21 avril 2002, un bureau de vote. Les assesseurs s’inquiètent : depuis combien de temps est-il dans l’isoloir ? Quinze minutes ?!
Lui, c’est Léon Kandel (Pio Marmaï), journaliste gauchiste d’origine stéphanoise. Il hésite : Jospin, Mamère, Besancenot, Taubira… Pour qui voter ? Jospin lui paraît le plus logique, mais ses dernières paroles lui reviennent en tête : « Je suis toujours socialistes, mais mon programme n’est pas socialiste. » Notre héros est confus.
Dès les premières minutes, Nicolas Castro donne le ton : son film sera politique ou ne sera pas. Il suit quatre personnages, du victorieux 21 mai 1981 au terrible 21 avril 2002, des jeunes pleins d’espoir maintenant que la gauche est au pouvoir aux quarantenaires déçus et amers. Léon, son frère Olivier (Gaspard Proust), son meilleur pote Sylvain (Ramzy) et l’amour de sa vie Noémie (Laetitia Casta) grandissent et perdent leurs illusions dans ces « années mitterrand » qui avaient si bien commencées.
Les déçus de la gauche mitterrandienne comme actuelle ou les traumatisés d’avril 2002 se retrouveront sans doute dans ces personnages. Les gens ayant vécu dans les années 1980-1990 de manière générale aussi. Car « Des lendemain qui chantent » est avant tout un portrait intéressant de ces années-là à travers les quatre personnages principaux. De Léon le journaliste un peu raté qui passe de « Libération » aux émissions politiques à la noix, à son frère Olivier, communicant ambitieux et opportuniste (trotskyste, il infiltre le PS pour le rendre « plus à gauche » et finit dans le cabinet de com’ de Mitterrand puis de… Vous verrez bien.), en passant par Sylvain, le fondateur de 3615 ULLA et Noémie, l’énarque prometteuse, ils sont tous, à leur manière, représentatifs d’une époque sociale et politique.
Pour donner à sa fresque plus de réalisme, Nicolas Castro utilise des images d’archives de manière intelligente. Ainsi, les interviews de Léon sont tournées de telle façon que l’on croirait aisément qu’il interroge Jack Lang, Bernard Tapie ou François Mitterrand. Les images montrées au moment de l’annonce du résultat du 21 avril 2002 sont un clin d’œil à la politique d’aujourd’hui : on y voit François Hollande ou Jean-Luc Mélenchon perdus, aussi perdus que Léon quand il a réalisé qu’aucun de ses amis n’avait voté la même chose. On voit là une partie du message du film : la gauche est aussi responsable du « désastre » de 2002. Toutes ces images permettent aisément au spectateur de se visualiser cette époque, tout comme les scènes montrant Léon et Sylvain avec des coco girls dans les boîtes parisiennes des années 1990.
Tout cela aurait pu donner un film très sympathique, une bonne comédie politisée comme on avait pu voir avec Le Nom des Gens. Mais les relations entre les personnages –le film a comme toile de fond un triangle amoureux entre Léon, Olivier et Noémie- sont fades et pleines de clichés, tout comme la résolution du dit triangle, très attendue. Les personnages, malgré leur potentiel comique, manquent de relief, et on est frustrés de ne pas en savoir plus sur les raisons de leur choix. Le scénario, souvent très plat, part dans tous les sens sans qu’on ne sache vraiment ce qu’il se passe. La carrière de Léon, par exemple, parsemée de moments comiques comme un entretien d’embauche au « Nouvel Observateur » complètement surréaliste, est aussi pleine de trous, et il est difficile de savoir pourquoi il fait… ce qu’il fait.
Les acteurs, en particulier Pio Marmaï et André Dussolier (le père syndicaliste un peu perdu, toujours excellent), rattrapent les errements du scénario tant bien que mal. Quelques scènes très drôles (des « interviews » de Léon aux bonnes idées de Sylvain) aussi. On ne peut s’empêcher d’être déçu par ce qui aurait pu être une bonne comédie, le scénario eût été mieux maîtrisé. Toutefois, aller le voir pour le témoignage de la politique et du journalisme dans ces années-là peut valoir le coup.
Des lendemains qui chantent. De Nicolas Castro. Avec Pio Marmaï, Laetitia Casta, Ramzy, Gaspard Proust, André Dussolier, Anne Brochet, Louis-Do Lencquesaing, …
Sortie le 20 août 2014.