Régulièrement je reçois des mails de lecteurs du blog pour me suggérer d’interviewer tel ou tel photographe animalier. Et, parmi ces propositions, figurent en bonne place celles de jeunes photographes animaliers. Voici le mail par exemple d’un des lecteurs du blog, Rémy :
A mon tour de vous présenter un site (suisse) de passionnés de photo (et d’aquarelles) de nature. Ils éditent également un bulletin illustré superbement bien conçu : chnature. Il s’agit des jumeaux Etienne et Sébastien Francey, domiciliés à Cousset (Suisse, proche de Payerne et de Fribourg). Ces deux jeunes de 16 ans collectionnent déjà de nombreuses distinctions depuis et ont une réputation très étendue. Leur site internet, à cette adresse – http://www.chnature.ch – présente leurs travaux et comme vous, je pense qu’ils méritent un large soutien et une publication plus vaste.
Avouez qu’un tel mail ne pouvait me laisser insensible ! Alors dans la foulée j’ai contacté les frères Francey et voilà donc pourquoi vous êtes sur le point de les écouter !
Sébastien et Etienne Francey, deux jeunes photographes animaliers
Je laisse le clavier aux frangins le temps de leurs présentations
Etienne Francey
Né en 1997, Etienne est depuis tout petit attiré par l’image et les appareils photos.
Tellement passionné qu’il fit l’achat d’une petite caméra en 2006, sans l’idée de filmer les animaux. Il ignorait encore la beauté de la nature. C’est lors d’une promenade qu’il aperçut un pic dans un arbre. Armé de son caméscope, Etienne put le filmer mais il n’avait malheureusement pas pris son trépied. Il fut frustré car la vidéo était de très mauvaise qualité avec beaucoup de flou de bougé. Il fallait donc qu’il y retourne pour améliorer la prise.
En voulant persévérer, il a fini par y prendre goût au point de ne plus pouvoir s’en détacher…
Son grand-père Marcel lui a enseigné les secrets de la nature, fait découvrir les oiseaux de son jardin –dont ils avaient compté 22 espèces- lui a appris le fonctionnement de son appareil argentique tout comme ses objectifs.
Il a appris au fil du temps à comprendre le fonctionnement de chaque espèce. Il pense que l’on apprend mieux sur le terrain en enchaînant les sorties, plutôt que de potasser des livres. Et depuis, il s’intéresse à tous les sujets, tant à la faune qu’à la flore.
Etienne a un immense besoin de créer et n’aime pas la facilité. C’est pourquoi il se sent irrésistiblement attiré par l’animalier. Remplir toutes les conditions pour faire une bonne photo ne lui arrive que très rarement. La bonne lumière, le cadrage, la composition, l’arrière-plan, l’originalité, la mise au point et bien d’autres, la tâche est compliquée, et c’est ce qu’il aime.
Avec le temps, il a développé une passion pour le côté graphique et artistique qu’il essaie d’intégrer au mieux dans ses prises de vues.
Il publie ses dernières images notamment sur son site web etiennefrancey.ch, mais aussi sur 500px.com/etiennefrancey.
Depuis 2007, il crée le magazine « chnature » avec son frère jumeau Sébastien, où ils font photos, textes, mise en page, etc… L’abonnement annuel est de 32,00 CHF (pour la Suisse) ou 33,00 € (pour la France), 6 numéros par année.
Pour découvrir ses photos, voici son site internet
Sébastien Francey
Sébastien a commencé la photographie en 2008, à l’âge de onze ans. Au début, cette activité était un simple hobby. Au fil des jours, des semaines et des mois, ce passe-temps s’est transformé en une véritable passion. Lors de ses premières sorties, le jeune photographe n’était pas un spécialiste de la technique ni un bon naturaliste mais le meilleur moyen de se perfectionner, c’est de pratiquer, toujours pratiquer… Actuellement âgé de 17 ans, il immortalise notre nature avec son propre style, cherchant continuellement des compositions inédites et artistiques.
Sa page Facebook
Pourquoi ils sont à découvrir
Pour deux raisons.
