Il y a peu, j’ai été contacté directement par Philippe Pratx qui me proposait de lire son dernier roman. Comme je n’avais pas fait tourner mon Kindle depuis quelques mois, je décidai d’accepter une version dématérialisée.
La copie proposée était soignée, avec un travail de mise en page évident qui se répercutait sur les titres et sous-titres des chapitres, la lettrine et le changement de typographie lié aux extraits manuscrits. Cela rendait le rythme de lecture fluide et agréable, d’autant que l’auteur découpe régulièrement ses passages par des inserts liés aux souvenirs du narrateur, ses notes biographiques, ses commentaires de films ou les lettres de la disparue. Quelques coquilles ont tout de même réussi à se glisser dans le texte, plutôt bénignes (des déterminants mal accordés notamment, des ponctuations oubliées) : cela ne nuit pas à l’impression de sérieux qui se dégage de l’ensemble.
L’œuvre, en revanche, est plus ardue à envisager, à assimiler. Philippe Pratx est un littéraire, il aime les mots et les phrases riches, les tournures élégantes voire surannées et n’aime rien tant que juxtaposer des propositions bien chargées, noyant ainsi le déroulement de l’intrigue et les très rares actions sous le flot incessant de son verbe précieux. Préférant narrer que retranscrire les dialogues, il nous assoit devant de longs paragraphes mêlant réflexions du narrateur, descriptions et paroles des interlocuteurs retranscrites à la troisième personne. Il en profite pour insérer des termes de vocabulaire rares (je ne connaissais pas « marescible » et le dictionnaire intégré au Kindle a même avoué son incompétence sur 2 ou 3 occurences) ou jouer du néologisme en fabriquant des mots.
Aussi enthousiasmant qu’agaçant par sa probité et sa prolixité, le livre finit par se laisser dompter et offrir une porte de sortie presque trop raisonnable. Fascinant par son ambiance languissante, il rappelle par moments la Forteresse de coton de Curval mais délivre son propre style délétère et hypnotique.
Pour qui ne se noiera pas, le roman s’avère prometteur. J’en profite pour renouveler mes remerciements à l’auteur.
Titre original
Le Soir, Lilith
Auteur(s)
Philippe Pratx
Format
Livre numérique
Editeur
L’Harmattan 2014
Collection
Edition originale
Traducteur
Nombre de pages
217
Synopsis : Alors qu'il met en ordre les éléments épars d'une possible future biographie d'une star du cinéma muet qu'il a fréquentée dans sa jeunesse, un écrivain reçoit la visite d'une étrange journaliste qui le presse de lui en dévoiler davantage sur la fameuse Eve Whitefield, plus connue sous son nom originel de Lilith... Dès lors, filmographie, notes manuscrites, souvenirs brumeux se mêlent pour tisser un canevas qui ne parvient pourtant pas à dresser un portrait fidèle d'un personnage hors du commun, jusqu'à ce que la journaliste dévoile à l'auteur une facette inconnue de l'actrice...
Je parle du pouvoir poétique des mots sur les choses. Le pouvoir de changer le monde.
"le Soir, Lilith", p. 105
Le Soir, Lilith - roman - Philippe Pratx : site officiel
Le Soir, Lilith - roman
http://www.indereunion.net/Lilith/
Site officiel du roman
Interview de l'auteur
Ce qui éloigne le plus l’œuvre de la réalité, c’est, dans celle-là contrairement à celle-ci, la multiplication évidente de ce qui fait sens ; là où le réel est vide et absurde, tout s’emplit et tout signifie.
"le Soir, Lilith", p. 153