« Effrayé, le chevreuil pousse, en bondissant, un aboiement rauque, à répétition, s’accélérant souvent, qu’on n’attendrait guère d’un animal si délicat: baö, baö. D’un peu plus point, il est parfois difficile de le distinguer du glapissement du renard. Les deux sexes l’émettent, mais la voix du brocard me semble plus basse. Il ne doit pas toujours être signe d’effroi, c’est aussi le cri de combat du brocard en rut. »
Robert Hainard (1906-1999), extrait de « Mammifères sauvages d’Europe »
Quitter son lit à 5h du matin pour aller s’asseoir en bordure d’un champ en espérant voir une belle scène de vie sauvage peut sembler être une folie pour certains… Mais assister au lent réveil de la nature les pieds dans la douce rosée de l’été, entendre un aboiement de chevreuil au loin en se demandant si le lynx l’a réveillé de sa torpeur matinale, voir les premiers rayons du soleil éclairer la petite brume du matin sont autant de petits plaisir de la vie qui s’offrent uniquement à ceux qui se lèvent tôt.
Ce matin, c’est l’espoir d’assister à quelques scènes de rut du chevreuil qui a motivé une sortie du lit prématurée. Le chevreuil a la particularité de se reproduire durant l’été (mi-juillet à mi-août). Durant cette période, le mâle choisit une femelle et la poursuit inlassablement dans des courses folles à travers champs et bois. L’oestrus de la chevrette durant environ 36 heures et elle ne sera réceptive aux avances du brocard que durant ce laps de temps. Pour patienter et décharger sa testostérone, le mâle frotte volontiers ses bois contre de jeunes arbres. On appelle cela le « frayage ».
Le champ affuté restera vide de longues heures avant qu’un magnifique brocard décide de le traverser en milieu de matinée. Le vent étant favorable, ce dernier n’a pas soupçonné ma présence et s’est tranquillement approché à moins de cinq mètres de ma position. Toujours aux aguets, il observait le champ de long en large, et profitant de son avancée pour cueillir quelques herbes choisies avec soin pour se sustenter.
Ne voyant pas de chevrette dans les parage, le brocard a décidé de poursuivre sa route dans le champ voisin en espérant sans doute s’y retrouver en galante compagnie. L’aboiement rauque caractéristique et la frénésie entendus quelques minutes plus tard semble confirmer qu’il n’était plus seul…
Val-de-Travers, le 10 août 2014