La première est leur talent photographique. Je ne sais plus trop ce que je faisais à 16 ans … certainement pas de la photo à un tel niveau ! Puisque qu’une image vaut mille, et c’est encore plus valable ici, voici un florilège de leurs photos.
© Etienne et Sébastien Francey
© Etienne et Sébastien Francey
© Etienne et Sébastien Francey
© Etienne et Sébastien Francey
© Etienne et Sébastien Francey
Je n’ai pas oublié la seconde raison : Etienne et Sébastien sont carrément les éditeurs d’un magazine papier de photographie nature ! Oh, pas un mensuel comme Images et Nature de 120 pages. Mais tout de même, un vrai et beau magazine que vous recevez chez vous régulièrement. A condition d’y être abonné évidemment.
Le mieux est d’aller sur leur site de présentation directement ici : découvrir le magazine
Voici également extrait en PDF : télécharger l’extrait
Vous avez vu ? C’est très pro, très propre, très beau. Et je vous le rappelle … ils n’ont que 17 ans !!!
Alors faites comme moi … abonnez-vous !
Ecouter l’interview
Lire la transcription écrite de l’interview
Vous pouvez aussi télécharger le fichier PDF de l’interview pour le lire tranquillement depuis chez vous : Interview en PDF
A : Régis Moscardini
B : Etienne Francey
C : Sébastien Francey
A : Bonjour Etienne Francey, bonjour Sébastien Francey. Je vous remercie tous les deux d’avoir accepté mon invitation pour cette interview.
B : Merci à toi.
A : Alors on va commencer avec Etienne. Alors j’avoue que je ne te connaissais pas il y a encore quelques semaines et c’est sur les recommandations d’un lecteur du blog Auxois Nature que je t’ai découvert, toi et ton frère. Alors avant de parler de votre superbe magazine naturaliste Chnature, est-ce que tu peux te présenter Etienne en quelques mots, s’il te plait ?
B : Alors j’ai 17 ans, j’ai commencé la photo en 2007 avec un petit reflex numérique D40X. Donc au départ c’était vraiment très amateur, en fait je n’y connaissais rien du tout. Et puis petit à petit j’ai été regardé sur Internet, j’ai connu des photographes et c’est comme ça que j’ai progressé. Et en ce moment je suis étudiant au gymnase.
A : Alors ce que tu appelles gymnase, pour les Francophones, en tout cas pour les Français et ceux qui habitent en France métropole, gymnase on ne sait pas ce que c’est en fait, c’est quoi ?
B : C’est le lycée je pense.
A : Ah d’accord. Tu appelles ça gymnase très bien. En gros, tu es lycéen pour nous Français, et chez toi en Suisse on dit gymnase ?
B : Exactement, oui.
A : Ok. Super. Donc tu es tout jeune, tu as débuté la photo en 2006-2007 soit à dix ans à peine je crois.
B : C’est ça.
A : Alors moi à dix ans moi je pensais plus à jouer, et la photo animalière je ne savais même pas que ça existait. Comment tu expliques de t’être passionné si vite pour la photo animalière ?
B : Je me souviens étant petit, j’avais fait un camp d’été, et puis on faisait des films. Là j’avais bien accroché en fait à la caméra et tout. Et donc arrivé chez moi, j’ai voulu m’acheter une caméra et j’ai commencé à faire des petits films de ma famille, comme ça autour de chez moi. C’est une fois en allant en forêt j’ai filmé un pic, je ne savais pas du tout ce que c’était
A : Tu ne connaissais pas l’oiseau en fait ?
B : Non, pas du tout. C’est juste que je l’ai vu, il était là alors je l’ai filmé, je n’avais pas de trépied, alors ça bougeait énormément. Alors les jours d’après je suis retourné pour essayer de le revoir, c’est comme ça que petit à petit je suis arrivé dans l’animalier.
A : Donc c’est peut-être ton très de caractère assez persévérant qui fait que tu es retourné sur le lieu, parce que tu aurais pu te dire, je n’ai pas réussi, c’était mauvais, tant pis, je fais autre chose. Alors que tu as voulu faire l’inverse et tu es retourné sur le lieu pour mieux faire ?
