D'un bon pas mais avec une relative discrétion, Luca Guglielmi poursuit, en parallèle d'enregistrements remarqués consacrés notamment à Johann Sebastian Bach, son exploration de l'univers de la musique pour clavier préclassique. Après Galuppi et Hasse (respectivement en 2010 et 2013 pour Accent), il revient à Giovanni Benedetto Platti, dont il avait déjà enregistré une très convaincante anthologie de sonates tardives parue en 2011 (Accent), en s'attardant cette fois-ci sur la partie concertante de sa production.
De ce compositeur très probablement né en 1697 à Padoue mais ayant fait l'essentiel de sa carrière, comme un certain nombre de ses contemporains, en terres germaniques (songez, par exemple, à Brescianello, natif de Bologne mais actif à Stuttgart), puisqu'il servit à la cour de Würzburg de 1722 à sa mort, le 11 janvier 1763, on conserve neuf concertos pour clavier et cordes, dont trois sont interprétés ici de façon judicieuse sur une copie d'un gravicembalo col piano e forte construit à Florence par Bartolomeo Cristofori en 1726 et un quatuor à cordes, un effectif qui permet de respecter les équilibres sonores et notamment à ce pianoforte des origines d'exploiter au maximum, sans jamais avoir à forcer le trait, la riche palette de dynamiques dont la recherche a justement présidé à son invention.
Le programme du disque a été intelligemment pensé de façon à démontrer que Platti occupe une place éminente parmi ces
musiciens que l'on désigne, faute de mieux, comme « de transition. » Sa manière évolue des arabesques du baroque finissant aux premières lueurs du classicisme, éventuellement
traversées par quelques éclairs préromantiques ; les œuvres les plus tardives proposées dans cette anthologie datent probablement de la décennie 1740, période durant laquelle commence à
s'élaborer, plus au nord, la grammaire du style sensible (Empfindsamkeit) dont passe parfois le frisson dans le Largo des Concertos en sol majeur et en la
majeur et surtout dans la superbe Sonate en ut mineur (1746),
Dirigeant le bien nommé Concerto Madrigalesco du clavier, Luca Guglielmi s'y entend pour donner leur juste densité à ces
compositions. La légèreté de l'effectif autorise vivacité et transparence, ainsi qu'une grande interaction entre les pupitres, autant de cartes jouées ici avec enthousiasme et
détermination
Cependant, ce disque, s'il ne constitue pas une révélation fracassante, n'en demeure pas moins recommandable à qui souhaiterait compléter ses connaissances sur le concerto pour clavier du XVIIIe siècle au moment où celui-ci amorce sa bascule vers une expression plus personnelle, tout comme au mélomane qui entendrait passer un moment d'agrément en exquise compagnie.
Concerto Madrigalesco
*Paolo Grazzi, hautbois
Luca Guglielmi, pianoforte & direction
1 CD [durée totale : 71'47"] Arcana A 375. Ce disque peut être acheté sous forme physique en suivant ce lien ou au format numérique sur Qobuz.com.
Extraits proposés :
1. Sonate en ut mineur op.IV n°2 : [I] Fantasia. Allegro
2. Concerto en ut mineur : [I] Andantino
3. Concerto en la majeur : [III] Allegro
Un extrait de chaque plage de ce disque peut être écouté ci-dessous grâce à Qobuz.com :
Illustrations complémentaires :
Giovanni Benedetto Platti (1697-1763), Concerto pour hautbois et basse continue en ut mineur, manuscrit Mus.2787-S-2, fol 1r, Dresde, Sächsische Landesbibliothek – Staats- und Universitätsbibliothek
La photographie de Luca Guglielmi est de Marco Borggreve.