Sante publique et medias

SANTE PUBLIQUE ET MEDIAS

La santé publique n’est pas sérieusement traitée et prise en compte dans les médias.

Le Huffington Post a publié récemment un article [1] superficiel qui mérite d’être analysé pour mieux comprendre comment fonctionne le système et comment il fonctionne mal.

Cet article est intitulé "Je refuse de faire vacciner mes enfants" et huit autres comportements qui irritent votre médecin. Il analyse de façon superficielle plusieurs situations qui se déroulent toutes sur un même mode. Un client dit quelque chose qui est faux ou naïf et un  spécialiste apporte la bonne  réponse ou ce qui est sensé être la bonne réponse.
J’aimerai proposer de réfléchir à ce qui est dit des vaccins: "On remarque actuellement que de plus en plus de gens, et c’est inquiétant, refusent la vaccination pour eux et leurs enfants. La science est on ne peut plus claire à ce sujet: les vaccins que nous recommandons systématiquement pour les enfants et les adultes sont totalement sans danger. Ils peuvent aussi sauver des vies. Depuis que moins de gens se font vacciner, nous avons constaté aux États-Unis une augmentation parallèle des maladies pouvant être prévenues grâce à la vaccination. Il existe des maladies comme la rougeole qui peuvent affecter gravement les enfants, jusqu’à l’irréparable. Les vaccins sont devenus victimes de leur propre succès parce qu’ils ont si bien réussi à prévenir ces maladies depuis des décennies que plus personne ne se souvient des répercussions dramatiques que celles-ci peuvent engendrer, ni des résultats spectaculaires des vaccins pour les prévenir." (Pritish Tosh, docteur en médecine et chercheur en maladies infectieuses, Mayo Clinic ).

Ces quelques lignes sont superficielles idéologiquement orientées et ne comportent à peu près aucune information. Il s’agit d’un point de vue idéologique, classique, connu et répété depuis  longtemps. L’auteur ne fait que répéter ce qui a déjà été dit souvent or l’auteur n’est pas n’importe qui. C’est un médecin compétent, reconnu, ayant publié de nombreux articles intéressants. Mais personne ne pourra jamais en dix lignes faire autre chose que du superficiel et de l’idéologique.

Il affirme "On remarque actuellement que de plus en plus de gens, et c’est inquiétant, refusent la vaccination pour eux et leurs enfants ". Il ne dit pas qui a remarqué cela et où. Il ne dit pas non plus où cela a été publié et analysé. Il dit qu’ "ON" le remarque et il faut accepter.
Il dit aussi « La science est on ne peut plus claire à ce sujet: les vaccins que nous recommandons systématiquement pour les enfants et les adultes sont totalement sans danger ». Or la science, quand elle s’exprime, le fait dans des publications et de même que l’on ne sait pas qui est ce "ON" qui a  remarqué le refus croissant des  vaccinations, de même on ne sait pas où "LA SCIENCE" s’ est exprimée.
De plus dire que les  vaccins  " sont totalement sans danger ", c’est excessif. Si les vaccins sont efficaces et si leurs avantages sont très supérieurs à leurs inconvénients, il est souhaitable de les employer. Mais il est tout à fait excessif de dire qu’ils sont totalement sans danger. On peut noter que là encore l’auteur n’apporte aucune référence à l’appui de son affirmation.
Pritish Tosh, le spécialiste auquel le journal donne la parole est un spécialiste compétent. Le Huffington Post n’est pas un mauvais journal. Mais, de la collaboration de l’un avec l’autre ou de l’utilisation du spécialiste par le journal, il ressort dix lignes pauvres et appauvrissantes pour la santé publique.
Cette publication a donné  lieu à des réactions de lecteurs. La plupart des textes sont des prises de parole brèves de personnes totalement convaincues de  détenir la vérité et la disant souvent sur un ton méprisant et agressif.
En quoi tout cela est-il un appauvrissement pour la santé publique ? Il y a des  gens qui sont très favorables aux vaccins et, à part quelques extrémistes délirants, ils ont des choses intéressantes à dire et des questions à poser aux  pouvoirs publics. Il y a des gens qui sont inquiets devant le grand nombre de  vaccins, devant les adjuvants et l’aluminium, et eux aussi, à part quelques extrémistes délirants, ont des choses à dire et des questions à poser.
Mais pour poser des questions, il faut qu’il existe un lieu où des gens compétents et responsables puissent entendre ces questions et que ces questions participent à la dynamique de la réflexion et de l’action en santé publique.
Faute de cette impulsion, on laisse croire que le débat sur les  vaccins n’oppose que les extrémistes délirants d’un camp aux extrémistes délirants du camp opposé. Et la question idiote " Etes-vous pour ou contre les vaccinations ? " alimentera longtemps les débats médiatiques dans un monde où les  pouvoirs  publics sont incapables de conduire sérieusement, en tenant compte des connaissances scientifiques, la lutte contre les maladies infectieuses en faisant leur juste place aux vaccinations.

Jean-Pierre LELLOUCHE
[1] Sarah KLEIN "Je refuse de faire vacciner mes enfants" et 8 autres comportements qui irritent votre médecin. The Huffington Post (02/08/2014)