B : Voilà, exactement. Moi je n’aime pas quand c’est mal fait.
A : D’accord. Donc c’est plutôt un trait de caractère et qui t’a en l’occurrence bien servi pour la photo animalière.
B : Oui.
A : Ça te sert encore, ça justement, cette persévérance que tu as ?
B : Oh oui, parce que j’ai toujours envie d’améliorer mes prises de vue continuellement.
A : Donc tu es un éternel insatisfait finalement ?
B : Exactement.
A : D’accord. Donc tes galeries photos, et donc ton site, sont vraiment très belles. J’invite d’ailleurs vraiment ceux qui nous écoutent à aller le voir, c’est bien etiennefrancey.ch ?
B : Oui.
A : Alors la chose qui me frappe, c’est l’ambiance douce de tes images, il y a un côté pastel que j’aime beaucoup, notamment, alors il y en a d’autres comme ça, mais la photo de muscardin que tu as d’ailleurs nommé « Moissons d’or » représente bien ça. C’est un peu ta signature artistique, j’ai l’impression, non ?
B : Alors j’aime énormément le pastel, j’essaie de faire un maximum de photos dans ces teintes justement, donc souvent surexposées un petit peu. Mais ce n’est pas toujours possible de faire toutes les images comme ça, mais la majorité j’essaie de les faire justement dans cette ambiance.
A : Donc j’allais te demander justement comment tu faisais pour avoir ce rendu particulier, mais ce n’est vraiment pas pour te faire offense que je te demande ça, mais j’imagine qu’on a déjà dû te poser la question, et puis tout le monde se la pose aussi, même pour d’autres photographes et d’autres types de photos, mais est-ce que tu utilises le post-traitement, on l’utilise tous de toute façon pour améliorer le piqué, un petit peu le contraste et ce genre de choses, mais toi est-ce que tu as un traitement plus poussé justement ou c’est vraiment à la prise de vue que tu arrives à avoir ce rendu-là ?
B : Souvent, il y a beaucoup à la prise de vue, je fais très attention au fond, que ce soit un fond clair et pas sombre, ça c’est plus facile, et oui je post-traite aussi un petit peu mais ce n’est pas jusqu’à dénaturer totalement l’image.
A : D’accord. Il n’y a rien d’artificiel et tout est naturel évidemment. Et donc, je ne sais pas si c’est un secret, en tout cas l’astuce que tu utilises c’est d’avoir un fond clair, tu surexposes un petit peu ?
B : Voilà. Eventuellement le d-lighting de Nikon aussi.
A : Alors c’est quoi cette technique ?
B : Alors c’est une fonction sur le boitier qui consiste à équilibrer les zones claires et les zones sombres directement.
A : Alors surexposer un petit peu, évidemment ça demande un temps d’exposition un petit peu plus lent, un petit peu plus long. Pour avoir des photos nettes, il faut justement un temps d’exposition plutôt court, plutôt rapide. Comment tu fais justement pour prendre en compte ces deux contraintes-là ?
B : Alors souvent je ne fais pas les photos dans un milieu sombre, j’évite d’aller en forêt, d’ailleurs j’ai très peu de photos d’animaux en forêt, mais je reste plutôt dans des milieux très clairs comme dans les prairies.
A : Parlons un peu de ton matériel. Alors quand je vois tes images, je me dis que tu dois avoir un gros 500 millimètres pour avoir des portraits d’animaux sauvages comme tu fais, je pense d’ailleurs à une grande aigrette que tu as faite, et en fait non le maximum que tu as c’est un 300 millimètres F4, et puis des objectifs macro aussi. Mais pas de gros cailloux type 500 millimètres. Alors comment tu fais pour avoir une telle proximité avec la faune sauvage sans avoir de gros téléobjectif ?
B : J’ai commencé avec un boitier petit format, donc avec un 300 millimètres, en fait ça faisait déjà presque 500 millimètres donc pour ça, ça ne posait pas de problème. Maintenant je me suis acheté récemment un D800, ça c’est un boitier plein format, donc ça fait vraiment 300 millimètres et là j’ai remarqué qu’il y avait une différence de zoom, je dois bien plus approcher l’animal et souvent j’ai plutôt une ambiance de l’animal dans le décor.
