Quand l’enfant de tout près lui taquinait le nez, la barbe, le vieux se devinait dans les prunelles, seul miroir encore possible. S’il fallait expliquer les photos qui se pressaient sur le bahut : dire les noms, les parentés, les anecdotes, il coupait court, bifurquait dans Grimm ou Perrault. Si l’enfant voulait des dessins -une voiture, un chien, un éléphant- pourquoi le vieux les campait-il toujours devant une maison sur une falaise ?
Quand l’enfant brusquement ne vint plus, emmené par les parents sous d’autres cieux, le vieux rebuta les générosités par ses rudesses. La concierge déposait quand même devant la porte quelques provisions qui disparaissaient. Quand elle entra porteuse un jour d’une lettre bariolée, le vieux ne bougea pas dans son fauteuil, regard fixe, main raidie sur un sous-verre d’autrefois : c’était un jeune couple avec enfant, qui riait au soleil sur la terrasse d’une maison surplombant la mer.
Arion