La France est-elle amnésique ? Qu'apprend-t-on de nos échecs ?
Pour la énième fois, Nicolas Sarkozy revient. Et la guerre embrase le Moyen Orient.
On comprend pourquoi Hollande a le blues en vacances.
L'émotion
On le voit encore ici ou là, en France ou ailleurs, célébrer le drame du premier conflit mondial. A Liège, en Belgique, François Hollande fustige la neutralité devant les massacres de civils en Syrie, Irak et à Gaza.
"Comment rester neutre lorsqu'un avion civil est abattu en Ukraine ? Comment rester neutre devant des massacres de populations civiles, comme en Irak, comme en Syrie où les minorités sont persécutées ? (...) Comment rester neutre quand à Gaza un conflit meurtrier dure depuis plus d'un mois ?"Ce recours à l'émotion ultime est devenu son unique propos politique. Hier, c'était la mort de 54 Français dans un crash d'avion qui mobilisait son agenda médiatique. Depuis, les célébrations du déclenchement de la Première Guerre mondiale ont repris le dessus.
Hollande cherche à dépasser les divisions du moment, à rassembler sur quelques causes "pures" et sans risque politique. Le spectre de la guerre totale au Proche Orient est réel. S'indigner des morts civiles est plus simple que de tacler l'allié israélien.
Plus Hollande célèbre le drame de ce premier conflit mondial, plus les crises militaires et politiques semblent se multiplier. Ce n'est plus un hommage, c'est une pénitence. A Gaza, l'armée israélienne se retire, mais le bilan civil est terrifiant. La "libanisation" de Libye inquiète les diplomaties occidentales qui restent sidérées et impuissantes. En Ukraine, le gouvernement légal appelle ses concitoyens à fuir les zones de guerre. En Irak, la ville chrétienne de Qaraqosh tombe aux mains des jihadistes.
En France, on agite forcément le spectre d'une immigration clandestine incontrôlée. Le Figaro en fait sa couverture le 5 août. Quelques blogueurs de droite tentent de relayer. Les habituels sous-ténors de l'UMP tentent de souffler sur les braises à coups de gros mensonges répétitifs. Hervé Mariton déboule sur France pour rouspéter contre les "aides sociales contributives". Eric Ciotti fustige encore le regroupement familial. Estrosi hurle à l'invasion.
Les clichés ont la vie dure.
Le blues
Hollande a sa loi du 4 aout. Nulle abolition des privilèges, mais quelques progrès pour l'égalité femmes/hommes. La loi du 4 août 2014 "pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes" a enfin été promulguée.
Mais la rentrée sera "difficile". Mardi 5 août, Hollande a fait publier le décret qui convoque le Parlement en session extraordinaire dès le mardi 9 septembre. Au menu, une loi sur sur l'autonomie des personnes âgées, le fameux texte de Bernard Cazeneuve sur le terrorisme, un texte sur les taxis, et la " loi d'avenir pour l'agriculture" de Stéphane Le Foll.
Manuel Valls n'est pas loin. Il rejoint Hollande dans les bas-fonds des sondages.
La guerre ailleurs, la déflation ici.
Décidément, l'histoire se répète. Le gouvernement socialiste s'inquiète enfin des conséquences désastreuses des politiques économiques européennes. En France, le "socialisme de l'offre" conduit à comprimer la demande. Le Canard Enchaîné publie quelques fuites délicieuses sur les désaccords entre ministres qui se sont fait jour lors du séminaire du 1er août dernierà l'Elysée. Michel Sapin y a confirmé que la croissance cette année serait nulle. Le déficit budgétaire va rebondir à 4,3%. Taubira s'est agacée que Montebourg attaque des "professions réglementées" telles les avocats ou les huissiers alors que c'est de son ressort. Le dit Montebourg veut que la BCE rachète de la dette publique. Fabius, l'ancien chantre du Non au TCE de 2005, a refusé qu'on fustige ainsi l'Europe (sic!).
Une banque portugaise, le Banco Espirito Santo, fait faillite. Goldman Sachs recommandait il y a à peine 6 mois d'en acheter des actions (sic!). A Bruxelles, on se félicite de la gestion du problème, preuve que le mécanisme d'union bancaire mis en place en novembre dernier fonctionne bien. Force est de constater que ni les déposants, ni les contribuables ne sont mis à contribution. Ce sont les actionnaires (et les créanciers non garantis) qui règlent l'addition. Le Crédit agricole perd ainsi 708 millions d'euros dans l'affaire.
Le 6 août, catastrophe en Hollandie. Le Conseil Constitutionnel censure les seules exonérations de charges sociales du Pacte de Responsabilité qui allaient bénéficier directement aux salariés: 520 euros de pouvoir d'achat supplémentaire par an pour un smicard effacés d'un trait ! La mesure devait coûter 2,5 milliards d'euros par an pour les finances publiques. Depuis mai 2012, la moitié des lois du gouvernement a été censurée par le Conseil... comme sous Sarkozy. La droite raille l'amateurisme du gouvernement. La gauche s'inquiète.
L'efficacité version Valls a-t-elle fait long feu ?
Les radicaux de gauche menacent de quitter le gouvernement. En cause, la réforme territoriale rapidement votée juste avant les vacances....
Les trous de mémoire de Sarkozy
Sarkozy aussi est en vacances. Pour la énième fois, il se confie à Valeurs Actuelles. Après le publi-reportage dans Paris-Match, puis la conférence rémunérée au Congo, il parle encore de lui, et de son retour. Il avait invité le patron de "VA" dans son palais du Cap Nègre. C'est plus facile pour discourir sur son sens du devoir. Qu'apprend-t-on ? Rien.
Sarkozy ne pense qu'à revenir, et nous le fait savoir toutes les semaines. Il n'y a rien, absolument rien de miraculeux en soi que "l'on parle de son retour dans la vie politique" avec tous les efforts qu'il déploie depuis mai 2012. Il paraît inchangé, incroyablement narcissique, et trahit une nervosité délicieuse quant à sa rentrée.
La France est-elle amnésique ? Dans son entretien, Sarkozy parle de lui, mais réalise l'exploit d'oublier de mentionner ses affaires judiciaires, ou son propre bilan qui s'invite pourtant naturellement et quotidiennement dans l'actualité. Prenez la Libye, qui sombre dans le chaos. Cette semaine, la quasi-totalité des diplomaties étrangères se sont retirées de la capitale libyenne. Comment Sarkozy peut-il s'abstenir de livrer le moindre commentaire, alors que la Libye fut si présente dans son (premier) quinquennat ?
Il veut revenir, mais il est bien seul. Son entourage proche est terrifiant de médiocrité politique. Il ne lui reste que les Balkany et Nadine Morano (laquelle s'inquiète d'être à nouveau mise à l'écart !). Même ses anciens conseillers s'en inquiètent. Dominique de Villepin, qui termine ses missions secrètes pour le Qatar, le soutient désormais bruyamment en espérant un poste de ministre des affaires étrangères en cas de victoire en 2017.
Que ce monde est parfois petit.
Crédit illustration: DoZone Parody