A : Ça c’est important. On est pas mal de photographes à ne pas avoir de 500 millimètres parce que ça coûte très cher, on peut avoir un 300 millimètres comme toi. Et tu as dit le mot important, je trouve, c’est le mot ambiance. Plutôt que rechercher vraiment le gros plan, il vaut mieux privilégier une ambiance, c’est ce que toi tu fais particulièrement bien, justement.
B : Oui, depuis que j’ai justement ce boitier plein format, j’essaie de plutôt faire l’animal dans son décor.
A : Qu’est-ce que tu privilégies, toi, plutôt pour tes photographies de mammifères et d’oiseaux, plutôt la billebaude plutôt l’affût, tu te tournes plutôt vers quoi ?
B : Je fais très peu d’affût en fait parce que je n’aime pas trop attendre, je pense qu’à chaque fois l’animal il passe juste plus loin, alors j’ai toujours envie de sortir de l’affût et d’aller voir. C’est pour ça que je ne fais quasiment pas d’affût en fait, je fais plutôt de l’approche.
A : D’accord. Alors moi ce serait plutôt l’inverse, je préfère l’affût parce que justement attendre ça ne me pose pas de problème mais je trouve très bien de ta part d’être franc là-dessus parce qu’on dit souvent que la photo animalière c’est l’école de la patience, il faut être patient. Et toi tu dis clairement que tu ne l’es peut-être pas suffisamment, donc l’affût tu le mets plutôt de côté, et la billebaude, donc l’approche c’est ce que tu pratiques le plus ?
B : Oui, exactement. Moi, j’aime bien marcher, me promener et faire ce que je veux en route.
A : D’accord. Par contre ça demande quand même une grande connaissance de la faune parce qu’on sait très bien que les animaux dans nos contrées à nous, en tout cas en Europe, sont très farouches, ils ont peur de l’homme. Quelles précautions tu prends pour pouvoir quand même approcher, en plus tu n’as qu’un 300 millimètres, quelles précautions tu prends pour pouvoir approcher suffisamment la faune sauvage ?
B : Tout d’abord il faut bien regarder l’horizon quand on avance, ne pas faire peur à l’animal quand on marche, et puis après c’est vraiment aller tout doucement accroupi, il faut chercher des haies où on peut approcher par derrière, et puis j’ai un filet de camouflage aussi, donc ça, ça aide vraiment.
A : D’accord. Donc ce n’est vraiment pas de la balade et de la randonnée habituelle, c’est vraiment une pratique particulière. Parce que tu fais des pauses souvent j’imagine ?
B : Oui.
A : Quel est le temps, la météo à privilégier justement pour pouvoir être le plus discret possible, il y a des conditions, toi, que tu privilégies pour faire l’approche ou la billebaude ?
B : Moi, j’aime bien toutes les conditions, la neige, le soleil, la pluie, donc je vais vraiment par tout temps, donc je n’ai pas vraiment de météo favorite.
A : D’accord. Est-ce que tu fais attention au vent particulièrement ?
B : Oui, je regarde souvent dans quel sens va le vent. Après je ne peux pas forcément changer mon itinéraire donc je fais comme je peux. Pour un chevreuil bien sûr je fais très attention mais si je vais dans le but de photographier un oiseau, je ne vais pas regarder le vent.
A : Là, ce n’est pas très important, ils ne sont pas très sensibles à ça. Mais par contre tu es prêt à faire un gros détour s’il le faut pour pouvoir longer par exemple une haie plutôt que de couper une prairie parce que tu seras plus cacher par la haie, ça tu feras ça, des gros détours par exemple ?
B : Oui, ça ne me pose pas de problème de faire des détours.
A : Alors dans ta biographie, sur ton site Internet, j’ai lu que tu préfères passer plus de temps sur le terrain plutôt que de potasser les livres. Est-ce que c’est le conseil numéro un que tu pourrais donner à ceux qui débuteraient la photo animalière ?
