9 août 2014
(No 2014-28)
Le jugement dernier/Messa da Requiem
Giuseppe Verdi
Latonia Moore, soprano
Festival d’opéra de Québec, 2014
J’ai pu assister à trois autres événements du Festival d’opéra de Québec avant que le rideau tombe sur sa quatrième édition le lundi 4 août dernier. Et depuis lors, la direction du Festival a présenté le bilan du festival de 2014 et la rumeur voulant qu’une nouvelle production de l’opéra L’amour de loin de la compositrice finlandaise Kaija Saariaho dans une scène de Robert Lepage soit présentée lors de la cinquième festival s’est confirmée.
À l’apéro avec des voix wagnériennes…québécoises!
Mon coup de cœur du festival de 2014 aura été l’événement Wagner à l’apéro. Organisé par la compagnie Tempêtes et passions et son directeur artistique Guy Lessard, cet événement a d’ailleurs fait salle comble durant les trois représentations qui se sont déroulées à la Chapelle du Musée de l’Amérique francophone les 28, 30 et 31 juillet 2014. Dans une mise en espace conçue par François Racine et utilisant avec simplicité et intelligence la nef de la magnifique chapelle patrimoniale, les interprètes ont su faire apprécier la musique de Wagner et son lyrisme. Situés avec un humour fin dans le contexte des œuvres par le musicien-auteur Georges Nicholson, les extraits des grands opéra autres du maître de Bayreuth, et particulièrement de la Tétralogie ont permis de découvrir de véritables voix wagnériennes. L’un de ces voix est sans conteste celle du baryto-basse Eugen Dragos Voicu qui a interprété l’air O du mein holder Abendstern, tiré du troisième acte de Tanhaüser, avec une aisance hors du commun. La mezzo-soprano Élizabeth Veilleux s’est également distinguée en chantant, d’une voix veloutée, le lied Traüme, tiré des Wesendonk lieders. La sensibilité et l’émotion imprégnaient cette remarquable prestation. Sans doute, les moments les plus chargés d’émotion auront été ceux mettant en présence en fin de concert le ténor Guy Lessard et la soprano Luce Vachon. Se donnant la réplique dans plusieurs airs du premier acte de l’opéra Les Walkyries (Die Walküre), les deux artistes ont su traduire toute l’intensité de la musique de Wagner, non seulement par leurs voix justes et maîtrisées, mais également par un jeu dramatique troublant. La pianiste Claude Soucy s’est avéré une admirable accompagnatrice de l’ensemble de groupe d’artistes qui comprenait également le baryton basse Marc-André Caron, la mezzo-soprano Nathalie Dumont, le ténor Keven Geddes et la soprano Jessica Latouche. Et l’un des beaux moments de cet événement, d’une facture instrumentale, aura été la l’interprétation an cor français de l’Appel de Siegfried par Claudine Giguère de l’Orchestre symphonique de Québec.
Wagner à l’apéro
Festival d’opéra de Québec, 2014
La grande histoire chantée de la musique lyrique…
Organisé quant à lui par l’ensemble vocal Les cinq octaves, l’événement « La grande histoire chantée de la musique lyrique » qui s’est déroulé le jeudi 31 juillet à la même Chapelle du Musée de l’Amérique française, ne m’a pas séduit de la même manière que Wagner à l’apéro. L’animation par François Rioux, qui présentait l’histoire de l’opéra à travers ses diverses époques et ses propres changements de costumes, se voulait ludique. Elle ne faisait pas toujours sourire, mais elle se fondait sur des textes et des projections dont le caractère pédagogique était indéniable. L’idée de débuter le concert avec la musique lyrique du XXe siècle et l’interprétation d’une pièce d’Alban Berg, n’était pas inintéressant, mais on comprend mal le choix d’insérer entre les périodes romantiques française et italienne du XIXe siècle la musique d’une époque présentée comme « Pendant ce temps en Amérique ». Il aura nettement préférable que, s’agissant des Etats-Unis d’Amérique et de la musique lyrique du XXe siècle, de proposer des extraits d’opéras de Gerschwin, Barber et Bernstein. Que le spectacle se termine par ailleurs sur des grands airs napolitains s’inscrit mal dans la périodisation autour de laquelle gravitait le programme du concert.
Le concert a par ailleurs offert quelques beaux moments lyriques. L’interprétation du Cantique de Jean Racine de Gabriel Fauré par les quatre solistes, la ténor Marc Duguay, la soprano Sylvie Malenfant, la mezzo-soprano Élaine Rioux et du baryton-basse Réal Toupin fut digne de mention. Élaine Rioux a quant à elle fort bien chanté le célébrissime air L’amour est enfant rebelle (Habanera) de l’opéra Carmen de Georges Bizet, alors que Marc Duguay et Sylvie Malenfant ont su émouvoir le public avec le duo (À paris, ma chérie, nous partirons) (Parigi, o cara noi lascermo). Réal Toupin signait par ailleurs les arrangements des pièces au programme et la pianiste Claude Soucy, qui était de retour à la chapelle quelques heures à peine après le Wagner à l’apéro, leur a conféré des couleurs lyriques.
