Presque tous les murs de cette maison sont chargés de rayonnages remplis de livres sur plusieurs épaisseurs. Ceux de notre jeunesse, en multiples strates – nous sommes très conservateurs et chaque livre lu recèle des réminiscences, une émotion, une aventure – ceux de nos filles qui font de la place dans leurs appartements, ceux de leurs amis parfois. C’est ainsi que dans le secteur des polars et thrillers, j’avais repéré une pile de « SAS » avec une couverture immuable : les lettres détourées avec en transparence une pin-up armée jusqu’aux dents.
Au moment de la disparition de Gérard de Villiers, pas d’hommage officiel des instances de la culture française pour cet écrivain particulièrement prolifique mais clairement orienté à droite : j’ai trouvé cela mesquin car s’il est une culture populaire, c’est bien celle-là, qui fait pendant aux romans « à l’eau de rose » destinés aux femmes.
Car, selon Wikipedia, Gérard de Villiers est un écrivain, journaliste et éditeur français, né à Paris le 8 décembre 1929 et fils de Jacques Boularan de Combajoux (dramaturge à succès sous le pseudonyme de Jacques Deval) et de Valentine Adam de Villiers. Diplômé de l'IEP Paris et de l'ESJ Paris, ayant fait la guerre d'Algérie comme officier, il travaille plus tard à Rivarol, Paris-Presse, France-Dimanche et est notamment l'auteur depuis 1965 des romans d'espionnage S.A.S. qui racontent les aventures du prince autrichien Malko Linge, employé par la CIA.
Alors, j’ai pioché au hasard et suis tombée sur « SAS : La peste noire de Bagdad », publié en 1998.
Le ressort est toujours le même, celui d’une problématique de guerre localisée parfaitement documentée : d’abord la Guerre Froide, puis les conflits Nord-Sud, en particulier la guerre d’Irak. Dans cet opus, Saddam Hussein tient encore le rôle d’une grande puissance, et pilote une série d’attaques de bioterrorisme à partir de la diffusion de spores d’anthrax. Si les lecteurs de l’époque n’imaginaient pas encore l’horreur des attentats du 11 septembre, ils pouvaient se représenter les ravages d’une épidémie de peste pulmonaire.
Au-delà des tics d’écriture de la série, il faut reconnaître l’extrême réalisme des situations et des décors mis en scène, le côté quasiment didactique des circuits de décision des différentes agences de renseignement occidentales, les techniques de filatures – largement dépassées à l’heure des drones et des écoutes généralisées de la NSA – bien éloignées de la réputation que l’on fit de ces ouvrages.
Cependant, la structure des SAS est toujours identique ; toutes les 40 pages environ, une scène de sexe absolument torride est décrite dans le moindre détail. Cela est conçu pour « émouvoir » le lecteur masculin, car c’est toujours l’homme qui domine et la femme qui se soumet … un peu lassant pour une grand-mère de bientôt 70 ans. Bref … autres images récurrentes, qui interviennent comme des « chevilles » dans le récit : le briquet armorié Zippo, le Champagne Taittinger, la montre Breitling, le whisky Defender et la décoration intérieure signée Claude Dalle – Roméo : quiconque ne s’est jamais rendu au showroom du Faubourg Saint Antoine ne peut se faire une idée du style très particulier de ce « décorateur » pour émirats …
A part ces réserves, je reconnais que l’intrigue est fort bien ficelée, sanglante à souhaits, les personnages attachants, les situations historiques réalistes voire prémonitoires, à tel point que la critique américaine reconnaissait récemment la valeur de ce type de lecture dans un article paru au moment de la disparition de l’auteur en octobre 2013. Je garde donc précieusement ces petits livres de poche, conçus pour rendre plus court un voyage en train d’avant le TGV, et qui ne manqueront point de devenir « collectors » d’ici peu.
SAS La Peste noire de Bagdad (n°131, paru en 1998), par Gérard de Villiers aux éditions Gérard de Villiers, 253 p. 7,50€