B : Je pense que oui, parce que moi personnellement, en lisant je n’arrive pas vraiment à me rendre compte de ce que l’on peut vivre en tant que photographe animalier, c’est surtout quand j’ai commencé la photo en allant sur le terrain que j’ai vraiment ressenti les émotions et que j’ai su comment il fallait faire.
A : D’accord. Par contre la technique photo, je veux dire, savoir choisir la bonne ouverture, la bonne vitesse, la sensibilité, la profondeur de champ, tout ça, tu l’as appris aussi sur le terrain ou tu as lu des livres ou on t’a conseillé, comment ça s’est passé ton apprentissage dans ce domaine ?
B : J’avais mon grand-père qui faisait de la photo argentique d’insectes, d’étoiles, lui m’a tout expliqué comment fonctionnaient les objectifs, justement l’ouverture, le diaphragme, le temps de pose, donc là j’ai eu de la chance d’avoir un grand-père connaisseur.
A : Alors tu as eu des photos primées à des concours prestigieux comme Montier-en-Der ou le célèbre Wildlife photographer of the year. Est-ce que de telles distinctions sont un tremplin pour un jeune photographe comme toi, ça t’ouvre des portes ou pas du tout, finalement ça n’a pas trop changé ta pratique ?
B : Je dirais que ma pratique elle n’a pas tellement changé. Après j’ai eu beaucoup de demandes d’interviews dans les journaux, comme ça. Je suis un petit peu plus connu dans le monde de la photographie mais sinon ça n’a quasiment rien changé, non.
A : Voilà, ça n’a pas vraiment bouleversé ton quotidien de photographe ?
B : Non.
A : Est-ce que tu encourages, alors quand je dis les jeunes photographes, toi tu n’as que 17 ans donc tu es encore dans la catégorie jeunes photographes, mais il y en a de plus jeunes ou peut-être pas bien plus jeunes, mais qui se lancent là-dedans et qui ont envie aussi d’un peu percer et de se faire connaitre, est-ce que tu leur conseilles de participer à de tels concours ?
B : On n’en a pas souvent parlé mais c’est sûr que participer à un concours, c’est un peu de reconnaissance du travail qu’on fait, donc je trouve que ça met en valeur notre travail, c’est bien pour progresser.
A : Quand tu participes à un concours, tu vas faire une photo pour un concours ou c’est que tu as fait une photo, tu la trouves très bien, tu as de bons retours et tu la proposes pour un concours. Quelle est ta démarche par rapport à ça ?
B : Alors je ne fais jamais une photo pour un concours. Au cours de l’année je fais mes photos et à la fin je choisis uniquement les meilleures pour le concours.
A : Etienne, avant de passer à votre magazine, à toi et à ton frère, tu ne pourras pas échapper au rituel de l’émission. J’aimerais que tu nous fasses le making of d’une de tes images et j’ai choisi celle du muscardin, on en a un tout petit peu parlé en début d’interview. Alors elle a été primée, celle-ci. Est-ce qu’on peut en savoir plus sur les détails justement de la prise de vue ?
B : Alors une fois de plus, c’était en billebaude, un soir d’été, je crois que c’était le 17 juillet 2012, et puis c’était juste avant le coucher du soleil, j’avançais, je me promenais, puis j’arrive au bord d’un champ de blé et je vois une petite boule collée contre un épi, alors au 300 millimètres je regarde, je n’arrive pas à bien voir ce que c’est, je trouve ça bizarre
A : Je te coupe, mais tu n’as pas de jumelles en fait ?
B : Non.
A : Donc là tu n’as jamais de jumelles, ou là particulièrement tu n’en avais pas ?
B : Non, je n’en ai jamais.
A : Donc pour pouvoir savoir ce que tu as au loin, tu prends en photo, tu regardes au 300 millimètres et après tu peux croper, tu zoomes, c’est ça ?
B : Oui, exactement. Alors là, je n’arrivais pas à voir ce que c’est, alors j’approche, j’approche, j’approche, et puis j’arrive tout près, je vois que c’est un muscardin. Alors il était occupé à grignoter, alors je fais quelques pas très doucement, puis je me mets accroupi, et puis je mitraille carrément parce que je sais qu’il ne va pas faire très long. Puis il finit de grignoter son grain, il redescend le long de l’épi, et puis après je ne l’ai pas revu.
