Un roman d’espionnage diablement bien écrit : l’auteur n’usurpe pas son siège à l’Académie française ! Ses multiples vies antérieures (médecin humanitaire, ambassadeur ...) lui permettent aussi d’aborder un sujet qu’il maîtrise, avec la distanciation indispensable à celui qui veut alerter sans ennuyer.
Le thème de cet ouvrage est la dérive de l’écologie radicale (deep ecology) vers le terrorisme. A partir d’une prémisse logique « l’homme est une espèce parmi d’autres », certains illuminés tirent une conclusion radicale « pour préserver la nature, il faut impérativement réduire la population et surtout celle des pauvres qui polluent l’environnement ».
En France, les écolos sont plutôt sympathiques, avec leurs injonctions de tri des déchets et leur répulsion pour l’énergie nucléaire, largement tempérée par leurs querelles intestines. Il en est autrement dans d’autres civilisations – en particulier anglo-saxonnes.
L’histoire imaginée par Jean-Christophe Rufin transporte le lecteur à travers plusieurs continents : on commence en Pologne, avec le « casse » d’un laboratoire de recherche biologique et la libération de quelques animaux servant de tests, puis on s’envole en Afrique du Sud, aux Etats-Unis, en France et en Suisse et enfin à Rio, au cœur des favelas accrochées aux pentes abruptes du Corcovado.
Deux couples se traquent : les bons et les méchants. Les premiers tentent de supprimer des millions de pauvres, les autres de les en empêcher. Le héros s’appelle Paul, il est originaire de Louisiane et a repris, après son passage dans les services secrets américains, des études de médecine. Il est neurologue (tiens, tiens, comme l’auteur …) dans une clinique ouverte à tous. Il accepte une mission temporaire pour financer sa clinique, et recrute sa coéquipière préférée, Kerry, une superbe femme à la crinière flamboyante, qui se met en congé de sa famille pour cette mission top secrète.
L’homme à abattre est Ted, un exalté, manipulé en fait par une camarilla d’adeptes de la décroissance, décidés à mettre en œuvre un projet de jeunesse, y compris par le meurtre de masse. Après tout, il y a toujours des illuminés qui finissent par passer à l’action conforme à leurs écrits, comme Hitler après « Mein Kampf ». Malheur à ceux qui ne les prennent pas au sérieux.
Un roman dense, écrit de façon fluide et claire, faisant surgir des images précises, un style bien rythmé, plein d’humour, un livre qu’on ne lâche pas après l’avoir commencé, un peu naïf sans doute, mais largement documenté, émanant d’un homme qui sait de quoi il parle et est revenu de bien des illusions. Publié il y a 6 ans déjà, mais de plus en plus actuel si on songe à la fièvre Ebola.
Bref, le bouquin idéal pour l’été pluvieux que nous connaissons en ce moment, et qui, en plus, fait réfléchir aux problèmes de notre planète. Un livre d’espoir dans le génie humain.
Le parfum d’Adam (2008), thriller écologique par Jean-Christophe Rufin - éditions Folio – 765 p.