« Jésus décida de récompenser l'âne de Bethléem. il donna à tous les descendants de cet âne le pouvoir de rire.»
Voilà un homme qui aime les chauve-souris et les colibris mais qui fait carrément une fixation sur les ânes et les abeilles.
Son choix est poétique, c’est la faute non pas à Voltaire mais à Francis Jammes et au divin Platon.
Tombé dans le poème de Francis Jammes quand il était jeune, mais si vous savez...
J’aime l’âne si doux
marchant le long des houx.
Il prend garde aux abeilles
et bouge ses oreilles
Celui là se nomme Séraphin
Voilà notre homme qui s’embarque dans un livre où il est question du mariage improbable de ces deux animaux.Gilles Lapouge est amoureux à la fois de l’âne « qui bouge ses oreilles » et de l’abeille industrieuse.
L’âne têtu (et ce n’est pas un mythe) et humble comme celui de la crèche à qui il manque une vertèbre ce qui le rend corvéable à merci, ne dit-on pas âne bâté ?
L’âne marche, musarde, flâne, « L’âne est tenté par l'anarchie. » alors que l’abeille chacun sait qu’elle est une travailleuse hors pair, acceptant de se dévouer corps et âme pour sa reine et qui nous donne son miel. Gilles Lapouge nous dit
« Ses colonies et ses ruches préfigurent les sociétés glaciales, techniciennes, sans ferveur ni déchirements, barbares en somme, modernes en somme »
L’abeille elle philosophiquement n’est pas pour l’anarchie « L’abeille est utopiste, à la manière de Platon et de Thomas Moore. » et elles sont résolument pour une société loin de tout individualisme.
« Les abeilles, en s'associant les unes avec les autres, sacrifient leur indépendance, leur insouciance, leur goût du plaisir et leur passion de l'inutile. »
Ânes et abeilles, ils les passe tous en revue, de Modestine accompagnant Stevenson, aux pauvres ânes des tranchées de Verdun (ils y étaient !) en passant bien évidemment par La Fontaine incontournable quand il s’agit d’animaux. Mais il y a aussi : la Bible, la mythologie, Homère, Aristote ou l’inévitable Marcel P.
Pour les abeilles c’est itou, des blasons à l’étude des ruches, aux savants qui se sont interroger sur la fabrication du miel et sur le sexe non pas des anges mais des bourdons, là Lapouge est ferme : l’abeille n’a pas de vie sexuelle qu’on se le dise ! si ce n’est avec des fleurs....alors que l’âne lui est un des seuls animaux à s’accoupler hors de son espèces ! oh voilà bien un « exhibitionniste » osé !
C’est une lecture délicieuse, douce comme le miel mais qui requière la ténacité de l’âne car Gilles Lapouge n’est pas en reste d’érudition et remonte allègrement les siècles pour nous enchanter. Je vous avertis que quand Lapouge vous tient il ne vous lâche plus et que l’on file doux
Un livre qui en en même temps fable philosophique, essai scientifique mais surtout une fantasia poétique et amoureuse.
Le livre : l’âne et l’abeille - Gilles Lapouge - Editions Albin Michel