A : Donc ça a été assez vite finalement.
B : Oui.
A : Donc ce n’est pas une séquence photo où tu es revenu plusieurs jours avec un affût pour pouvoir le prendre en photo, c’était vraiment au cours d’une billebaude ?
B : C’était vraiment un pur coup de chance.
A : Enfin pur coup de chance, oui et non, c’est toujours pareil, il fallait quand même que tu sois là, que tu fasses la billebaude, que la lumière c’est une lumière douce de fin de journée ?
B : Oui, c’était juste avant le coucher du soleil, je crois, vers 20h30.
A : Tu privilégies ces moments-là ?
B : J’aime bien le coucher du soleil, oui.
A : Plutôt qu’en début de journée ?
B : Disons qu’il faut se lever le matin et que je ne suis pas toujours disponible.
A : D’accord, je comprends. Surtout que le matin l’été, c’est beaucoup plus dur. Et donc le soir, par contre tu vas sur le terrain parce que la lumière est plus sympa et que l’activité des animaux est quand même plus importante ?
B : Disons que c’est le seul moment de la journée à part le matin où il n’y a pas une lumière trop dure, oui j’aime bien aller le soir.
A : D’accord. Est-ce que tu as su tout de suite que tu avais fait une belle photo ou pas vraiment ?
B : Sur le moment non, je n’ai pas trouvé ça terrible parce que je ne suis pas tellement rongeur en photo. Et puis arrivé à la maison, j’ai montré la photo à ma maman, elle était très enthousiaste en voyant l’image, donc petit à petit j’ai commencé à l’apprécier.
A : Là, pour le coup, tu n’avais pas de grandes connaissances naturalistes sur le muscardin ?
B : Non, effectivement je ne connaissais pas beaucoup ce qui était rongeur.
A : D’accord. On dit souvent qu’il faut bien connaitre l’animal au niveau naturaliste pour savoir son comportement, comment il va faire, mais là tu as vraiment profité d’un moment particulier pour avoir cette prise de vue-là ?
B : Etant donné que je n’ai pas dû le chercher et tout ça, qu’il m’est entre guillemets tombé dessus, je n’avais pas besoin de connaissances naturalistes sur le muscardin.
A : Est-ce qu’après, sur le coup tu t’es dit, tiens c’est vraiment sympa comme animal, je veux en savoir un peu plus ?
B : J’ai essayé de le revoir plusieurs fois mais je ne suis jamais retombé dessus.
A : Tu n’as jamais réussi à l’avoir en fait ?
B : Non.
A : Passons à votre magazine, donc à toi et à ton frère, qui s’appelle Chnature, un magazine naturaliste. Tout d’abord j’aimerais que tu présentes ce magazine, toi ou Sébastien, peu importe.
B : Bah, Sébastien !
C : C’est un magazine qui a été créé en 2007, donc la même année qu’Etienne a commencé la photo animalière. Donc c’est un magazine qui présente la faune locale de Suisse, qui est dédié à tout public, donc il y a des très jeunes qui sont abonnés et des gens un peu plus âgés. Le magazine fait une vingtaine de pages, il est publié tous les deux mois. Et chaque fois en fait on a un fil rouge, on choisit un sujet et on développe un sujet.
A : Alors, explique-nous la genèse d’un tel travail. Qu’est-ce qui vous est passé par la tête en 2007 à l’âge de 10 ans pour se lancer dans une telle aventure ?
C : Alors, déjà depuis tout petit on aimait bien la nature, et en 2007 je voulais créer une association, mais c’était vraiment familial, c’était PAM, protection des animaux du monde, et puis j’ai demandé à Etienne de faire un prospectus pour faire connaitre un peu mon journal, enfin mon journal, mon association plutôt. Et Etienne m’a proposé de faire un journal, justement. Au début c’était vraiment enfantin, c’était quelques pages, c’était du copier/coller d’Internet ou des livres, je nous vois encore avec les livres de la bibliothèque, le tout premier c’était sur l’hermine, c’était nos racines, maintenant c’est un de nos animaux préférés. Et puis avec le temps ça s’est développé, et puis maintenant c’est devenu ce que c’est.
