J'avais, avant l'organisation des "Etats généraux de la modernisation du droit de l'environnement" dont j'ai assuré le co-pilotage, milité en faveur de la réforme du "permis unique". Il est temps d'engager désormais le débat sur la réforme du "schéma régional unique" (SRU) de manière à franchir une nouvelle étape dans l'indispensable simplification du droit. Un grand chantier de la refonte des outils de planification à la fois environnementale et urbanistique.
L'accumulation actuelle de plans, de schémas, chartes, lois d'aménagements et autres directives territoriales confine désormais à l'absurde. La planification environnementale et urbanistique du territoire ressemble à un mille-feuilles dont l'acceptabilité n'est plus acquise.
Je souhaite rouvrir ici le débat sur la création du "schéma régional unique" qui regrouperait tous les instruments actuels de planification. Cette idée était consensuelle lors de l'organisation des Etats généraux de la modernisation du droit de l'environnement lancés par Delphine Batho et malheureusement abandonnés depuis.
La réforme du schéma régional unique présente plusieurs avantages.
1. Elle permet aux élus et acteurs économiques de disposer d'un nombre réduit d'outils de planification plutôt que de devoir se perdre dans un mille feuilles composé de nombreuses strates aux rapports de compatibilité fort complexes.
2. Elle permet de consacrer clairement le rôle de deux collectivités territoriales en matière de planification : la Région et la Commune (et ses groupements si une simplification de l'intercommunalité est enfin réalisée). En ce sens, la France franchirait ainsi une nouvelle étape en matière de décentralisation et contribuerait à répartir plus clairement les compétences entre les différentes collectivités publiques.
3. Elle permet d'assurer la cohérence de tous les volets de la planification territoriale et de réduire ainsi drastiquement le risque de contentieux lié au fait que tel plan ne serait pas compatible ou conforme à tel autre.
4. Elle permet de disposer d'un outil élaboré à une date unique plutôt que d'avoir des plans élaborés à des dates différentes et qui exigent de multiples procédures de révisions plus ou moins simplifiées pour être actualisés et adaptés les uns aux autres.
5. Elle permet d'abolir définitivement le principe d'indépendance des législations urbanisme et environnement qui n'a, à mon sens, plus lieu d'être depuis le vote de la Charte de l'environnement. Le droit de l'urbanisme n'en sera nullement affecté mais enrichi.
6. Elle permet d'inscrire la protection de l'environnement au cœur de la planification territoriale. Elle permet aussi d'appliquer complètement l'objectif d'un développement durable des territoires en assurant, au sein d'un même document l'articulation des exigences économiques, sociales et environnementales. En ce sens, la réforme du schéma régional unique serait une avancée considérable en matière d'écologie.
7. Elle permet de donner une échelle cohérente et unique à la planification territoriale : l'échelle régionale et l'échelle (inter)communale
8. Elle contribue fortement à la sécurité juridique des pétitionnaires, maîtres d'ouvrages, acteurs économiques etc...et permet également de réduire la charge de cet effort de planification pour les finances publiques. Les demandeurs d'autorisations administrative disposeraient alors d'un nombre réduit d'instruments de planification à étudier avant de concevoir leurs projets dans des conditions de sécurité juridique considérablement améliorées.
9. Elle représente une avancée en matière de démocratie participative : le public serait consulté à un moment utile, où toutes les options sont encore ouvertes, sur un document complet qui offre un véritable panorama de tous les enjeux du développement durable à l'échelle d'un territoire. Le progrès de la démocratie participative est trop souvent quantitatif et pas assez qualitatif. La multiplication des phases de concertation, de réunions publiques, d'enquêtes publiques, de débats publics etc... n'a plus grand sens et ne contente plus personne.
10. Il est possible de profiter de la réforme du SRADDT, inscrite dans le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (articles 5 à 7), pour engager cette réforme du SRU.
Le débat doit être engagé sur cette réforme car plusieurs options sont possibles.
En premier lieu, il conviendrait bien sûr de définir la liste exact des plans, schémas, directives à réunir au sein d'un même schéma. On peut valablement penser que la Charte d'un PNR n'y a pas sa place. De la même manière, il conviendra de conserver un outil de planification infra régional, soit le PLU après avoir clairement généralisé son adoption par les communes qui sont encore au RNU, à la carte communale ou au POS. De même, il faut trancher clairement le débat relatif au PLU intercommunal et éviter la coexistence de plusieurs systèmes.
En deuxième lieu, les conditions mêmes de cette réunion sont à définir : intégration par volets au sein du SRU ou fusion complète des différents documents existants.
En troisième lieu, une période transitoire serait à observer pour assurer le passage du mille-feuilles actuel vers le schéma régional unique. Les documents existants pourraient être remontés au fur et à mesure ou par blocs dans le SRU.
En quatrième lieu, il appartiendra bien entendu à l'Etat de vaincre les résistances et les querelles de chapelles qui ne manqueront pas de s'exprimer. Car la complexité du mille-feuilles de la planification territoriale a aussi ses partisans.
Le travail de simplification du droit ne doit pas nécessairement et tout de suite aboutir à la suppression pure et simple de dispositions, de normes et règles qui peuvent être utiles. Au demeurant, ce travail d suppression génère à son tour des mesures qui s'avèrent parfois plus complexes que les anciennes. Réunir, associer, fusionner, codifier clairement, abolir les principes d'indépendance des législations : autant d'avancées pour simplifier le droit et, éviter ainsi, son rejet ou des stratégies de contournement.
L'articulation des réformes du schéma régional unique, du permis unique et du certificat de projet constituerait une avancée réelle en faveur, d'une part d'un meilleur respect du droit, d'autre part du droit à la sécurité juridique.
La présente note n'a pas d'autre objet que d'ouvrir ce débat.
Arnaud Gossement
Selarl Gossement avocats