Les cinq octaves
Marc Tanguay, Élaine Rioux, , Réal Toupin, Sylvie Malenfant et Claude Soucy
Le Jugement dernier – Messa da Requiem de Verdi…plus spectaculaire que lyrique
Le jugement dernier du quatrième Festival d’opéra de Québec s’inscrira dans les annales du jeune festival comme un événement plus spectaculaire que lyrique. Il aura su plaire au public mélomane de la capitale nationale davantage qu’il n’aura séduit sa gent opéraphile. Les libertés prises par le metteur en scène Paolo Miccichè avec l’ordonnancement des parties de la Messa da Requiem de Giuseppe Verdi n’ont pas échappé aux personnes les plus averties et cette dénaturation de l’œuvre de Verdi n’était vraiment pas nécessaire pour faire apprécier l’interprétation scénique proposée. Les impressionnantes projections des fresques de la Chapelle sixtine ont suscité l’émerveillement recherché et ont donné à la musique de Verdi un réel vernis florentin.
La renommée internationale des solistes n’aura toutefois pas suffi à ce que leurs prestations soit à la hauteur des attentes suscitées par une telle renommée. Inégale, la soprano Latonia Moore n’a procuré que de rares moments d’émotion, alors que la mezzo-soprano Eleni Matos était généralement inaudible. Le ténor Manrico Tedeschi n’a pas su insuffler la passion du texte et de la musique de Verdi. Seule la basse Luiz Ottavio Faria a véritablement tiré son épingle du jeu et su, par une voix juste et maîtrise, traduire l’intensité verdienne. Le Choeur de l’Opéra de Québec et l’Orchestre symphonique de Québec ont donné à cette production l’éclat qu’elle annonçait…et méritait. La direction musicale d’Ira Levin et la direction des chœurs de Réal Toupin ont su faire la différence et offrir notamment une finale qui m’aura par ailleurs, et comme tant d’autres, fort ému.
Pour lire des vues contrastées sur cette production, je vous invite à lire la critique de Richard Boisvert dans le journal Le Soleil du 2 août 2014 publié sous le titre « Le jugement dernier/Requiem de Verdi : entre le ciel et l’enfer » ainsi le commentaire d’Yves Leclerc paru dans le Journal de Québec le même jour et intitulé « Un requiem céleste et touchant ».
Et vous pourrez également, et bientôt, prendre connaissance de la critique que le compositeur Éric Champagne a préparée pour le premier numéro de L’Opéra • Revue québécoise d’art lyrique dont la parution aura lieu au début du mois de septembre. Il y commente le traitement de cette œuvre vocale non scénique qui a pris le chemin des scènes d’opéra, et aura emprunté durant l’été 2014 celle du Festival d’opéra de Québec !
Un bilan du quatrième festival et le retour de Robert Lepage
Le président du Festival d’opéra de Québec Gaston Déry et son directeur général et artistique Grégoire Legendre ont présenté un bilan de la quatrième édition de 2014. Ils ont mis l’accent sur la diversité des événements lyriques offerts pendant une édition qui offrait dix activités pour tous les publics, indiqué que plus de 17 500 personnes avaient fréquenté le festival en 2014 et que l’exercice budgétaire se soldait pour une deuxième année consécutive par une léger excédent. Pour lire le texte intégral du communiqué présentant le bilan du festival, vous pouvez cliquer ici.
Et, comme je l’avais appris pendant le Festival, la cinquième édition verra le retour de Robert Lepage. Comme cela avait le cas pour la production de The Tempest de Thomas Adès, Québec accueillera la nouvelle production de l’opéra L’amour de loin de la compositrice finlandaise Kaija Saariaho avant qu’elle ne soit reprise lors de la saison 2016-2017 au Metropolitan Opera de New York. L’on sait que la direction musicale de la production présentée au MET sera assurée par la chef Susanna Mälkki, mais la distribution n’est pas encore connue. Y entendra-t-on Gerald Finlay et Dwan Upshaw qui sont les interprètes que l’on peut écouter sur le DVD paru sous étiquette Deutsche Grammophon ? Pourra-t-on voir sur la scène de la salle Louis-Fréchette du Grand théâtre de notre capitale nationale des artistes lyriques du Québec dans cette production ? C’est à suivre…
Je serai de retour quant à moi le samedi 30 août 2014 avec un blogue lyrique dont le contenu sera dorénavant arrimé avec celui de L’Opéra • Revue québécoise d’art lyrique. L’équipe de rédaction de cette nouvelle publication travaille très fort pour assurer la sortie au début du mois de septembre 2014 du premier numéro (Automne 2014) de la nouvelle publication lyrique. Plusieurs opéraphiles nous honorent déjè de leur confiance et nous ont transmis leur coupon d’abonnement dont je joins une copie ci-après…avec la maquette du numéro modèle de la revue. Vous pouvez me le faire parvenir à l’adresse [email protected].
Maquette Abonnement Et pour ceux et celles dont l’opéra est la passion, je vous indique que le Festival d’art vocal de Montréal bat son plein, que le Café d’art vocal propose quatre jeudis lyriques pendant le mois d’août, que la Virée classique de l’Orchestre symphonique de Montréal propose plusieurs événements à caractère lyrique et vocal (Carmina Burana de Carl Orff, A Quiet Place de Leonard Bernstein et du Mahler par Marc Hervieux). Et, si vous êtes hors les frontières du Québec et plus précisément en Autriche, vous pourriez décider d’aller entendre ce soir au Festival de Salzbourg notre contralto nationale Marie-Nicole Lemieux qui chante aux côtés de Placido Domingo et Anna Netrebko dans Le Trouvère (Il Trovatore) de Giuseppe Verdi ! Bonne suite d’un été…lyrique !