Traduit par Monique CHRISTIANSEN
Vous vous souvenez peut être de mes billets sur les 2 précédents romans de Leif DAVIDSEN : "A la recherche d'Hemingway" et "L'épouse inconnue".
Si vous aimez les romans historiques et le suspens, vous pouvez à coup sûr vous lancer dans son tout dernier roman : "Le gardien de mon frère". C'est un petit bijou.
"Je suis très âgé et j'ai surtout envie de mourir, mais je suis toujours là, je branle du chef avec bienveillance en écoutant les discours qui glorifient mes hauts faits, d'abord dans la lutte contre les Allemands, puis au service du Danemark en faveur de l'industrie et du commerce danois, et je me dis qu'ils ignorent que tous ces exploits sont fondés sur un crime, dont j'ai toujours eu envie de raconter l'histoire avant de mourir. Le moment est venu de le faire."
Magnus Meyer est un vieil homme. Il n'a plus qu'une journée à vivre, il en a décidé ainsi. Mais avant de partir, il décide de raconter toute sa vie : les maltraitances de son père, son départ pour l'Argentine et les Etats Unis, son retour aux Danemark et cette promesse faite à sa soeur, Marie, de ramener sain et sauf leur frère, Mads, engagé dans les Brigades Internationales pour lutter contre Franco et les phallangistes, son amour pour Irina aussi et son séjour à Moscou pour la sauver des griffes du pouvoir stalinien.
C'est de nouveau un roman très réussi de Leif DAVIDSEN.
Il nous fait revivre cette période noire de la fin des années 30 pendant lesquelles 2 dictateurs sévissent, l'un en Espagne, l'autre en Union Soviétique. Les méthodes diffèrent mais les résultats sont très semblables, des populations civiles sont décimées, tantôt tuées et jetées dans des fosses communes, tantôt déportées vers les camps de Sibérie. Très documenté, ce livre retrace une page de l'Histoire.
Leif DAVIDSEN profite de ce roman pour rendre hommage à l'investissement personnel de ses compatriotes, au nom de la liberté, dans un conflit qui n'était pourtant pas le leur. Pour ceux-là, peu importait de sombrer dans l'illégalité vis à vis de leur pays d'origine, le Danemark, qui avait pris position pour une non-intervention dans le conflit hispano espagnol. Peu leur importait aussi d'aller se battre à plus de 1 700 km de leur territoire d'origine, dans un climat différent, dans des paysages différents... Peu leur importait aussi d'y perdre la vie, ça faisait partie des risques liés à leur combat idéologique. Plutôt mourir que d'accepter de vivre dans ce monde !
Quelques recherches sur les Brigades Internationales m'ont depuis permis de découvrir qu'en 1995, l'Espagne a accordé à tous ces combattants la nationalité espagnole pour reconnaître leur place dans la guerre civile. Leif DAVIDSEN perpétue leur mémoire par le biais de la littérature.
Mais, ce roman n'est pas seulement historique. Il comporte aussi un intérêt psychologique particulièrement intéressant. Par exemple, le romancier aborde la fratrie et , au travers de 3 personnages, nous montre comment chacun, dans un même contexte familial, éducatif... se construit son propre idéal. Il va encore plus loin en montrant à quel point les faits et actes des membres de la fratrie interréagissent sur les comportements des autres membres. Mads se serait il engagé dans les Brigades Internationales en Espagne si son frère aîné n'avait pas fui ce père tyrannique ? Un autre sujet qui ressort très nettement de cette lecture concerne la vie d'hommes et de femmes dans un régime dictatorial où l'oppression est permamente, l'angoisse omniprésente, les disparitions et exécutions récurrentes. Où puisent ils la force pour continuer à vivre ? Jusqu'où sont ils prêts à aller dans la reconnaissance des pleins pouvoirs du régime ? C'est aussi un très beau roman d'amour !
Que serait la grande Histoire si elle n'était nourrie de petites histoires ? Leif DAVIDSEN nous livre une très belle réponse avec des êtres ô combien attachants.
Vous l'aurez peut être deviné... c'est un
A lire absolument !
Annie