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Sarkozy conduit. La place du mort, c'est pour Fillon

Publié le 21 mai 2008 par Torapamavoa Torapamavoa Nicolas @torapamavoa



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C'est Nicolas Sarkozy en personne qui a corrigé l'incorrigible secrétaire général de l'UMP, Patrick Devedjian, coupable d'avoir gaffé, hier, en prétendant qu'il fallait supprimer la durée légale du travail, alors que le président veut l'assouplir par une loi à venir.

C'est Nicolas Sarkozy en personne qui a corrigé l'incorrigible secrétaire général de l'UMP, Patrick Devedjian, coupable d'avoir gaffé, hier, en prétendant qu'il fallait supprimer la durée légale du travail, alors que le président veut l'assouplir par une loi à venir. C'est Nicolas Sarkozy lui-même qui a procédé, hier encore, aux ultimes arbitrages concernant la réforme constitutionnelle, notamment l'introduction de la règle d'or qui vise à empêcher le déficit budgétaire et à obtenir de vote des élus du Nouveau Centre, très à cheval là-dessus. C'est Nicolas Sarkozy encore, qui a décidé que le petit-déjeuner hebdomadaire des dirigeants de la majorité, se tiendrait à l'Elysée. C'est Nicolas Sarkozy toujours, qui va tenir, au Palais, une réunion hebdomadaire des ministres politiques sarkozystes, Hortefeux, Bertrand, Wauquiez, Woerth, Morano, dont Fillon ne fait pas partie. La main de fer élyséenne est moins que jamais de velours…
Notre héros a changé certes, mais en pire ou en meilleur ? C'est comme on voudra. C'est-à-dire en s'impliquant toujours plus et à tous les niveaux. Super-Sarko, c'est Super Héros, Batman, Superman, Spiderman, Iron Man à la fois. Sarkoman joue désormais tous les rôles de sauveur de la patrie.
Le président de la République ne se cache pas d'ailleurs de cette prétention maximaliste. Quand on le rencontre, il se met en avant sans vergogne. Il revendique cette hyperactivité que les bévues des uns, les gaffes des autres et les difficultés économiques rendraient plus que jamais nécessaire. « Je n'ai pas été élu, répète-t-il, pour faire arbitre, mais pour marquer des buts », pour attaquer d'abord, mais pour défendre aussi, pour jouer à tous les postes. Et pour sélectionner. Et pour entraîner. Et pour faire les commentaires. La présidence arbitrale, la présidence fainéante, avec le quinquennat, ce serait fini. L'Histoire de France s'accélèrerait à « donf ».
Des institutions à la communication moderne, le chef de l'Etat est obligé de se démultiplier, d'être sur tous les fronts politicio-médiatiques, sur tous les écrans. Si on ne les occupe pas, ils s'occupent de vous à votre détriment.
Nicolas Sarkozy n'en démord pas. Ce qui a raté – peu de choses selon lui qui se trouve plus en réussite que tous ses collègues étrangers -, donc ce qui a le moins bien marché, ces derniers mois, c'est ce qu'il n'a pas initié ni contrôlé : la loi TEPA, par exemple, que les socialistes, dit-il, sont parvenus à faire passer pour un texte cadeau en faveur des riches. La loi OGM, qui a divisé une majorité beaucoup plus conservatrice que lui. C'est un de ses problèmes, et le président ne le dissimule pas davantage : les siens n'aiment pas le mouvement, fut-il sarkozyste.
Sarkozy conduit. La place du mort, c'est pour Fillon
S'il a gagné la présidentielle, c'est en prenant ses distances avec sa famille politique, reconnaît-il. S'il peut aujourd'hui toujours gouverner sans que le pays soit bloqué, et avec des marges de manœuvres qu'il juge plus importantes que celles de ses collègues chef d'Etat, c'est parce qu'il leur a imposé l'ouverture et une politique de réformes tous azimuts que ses fieffés conservateurs ont du mal à suivre. D'autant plus qu'il estime que ni le secrétaire général de l'UMP, Patrick Devedjian, ni le patron du groupe parlementaire, Jean-François Copé, ne tiendraient leurs troupes ni ne les mobiliseraient dans une ambition réformatrice commune. « Je dois donc m'en occuper », confie-t-il avec gourmandise. Il faudra que ça suive !
On ne ralentit pas notre super héros qui considère qu'il a quatre ans, et non pas neuf années pour réforme la France. Son seul but, martèle-t-il, ce n'est pas de se représenter, c'est de laisser la marque d'un président qui, seul, aura eu le courage de « changer la société française ». Car il n'en démord pas. Ses prédécesseurs, sans doute parce qu'ils ont été usés par des décennies de lutte épuisantes pour la conquête du pouvoir, sont arrivés exsangues à la tête de l'Etat et n'ont plus qu'un seul objectif : s'y maintenir. Conserver le pouvoir le plus longtemps possible. Alors que Sarkozy ressasse qu'il envisage tout à fait de mener sa vie autrement, plus à sa guise, avec Carla, alors même que les contraintes élyséennes lui pèsent, l'obligent à vivre quasi-enfermé. Sinon, s'il sort avec elle, dit-il, ils sont immédiatement pourchassés par des dizaines de paparazzis et les photos alimentent alors les rumeurs folles selon lesquelles ils passeraient leur temps en vacances, quand ils n'ont pris que quelques heures de détente. Les Français le veulent auprès d'eux. Tout entier consacré à l'action. Et tous les autres doivent s'accrocher, tenter de suivre son rythme.
Pas question de trop déléguer. Cette gouvernance-là serait dépassée, qui pourtant permet d'amortir les conflits, de protéger le président des querelles triviales et d'épargner au pays les discordes et les mésaventures du quotidien. Non, il faut, selon lui, prendre des risques, coller à tout et à tous, car, on l'a vu par le passé, la moindre feuille de papier à cigarettes entre le président et le gouvernement devient une faille puis un gouffre mortel. Il le répète et il le répète encore : « C'est moi qui pilote, sinon j'occuperai la place du mort ». Celle-là, c'est pour Fillon.
Nicolas Domenach

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