Nous sommes le 10 août. Chaque 10 août, je me souviens d’une date fondatrice de l’Histoire de France dont les écoliers apprennent les péripéties et les gloires, le 10 août 1792.
Le 14 juillet, en rappelant la prise de la Bastille de 1789 et, un an plus tard, la fête de la Fédération, a un peu obscurci les autres dates fondatrices de la Révolution française. En relisant il y a peu, à l’occasion d’une réédition exceptionnelle de la collection Robert Laffont, l’Histoire des Girondins du grand poète et homme politique de gauche Alphonse de Lamartine, j’ai redécouvert le déroulé de cette journée qui conduisit à la chute de la royauté en France, et détermina les révolutionnaires de toute la France à fonder quelques semaines plus tard la République.
La famille royale savait qu’une émeute était imminente. Le peuple parisien ne faisait plus confiance à un roi dont les relations avec l’ennemi prussien et autrichien étaient évidentes. Or, cet ennemi occupait militairement une partie du territoire et menaçait Paris de terribles représailles après le signal donné à l’Europe des récents événements révolutionnaires. Cette journée fut un combat national, car des fédérés de la France entière étaient de passage à Paris, en attendant un départ pour le front. Les plus célèbres, les fédérés marseillais, portaient dans leurs bagages l’insouciance des jeunesses libres et sur leurs lèvres les paroles de la Marseillaise.
Les gardes suisses du palais des Tuileries, en tirant au canon sur le peuple, confirmèrent la trahison royale. Dès le matin, Louis XVI dut se réfugier avec sa famille au sein de l’Assemblée nationale. La France s’était libérée elle-même.
Il y a dix jours, nous avons célébré le centenaire de l’assassinat du grand socialiste Jean Jaurès. Jaurès consacra un temps et une énergie immenses à rédiger une monumentale Histoire socialiste de la Révolution française, dont on admire encore aujourd’hui la beauté du style, la musique des phrases et la force des jugements. En relisant ce livre, la continuité historique nous saisit. L’enthousiasme socialiste est né sous la Révolution française car c’est à cette époque, dans ces quelques rues, pendant ces heures au creux de l’été, qu’est née et que s’est affirmée une idée folle : la politique n’est pas faite juste pour administrer l’existant, mais pour réaliser, ici et maintenant, une promesse d’égalité. Le 14 juillet, c’était la liberté ; le 10 août, c’était l’égalité.
En invoquant Jaurès, j’invoque la stature la plus actuelle de la politique française. Le nouveau monde qui est en train de naître, et qui pose à chacune et à chacun d’entre nous la question de sa place en son sein, doit être construit en fonction des principes que ces deux dates affirment. Forts de l’ardeur de cette glorieuse histoire, attendons la rentrée avec la tranquillité des résolus, mais l’impatience des militants.
Claude BARTOLONE
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