Diversité identitaire et sexuelle
Être Arabe et LGBT
Accepter sa différence de genre ou d’orientation sexuelle n’est jamais facile. Et dans certains pays arabes, protéger son identité et sa vie privée devient vital. Rendez-vous avec la communauté arabe LGBT de Montréal pour comprendre leur quotidien.
Delphine Caubet. Dossiers Homosexualité, Sexualité
Depuis quelques années, Helem reçoit de plus en plus de demandes d’aide venant d’Afrique du Nord (Maroc, Algérie, etc.) Les membres de la communauté LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres) y sont malmenés et ces exilés doivent fuir leur pays par contrainte de représailles de la part de leur entourage et des autorités.
Helem, qui signifie «rêve» en arabe, est aussi l’acronyme de «Protection libanaise pour les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et les queers.» Depuis 10 ans, ce chapitre montréalais du bureau de Beyrouth milite pour la diversité sexuelle et identitaire dans les communautés arabes.
Cette organisation n’est pas que musulmane. Comme au Liban où différentes religions se côtoient, le conseil d’administration de Helem est composé majoritairement de chrétiens, mais aussi de musulmans.
Homosexualité, prison et peine de mort
Dans les pays arabes, il existe une grande différence dans la condamnation (ou acceptation) de l’homosexualité. Cela peut aller de 1 an d’emprisonnement jusqu’à la peine de mort en Arabie Saoudite, par exemple.
Pour Rémy Nassar, président de Helem, cette difficulté avec l’homosexualité trouve son origine dans le caractère souvent machiste de ces cultures et dans le tabou du sexe. Les stéréotypes de genres y sont bien définis et chaque sexe doit correspondre à l’image qui lui est attribué. Tout individu non conforme se retrouve au mieux marginalisé, sinon maltraité. Et en cas de difficultés, il ne peut pas se tourner vers les forces de l’ordre, puisqu’en tant qu’homosexuel, il deviendrait un criminel aux yeux de la loi.
Paradoxalement, «la transsexualité est presque mieux vue que l’homosexualité» dans certains pays arabes, précise Rémy Nassar. Comme en Iran par exemple. Dans le pays, l’homosexualité est condamnée à la peine capitale. En revanche, pour un changement de sexe, c’est l’état qui paie l’opération. «Beaucoup de gens changent de sexe pour vivre leur homosexualité, alors qu’ils ne se sentent pas vraiment trans.» S’ajoute à cela, tous les risques encourus par les lourdes opérations.
De même, au Liban, les opérations de chirurgies esthétiques sont monnaie courante. Dans la rue, un transsexuel peut aisément passer pour une femme ayant fait de la chirurgie esthétique. Helem a aidé une transsexuelle libanaise lors de son arrivée au Québec. Et ironiquement, ici, les autres transsexuelles la regardaient «de travers et étaient jalouses d’elle.» Car au Liban, elle a eu recours à tout le processus de chirurgie esthétique. Chose qui ici est extrêmement onéreuse (entre 20 000$ et 80 000$) et donc peu accessible.
Acceptation de l’homosexualité
Depuis ses 10 années d’existence, Helem a recencé une nette évolution dans l’acceptation de l’homosexualité par la communauté arabe au Québec.
À leurs débuts en 2004, ils se faisaient insulter en arabe lors de défilés de la Fierté gaie. «Vous êtes la honte», «vous n’êtes pas de vrais Arabes», telles étaient les insultes auxquelles devaient faire face les courageux qui osaient se montrer publiquement.
Les membres de l’organisation avaient de la difficulté à s’afficher complètement sur leur site Internet. Certains ne mettaient pas leur photo et d’autres allaient jusqu’à utiliser de faux noms. Mais pour aider leurs membres, les dirigeants de Helem ont dû faire un effort et se montrer au grand jour. «Les gens venus d’Égypte avaient peur qu’on ne soit pas un vrai organisme. Là-bas, la police traque les gays. Ils leur donnent rendez-vous sur Internet et quand la personne se présente, c’est la police. Ils l’emmènent au poste, l’arrêtent et la torturent.» Face à cette crainte d’une partie de la population, Helem a travaillé pour davantage s’afficher. Aujourd’hui, la quasi-intégralité du conseil d’administration est visible.
Mais cette période de tensions avec le reste de la communauté arabe n’a duré que les 2 ou 3 premières années, précise le président de Helem. Aujourd’hui, les mentalités ont évolué et ils reçoivent même des messages d’encouragement en arabe. L’organisation a également développé de forts liens avec les associations québécoises d’aide aux LGBT. Ils travaillent notamment avec GRIS-Montréal (Groupe de recherche et d’intervention sociale) pour discuter et échanger dans le but d’apporter de la diversité.
Spiritualité et homosexualité
Les membres chrétiens de la communauté arabe peuvent trouver des conseils spirituels auprès d’autres Églises à Montréal (telle que l’Église Unie du Canada). Mais pour les membres musulmans, la question est plus délicate. D’après Rémy Nassar, à sa connaissance, il n’existerait aucun organisme au Québec qui viendrait en aide aux membres LGBT de la communauté musulmane. La relation Islam – homosexualité est toujours difficile. Si aucune mosquée à Montréal n’est clairement ouverte aux LGBT, certains croyants peuvent trouver conseils et aide auprès d’un chef spirituel.
Un ancien membre de Helem a bien connu ce cas de figure. Ce dernier était un fervent musulman, qui commençait à accepter son homosexualité. Mais cette dualité entre sa religion et son orientation sexuelle le troublait, et il se posait de nombreuses questions. L’homme s’est alors tourné vers son imam pour l’aider à résoudre ce conflit. Les conseils du chef spirituel ont visiblement aidé et depuis, il s’est investi dans Helem et a milité pour les droits des LGBT dans les communautés arabes.
Comme beaucoup de LGBT pratiquants, ces personnes finissent par adopter leur propre compréhension de la religion, délaissant ainsi les aspects qui entreraient en conflit avec leur identité ou leur orientation sexuelle. Enfin, d’autres personnes peuvent aussi accepter leur homosexualité, tout en choisissant de ne pas la vivre et de faire abstinence.
Religion et spiritualité
«On a un peu de mal avec la religion. Mais cette année, on commence à y penser, car plusieurs personnes très croyantes nous ont rejoints.» Helem est catégorique: ils ne traitent pas de religions pour éviter de recréer ici les conflits du Moyen-Orient. «Parfois, on discute de choses qui n’ont pas rapport, et des commentaires ressortent comme "ah oui, c’est parce que tu es un sunnite ou un chiite." Donc, la religion est quelque chose avec laquelle nous avons toujours eu du mal.»
Depuis peu, une moitié des membres sont très croyants, et l’autre moitié ne veut rien savoir de la religion. Mais l’organisation a déjà fait des tentatives en invitant un prêtre et un imam à parler d’homosexualité. Cette année, à leur propre étonnement, ils vont même débattre de la charte de la laïcité.
Si les musulmans sont sous-représentés dans Helem, cela peut-être dû à une crainte de s’afficher publiquement. Au grand étonnement des membres, lors de l’organisation de soirées dansantes «beaucoup de musulmans viennent sortis de nulle part» s’amuse Rémy Nassar. «Et on se demande toujours pourquoi ils ne sont pas membres !?» En attendant de se montrer totalement, le bouche-à-oreille fonctionne et beaucoup ont entendu parler de Helem comme un organisme de référence.
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