J'ai désormais pris l'habitude de passer régulièrement au Palais de Tokyo, histoire de découvrir des artistes contemporains (j'ai encore peur de me balader en galerie).
Cette fois-ci, c'est l'installation d'Hiroshi Sugimoto, Aujourd'hui le monde est mort [Lost Human Genetic Archive], qui a retenu mon attention. J'ai trouvé cette expo géniale ! Le présupposé de base n'est pas des plus drôles : l'artiste imagine une trentaine de fins du monde possibles. Pour chaque scénario, le visiteur trouve une lettre et quelques objets qui racontent cette fin. Chaque personnage imaginé écrit un récit de la fin du monde qui correspond précisément à son activité. Ainsi un apiculteur nous raconte la fin de l'instinct des abeilles qui ne butinent plus. Les fleurs cessent de se reproduire et le monde devient un grand désert. Ou le théologien nous explique la vague de sectes et de religions qui se développent et se combattent devant l’imminence de la fin du monde. Et en viennent à la provoquer. Ou le géologue voit une météorite plus grosse que les autres annihiler toute forme de vie. Ou l'homme n'arrive plus à éprouver de désir pour les femmes mais uniquement pour des poupées. Ou un autre trouve que la vie n'a d'intérêt que dans les mondes virtuels. Ou le cosmonaute voit la terre et l'univers étouffés par les déchets...
Les scénarios sont nombreux et aucun ne semble complètement fantaisiste. L'artiste prolonge certains comportements de nos sociétés jusqu'au point de non retour et les généralise. Il ajoute à la lettre manuscrite quelques éléments qui donnent de la matérialité aux scénarios (petites météorites, poupées gonflables, combinaisons d'apiculteur ou de cosmonaute, etc.) et indique à la fin de chaque lettre si l'homme en question veut ou non que ses gènes soient préservés.
Cette exposition pose des questions sur l'avenir de l'humanité et ses comportements. Mais loin d'être déprimante, elle est plutôt poétique et pleine d'espoir. Les collections d'objets touchent à l'absurde. Ils n'ont rien d'artistiques, ce sont des ready-made à la Duchamp. Mais l'écrit vient les transfigurer pour en faire des objets archéologiques. A voir et à revoir.
Dans les autres espaces, il y a la fameuse expo Flamme éternelle de T. Hirschhorn, qui sent le vieux pneu et donne guère envie de pénétrer dans son dédale. Bastards d'Ed Atkins m'a semblé très bizarre et après 15 minutes devant un écran pour voir un personnage boire et fumer, j'ai renoncé. 100 ans plus tard joue sur les rapports entre Orient et Occident mais manque clairement d'accessibilité.
Par contre, All that falls montre des installations intéressantes, toutes tournées vers la chute. Ce sont des vidéos sur le 11 septembre ou le saut à la liane, des météorites qui semblent suspendues, des objets qui pleuvent, et surtout l'installation de McMillen : Entropic taxi ; The Finale Destination. Le visiteur pénètre dans un monde à part, un monde ancien, qu'il a envie de dater du début du XXe siècle. Une maison construite en plaques de zinc, bourrée de petits objets plus ou moins rouillés. On voyage dans le temps. On observe. On a l'impression que cette maison vit (et ce n'est pas uniquement à cause du gardien qui vient papoter avec vous), c'est étrange, un peu pesant.
Donc, on retient : ne manquez pas Aujourd'hui le monde est mort [Lost Human Genetic Archive] ! Et allez aussi jeter un oeil à l 'étrange arbre d'Henrique Oliveira, c'est fascinant !