L'histoire: Sous le régime communiste en Russie, certaines communautés criminelles ont été bannies en Sibérie. Kolyma et Gagarine sont nés et ont été élevés au sein de la plus dangereuse d'entre elles, les Sibériens. Alors que le mur de Berlin n'est pas encore tombé, ils sont éduqués par leur grand-père qui leur transmet les valeurs de leur clan.
Siberian Education est une sorte de triptyque qui mène de front trois histoires ; les trois âges qui ponctue la vie d'un homme : l'enfance, l'adolescence, l'âge adulte. En 1988, Kolyma et Gagarine sont des enfants d'une dizaine d'années. Leur père est mort et c'est leur grand-père, Kuzya, qui les éduque. En 1998, l'URSS n'existe plus, Gagarine et Kolyma ont vingt ans, ils commencent à se forger leurs propres opinions et leurs chemins se séparent. La dernière histoire ne met en scène que Kolyma, devenu un soldat impitoyable. Trois histoires qui semblent décousues au premier abord, avant de trouver des résonnances et s'imbriquer parfaitement les unes dans les autres.
L'éducation sibérienne est fascinante, à fois brutale et pieuse. L'environnement est rude et les Sibériens le sont tout autant. Kuzya est une figure intemporelle qui pourrait tout aussi bien appartenir au XIXème siècle qu'au XXème. Il ne cache pas la nature criminelle de son clan à ses petits-enfants et leur apprend à manier le couteau dès leur plus jeune âge. A dix ans, ils possèdent leur propre cran d'arrêt et n'hésitent pas à s'en servir contre des Géorgiens qui ont malmené un de leurs amis. La violence fait partie du quotidien mais Kuzya tient aussi à transmettre certaines valeurs. Si Kolyma se montre très respectueux de ce code, Gagarine quant à lui, après sept ans passés en prison, le trouve archaïque et stupide. La relation entre les deux frères est presque fusionnelle. Ils sont inséparables et Gagarine sacrifie sa liberté pour sauver Kolyma d'un soldat communiste. Malgré toute l'affection que les deux frères éprouvent l'un pour l'autre, c'est l'éducation sibérienne qui va les séparer.
L'histoire se concentre surtout sur Kolyma, qui s'imprègne peu à peu des principes et des symboles transmis par son grand-père. C'est un très beau personnage qui fait la liaison entre un monde traditionnel et un autre plus moderne : d'un côté, il apprend l'art du tatouage "à l'ancienne" et de l'autre, il découvre les chaises volantes au son d'une musique américaine. Il est incarné par Arnas Fedaravicius qui lui confère une sorte de force tranquille malgré les horreurs dont il est parfois témoin ou responsable. Il est bon sans être manichéen. Tout comme Gagarine n'est pas foncièrement mauvais, assumant des choix qu'il aurait préféré ne pas faire.
La bande de copains qui les entoure, même si elle n'est pas très présente, est touchante. De même que le personnage de Xenja, une jeune fille ingénue qui va bouleverser le monde de Kolyma et Gagarine, devenant malgré elle la clef de leur rupture.
Gabriele Salvatores livre un film minutieusement travaillé dont le jeu des acteurs impeccable, l'image et la musique contribuent à l'atmosphère à la fois rude et délicate. Les Sibériens ne sont pas des sentimentaux, ce qui nous épargne des moments pathétiques et pénibles. Ils ne sont pas privés de sentiments pour autant et la joie presque enfantine qu'ils éprouvent quand ils vont sur un manège pour la première fois m'a vraiment attendrie. La scène finale - pourtant lourde de sens et de conséquences, l'aboutissement de toutes les narrations mélangées - ne se départit pas non plus d'une certaine douceur. Et bizarrement, j'ai trouvé ce film assez paisible et superbe.
J'ai passé plus d'une heure à essayer d'ordonner mes pensée sur ce film sans vraiment y parvenir parce qu'il y a tellement de choses à en dire. J'espère quand même vous avoir donné envie de le voir!