. Il y a prétexte pour rire un peu, à travers les facéties du savant fou, pas si fou que cela, et certainement un brin amusé de pouvoir se jouer de la noblesse d’empire. L’humour omniprésent nous poursuit jusqu’au générique, moment où l’arroseur est arrosé.
Nous ne pouvons que conseiller de courir dans les salles obscures pour passer un moment de rire et de magie, rythmé par les meilleures chorégraphies martiales, avec la crème du cinéma chinois.
Boeringer Rémy
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