Quand on est chroniqueur aéronautique, on est parfaitement rodé ŕ la façon de traiter une catastrophe aérienne. Vous ętes appelé par téléphone dans les secondes qui suivent la nouvelle par les radios et les télévisions et lŕ, on vous demande d'expliquer en 2 minutes ce qui s'est passé. Bien entendu, vous ne pouvez émettre que des hypothčses. Et vous avez beau insister sans qu'on vous écoute sur le fait qu'il faudra des mois et peut-ętre męme des années pour trouver la vérité, vous terminez votre intervention en répétant que le transport aérien est le plus sűr moyen de voyager...ce qui est vrai. En gros vous avez fait votre travail.
Mais avec le crash de ce vol d'Air Algérie sur le territoire du Mali entre Ouagadougou et Alger, la charge émotionnelle est telle qu'il faut en tenir compte. Si vous avez voyagé en France ces derniers temps, vous avez constaté que la presse régionale consacre des pages et des pages aux victimes de la catastrophe qui a fait 116 morts dont 54 Français. Par exemple Ouest-France qui a fait un reportage sur l'hommage rendu ŕ la famille Ouedraogo dont 7 membres ont été tués dans l'accident. Cela s'est passé ŕ Rouans en Loire-Atlantique. Ť Parmi eux, écrit notre confrčre, un groupe d'élčves infirmiers en larmes qui étaient dans la męme école que la fille aînée de la famille ť. Prenez Centre-Presse qui rapporte que 3 500 personnes se sont réunies ŕ Guéret ŕ la mémoire de la famille Gineste. Le pčre Bertrand, la mčre Véronique et leurs trois fils ont également péri dans la catastrophe. Bertrand Gineste qui était pharmacien n'avait pas ménagé sa peine pour nouer des relations depuis 10 ans entre la préfecture de la Creuse et le département du Zitenga au Burkina. Tout prčs de lŕ dans le Cantal ŕ Menet, un hommage public a aussi été rendu ŕ un couple et ŕ ses 2 enfants disparus dans la tragédie.
Dans ce MD83 maudit, se trouvaient des gens comme vous et moi auxquels se sont identifiés tous les Français. Il y avait ŕ bord des représentants du Burkina Faso, petit pays pauvre d 'Afrique qui a le mérite de respecter la démocratie, ce qui est peu courant sur le continent. Il y avait des Français, membres d'ONG qui rentraient en congés aprčs avoir aidé ŕ lutter pour le développement. Tous ces éléments constituant une Françafrique sympathique. Le bureau enquętes analyses (BEA) ne devra pas oublier ce côté émotionnel d'une catastrophe peu banale. A ce propos, pour avoir vu comme tout le monde les images des restes de l'appareil ŕ la télévision, je me demande comment il est possible qu'un avion soit pulvérisé en autant de mini-débris. Des images sous contrôle des autorités auraient-elles été sélectives ? Je me pose simplement la question . Les gendarmes rentrés des lieux du crash ont dit hier soir ŕ la télévision que l'avion était pulvérisé et qu'on ne retrouvait męme pas une valise entičre.
Puis revenons ŕ l'autre catastrophe, celle du vol MH17, 298 morts dans le Boeing 777 de Malaysian Airlines alors qu'il survolait l'Ukraine. Chaque jour qui passe confirme qu'il a bien été victime d'un tir de missile. S'il n'est pas encore possible de dire avec certitude qui a appuyé sur la commande du missile, l'hypothčse la plus probable est que le missile sol-air aurait échappé au contrôle des servants séparatistes pro-russes. Sur place le scandale continue. Les enquęteurs de l'OFCE ont eu toutes les peines du monde ŕ faire leur travail d'enquęte alors que la zone de crash n'était pas sécurisée et qu'il était permis ŕ tout un chacun d'emporter Ť un souvenir ť de l'avion abattu !
Enfin la question récurrente : pourquoi le Boeing n'a-t-il pas évité la zone de l'Est de l'Ukraine, ce qui est fait en partie maintenant par les compagnies aériennes. Il faut pointer du doigt l'OACI, l'agence de l'ONU qui établit les rčglements aériens et IATA, l'association des transports aériens qui regroupent prčs de 300 compagnies du monde entier. Ces organismes sont trčs lourds et ne sont pas faits pour répondre ŕ des questions d'actualité brűlantes. C'est bien aux directions générales des aviations civiles des états d'établir une veille dans ce domaine de la sűreté des vols.
Quant ŕ Vladimir Poutine, il sait tout le mal que peuvent lui faire les sanctions économiques décidées par l'Europe et les Etats-Unis. Et voilŕ qu'il veut prendre des mesures de rétorsion : au derničres nouvelles, il vient d'annoncer l’arręt de l'importation des produits alimentaires d'Europe. Mais il songe aussi ŕ interdire le survol de la Sibérie, ce qui pénaliserait lourdement les compagnies européennes en terme de consommation de kérosčne. Mais heureusement le pire n'est jamais sűr.
Gérard Jouany - AeroMorning