[note de lecture] Jacques Demarcq," Avant-taire : roman en vers", par Bernard Bretonnière

Par Florence Trocmé

C’est dès la première page que l’on est convaincu par une écriture à la fois limpide et inventive, sage et audacieuse, d’une pertinence et d’une efficacité qui s’imposent. Le texte narratif, et « à peu près en vers » (c’est-à-dire parfois, mais non pas systématiquement), change de forme d’une page à l’autre, mais sans ruptures qui gêneraient. Toujours, il y a dans ce livre malicieux du jeu et, même quand les événements rapportés sont douloureux ou dramatiques, une mise à distance souvent teintée d’humour. Avant-taire est une magnifique fantaisie, mais jamais gratuite, jusque dans les retours à la ligne inattendus où l’on reconnait le familier de Cummings. 
 
La grande Histoire, ici, croise l’histoire personnelle et familiale de l’auteur qui, en mémorialiste précis, se raconte sans ego, dans un style fluide : « roman en vers » incluant des poèmes brefs, des sonnets rimés, à la métrique régulière (on y entend sonner de beaux alexandrins). Jacques Demarcq joue avec les mots, la langue parlée et de joyeux néologismes, jusqu’à la dysorthographie pour en souligner les polysémies, jamais gratuitement (à commencer par le titre). Un livre formidablement maîtrisé, original dans la folie douce de ses inventions, rigoureusement soigné dans sa composition (y compris graphique et typographique), dénué de tout pathos et extrêmement touchant. La poésie de Jacques Demarcq, inimitable, reste toujours parfaitement claire, élégante, jamais contournée ni gratuite.  
 
[Bernard Bretonnière] 
 
Jacques Demarcq, Avant-taire : roman en vers, Nous, 2013 
 
A propos de ce même livre, on peut aussi lire cette note de Jean-Pascal Dubost