A : Maintenant c’est vraiment du contenu exclusif que vous, vous créez de A à Z ?
C : Voilà, c’est nos photos, c’est aussi important pour nous, c’est tout maison, les textes, les photos, les dessins, la mise en page, tout ça.
A : C’est un travail en commun, en duo, main dans la main, avec toi et ton frère jumeau ?
C : Voilà, exactement.
A : D’accord. Ça doit demander un travail colossal parce que écrire, mettre en page, imprimer, envoyer, prendre les photos. Ça vous demande, à la louche comme ça, combien de temps de travail, peut-être pas par jour, mais par semaine en moyenne, comment vous arrivez à faire ça ?
C : Disons qu’on n’a jamais compté, c’est difficile à dire en fait, c’est en rentrant de l’école ou bien les week-ends, on n’a jamais compté mais on est bien organisé, c’est ce qui fait qu’on arrive à bien s’en sortir. Peut-être 7 heures par semaine, 7 ou 8 heures. C’est difficile à dire.
A : C’est quand même pas mal. Je trouve ça super bien que des jeunes comme vous fassent des choses aussi belles, le but ultime c’est finalement de faire connaitre la nature et de la préserver, je trouve ça vraiment formidable. Est-ce que je peux vous demander combien vous avez d’abonnés à votre magazine ?
C : On a environ 450 abonnés actuellement.
A : C’est génial. Donc justement j’allais y venir. Alors comment faire si moi Français habitant en France, est-ce que je peux m’abonner à votre magazine ?
C : Oui, tout à fait, il y a un formulaire exprès pour les Français sur le site Internet, chnature.ch, il y a tout qui est expliqué dessus.
A : Et donc si je m’inscris, je reçois tous les deux mois votre magazine papier dans ma boite aux lettres comme n’importe quel magazine habituel ?
C : Voilà, exactement, oui.
A : D’accord. Donc c’est un coût j’imagine, quand même.
C : Oui, c’est 33 euros pour les Français.
A : Il y a une trame tous les deux mois que vous choisissez, sur quoi d’ailleurs. Qu’est-ce qui fait que vous allez choisir tel ou tel sujet à développer dans votre magazine ?
C : C’est en fonction de nos rencontres dans la nature. Par exemple là dernièrement, on a beaucoup photographié les blaireaux, donc on a décidé de faire le prochain numéro là-dessus justement. Mais voilà, on ne sait jamais tellement à l’avance, c’est chaque fois au dernier moment qu’on choisit un petit peu le sujet du prochain numéro.
A : D’accord. Donc il y a le côté artistique parce qu’il y a de belles photos de blaireaux, là en l’occurrence, mais il y a aussi le côté naturaliste. Est-ce que je pourrai en apprendre plus sur les blaireaux par exemple ?
C : Là justement en principe il y a un peu deux côtés dans le journal, il y a le côté scientifique donc on va développer le côté documentaire de l’animal, et puis il y a le côté plutôt photographe, on va expliquer comment le photographier, comment l’observer, on va un peu raconter comme un carnet de terrain en fait, on va raconter comment on l’a photographié, comment on l’a observé.
A : C’est vraiment génial, ça doit être vraiment super passionnant. Alors j’aurais bien aimé en avoir un sous les yeux pour pouvoir vraiment développer un petit peu tout ça, mais déjà votre site, j’en profite pour vous le dire, votre site il est vraiment bien fait, le site chnature.fr.
C : .ch.
A : Ah mince, pardon. Donc votre site chnature.ch, il est très bien fait, très joli, à l’image de vos photos, il est assez épuré dans des tons doux, pastels et c’est un vrai plaisir que de surfer dessus. Et je trouve cette idée de magazine comme ça vraiment géniale. Et donc ça marche du coup puisque vous avez quand même plus de 450 abonnés, c’est bien. Vous vous attendiez à un tel succès au début ?
