Puisque tout est allé très vite, les écrivains prennent la plume dans l'urgence, du moins ceux auxquels s'ouvrent les pages des gazettes. Il n'est pas (encore) question de commenter des faits. Robert de Flers, dramaturge, en appelle en quelque sorte à la conscience nationale en « Une » du Figaro. Au-delà de l'extrait que nous donnons, il cite Henri Heine, puisqu'il n'y a pas mieux qu'un Allemand pour parler de l'Allemagne : « Quand les Allemands sont de mauvaise foi, ils sont de mauvaise foi. Mais quand ils sont de bonne foi, ils font semblant. »
Roger Martin du Gard voit, à travers les personnages des Thibault, une ville de Paris affolée par le fanatisme patriotique. Le rêve du socialisme transnational que nourrissait Jacques semble devoir être emporté par la vitesse à laquelle l'Histoire s'écrit. Elle se lit dans les rues où les boîtes à ordures n'ont pas été vidées. Il ne s'agit pas du seul désordre, celui-ci du moins n'étant provoqué que par la brutale mutation d'une société civile en puissance militaire. Que les aspects civils en souffrent est un moindre mal.
Les combats ont commencé et Maurice Barrès s'enthousiasme dans l’Écho de Paris, qui conserve quatre de ses six pages habituelles quand beaucoup d'autres quotidiens paraissent sur deux pages seulement. Une feuille, voilà ce qu'ils sont devenus pour la plupart. Mais revenons à Barrès et aux raisons de son enthousiasme, tempéré cependant par le souci de donner aux non combattants une existence pas trop misérable, pendant que les forces vives de la nation sont montées au front.
Maurice Barrès, La résurrection de la France, in : L’Écho de Paris, dimanche 9 août 1914