C : Non, pas du tout. Au début on avait 3 abonnés, c’était ma mère, ma grand-mère et mon arrière- grand-mère, donc on ne s’attendait pas du tout à ça, c’est vrai que c’est très encourageant, c’est ce qui nous pousse aussi à continuer parce qu’on n’est pas toujours très motivé, donc c’est vrai que ça motive.
A : Ah oui, j’imagine, il y a 450 personnes qui attendent le prochain numéro, ça doit vraiment donner des ailes pour pouvoir écrire et faire des photos.
C : Voilà, oui.
A : C’est super. Est-ce que vous voulez vous contenter de ça pour l’instant ou vous avez vraiment un vrai projet presque de métier là-dessus, quelque chose qui vous tient à cœur particulièrement ?
C : Alors, je dirais que pour l’instant on va continuer comme ça sans vraiment agrandit le truc. Mais on n’a pas pensé à en faire notre métier.
A : D’accord. Mais vous ne vous l’interdisez pas non plus ?
C : Peut-être que ça arrivera une fois, on ne sait pas.
A : En tout cas, c’est tout le mal que je vous souhaite.
C : Merci.
A : Est-ce que je peux commander un numéro, à l’unité, c’est-à-dire s’il y a un numéro qui m’intéresse, est-ce que je peux le commander à l’unité ?
C : Oui, c’est tout à fait possible, d’ailleurs il y a beaucoup de personnes qui en achètent à l’unité, notamment quand on fait des expositions comme ça, s’ils ont un peu un thème fétiche, ils cherchent dans les numéros, ils en trouvent un et ils prennent à l’unité.
A : Ceux qui sont abonnés peuvent participer à un concours. Quel est le but de ce concours justement, il y a quelque chose à gagner à la fin ou c’est vraiment pour le fun ?
C : Alors ça pose une question, il y a une petite photo et souvent on fait deviner ce que c’est comme animal, souvent il y a un petit piège ou comme ça, et à la fin il y a une petite récompense, on gagne une plaque de chocolat.
A : D’accord. Du chocolat suisse j’imagine ?
C : Ah ouais.
A : Evidemment. C’est très bien, une très bonne idée. Donc j’invite vraiment tous ceux qui nous écoutent et qui liront même la transcription texte à découvrir dans un premier temps le site chnature.ch, et puis à s’abonner à votre magazine déjà pour vous encourager à continuer, et puis aussi pour le contenu, pour la pratique photo, pour le contenu naturaliste et artistique, c’est vraiment un bon moyen d’apprendre la photo et en plus ça encourage deux jeunes comme vous à continuer là-dedans.
C : Merci.
A : J’ai noté que vous signez vos photos individuellement et vous ne faites pas par exemple comme le font Jean-François Hellio et Nicolas Van Ingen, c’est-à-dire peu importe qui prend la photo la signature est la même ?
C : Non, parce qu’on fait vraiment un travail individuel chacun de notre côté, le travail à deux c’est vraiment pour le magazine ou pour la critique, c’est vrai que c’est un avantage d’être deux pour ça, c’est vrai que quand on fait des photos, on reçoit la critique de l’autre, ça donne un avis plus objectif que nous-mêmes. Par contre vraiment notre démarche photographique, ce n’est vraiment pas la même, je pratique beaucoup plus l’affût qu’Etienne, donc on fait vraiment un travail chacun de notre côté.
A : Il faut bien s’entendre j’imagine, alors ?
C : Des fois on se chicane aussi, ça fait partie du truc aussi, mais c’est vrai que c’est sympa d’être à deux pour ça.
A : Qu’en pense votre maman, vos parents, pour ça, elle vous encourage là-dedans ?
C : Bien sûr qu’elle nous encourage, et puis même elle corrige le magazine, les erreurs, et puis quand il s’agit d’aller sur le terrain, elle nous emmène aussi en voiture parce qu’on n’a encore pas de voiture.
A : D’accord. Donc c’est vraiment un travail en famille. Donc c’est très bien. Je vous remercie, Etienne et Sébastien Francey d’avoir participé à cette interview.
B : Merci beaucoup.
C : Merci.
A : A tous les deux, beaucoup de courage et vraiment bonne chance dans la suite de votre aventure.
C : Merci.