L'été c'est le temps des lectures. Dans mes voyages il y a toujours ces livres qui débordent de la valise et ces pages à ouvrir sur l'intelligence, la conscience et la connaissance que j'estime devoir toujours satisfaire. Je ne puis me dérober à la curiosité.
Cette année j'ai emporté soit pour les terminer ou les découvrir les ouvrages de Philippe Forget: " Du citoyen et des religions: Liberté, souveraineté et laïcité "les événement de Gaza et les réactions qu'ils ont engendré trouvent ici un argumentaire de poids pour dénoncer les abandons du politique en faveur des communautarismes qui délitent l'espace civique et républicain. Roland Topor ( le sacre livre de Prouto ), le chef d'œuvre absolu de Paul Louis écrit en 1905: Le colonialisme. A lire et relire pour survoler les bouillies intellectuelles et dont pour vous allécher je vous livre ici l'introduction:
" L’expansion coloniale n’est pas, de nos jours, un phénomène particulier à tel ou tel Etat. Elle est devenue en quelque sorte l’une des caractéristiques du monde contemporain, et apparaît, par suite, comme l’une des manifestations organiques du régime capitaliste.
Aussi longtemps qu’elle demeurait le fait d’une ou de plusieurs puissances isolées, il était permis, sinon de s’en désintéresser, du moins de la reléguer au rang des préoccupations et des événements secondaires. Tant que l’Angleterre, héritière des empires exotiques de la France, de la Hollande, de l’Espagne, ne compta point de rivales sérieuses, dans les continents ou les archipels lointains, le problème ne pouvait surgir en toute sa grandeur. Mais dans le dernier quart du siècle écoulé la répartition politique du monde a été renouvelée : les pavillons européens ont été plantés sur les îles de la Papouasie et dans les bassins lacustres de l’Afrique centrale. Tous les pays, ou peu s’en faut, ont affirmé des velléités de conquêtes ; des dizaines de millions de jaunes et de noirs ont été assujettis, astreints à l’impôt, incorporés aux milices, forcés au travaille plus pénible et le plus mal rétribué, si bien que leur sort a semblé plus lamentable et plus dur que la condition des prolétaires blancs les moins favorisés.
L’Europe et après elle l’Union américaine, issue de souches européennes, se sont déversées sur toutes les terres qui demeuraient disponibles. Cette occupation brutale évoque les souvenirs historiques des grandes migrations de peuples, des invasions barbares, — des avalanches humaines qui se succédèrent de l’apparition des Cimbres à la prise de Constantinople.
Le phénomène est assez ample et assez saisissant pour secouer notre indifférence; il vaut d’être étudié en lui-même, dans ses causes, dans ses conséquences multiples.
Ce n’est pas uniquement parce qu’il s’est, à vrai dire, universalisé, et parce qu’il a brisé tous les cadres, qu’il mérite d’être examiné minutieusement. Il intéresse., au plus haut degré, la vie présente et auss-i l’avenir du prolétariat. Il importe de rechercher quelle influence le colonialisme peut et doit exercer sur l’évolution des sociétés, quels éléments pertubateurs il jette dans l’atmosphère., quels efl’ets économiques il engendre nécessairement.
Ces «quelques observations précisent le sens de ce petit livre, et en circonscrivent en même temps le domaine. La classe ouvrière, qui sera l’instrument d’unification de l’humanité future, ne saurait pourvoir à toutes ses lâches, si elle ne connaissait exactement le milieu où elle opère.
Or, l’on n’a pas défini tout le régime contemporain, lorsqu’on a signalé l’extension du machinisme, la concentration capitaliste, la ruine de la petite industrie, le déracinement des populations rurales, la crise agricole, le grossissement continu de l’armée prolétarienne, la croissance du chômage. Le développement colonial n’est pas le trait le moins significatif du système. Il pèse à celle heure sur les Allemands comme sur les Anglais, sur les Américains comme sur les Français. Il domine toutes les combinaisons de forces du lendemain, et commande déjà toutes les guerres d’aujourd’hui.
Les congrès socialistes ont inscrit, à plusieurs reprises, le colonialisme à leur ordre du jour; aux assises d’Amsterdam, en 1904, deux spécialistes en la matière, Hyndman et van Kol, ont remis des rapports qui offrent le plus haut intérêt, mais qui n’embrassent pas l’ensemble des questions posées, et il n’en pouvait être
autrement, au surplus, puisque ces rapports devaient être des résumés.
Notre objectif est ici de montrer les sources profondes du mouvement colonial, les caractères généraux qu’il présente, les résultats qu’il a donnés et ceux qu’il engendrera fatalement, la répercussion qu’il aura sur la contexture économique du globe et sur les relations des classes en présence. Notre conclusion se synthétiserait assez bien en ces lignes : le colonialisme, issu du mécanisme capitaliste, déchaîné par les convoitises et par les besoins pressants des possédants, hâte l’effondrement de la société actuelle, exaspère et universalise les conflits sociaux. "
J'ai emporté également ce " quelques notes d'u.s.a " de Luc Durtain publié en 1928 et ami de Paul Nizan, anticolonialiste dans son roman " Dieux blancs, Hommes jaunes" et qui fait découvrir dans ce roman une Amérique raciste, anti nègre. C'est Philippe Soupault qui dans la revue Europe mettra en exergue dans un article élogieux le tableau brossé par Durtain dans un style qui rend la lecture agréable malgré la noirceur du sujet.
Et j'ai parcouru avec attention les pages consacrées à Jean Ralaimongo ( 1884 - 1945 ) et à son parcours infatigable de militant pour la cause malgache. Fondateur de la Ligue française pour l'accession des Indigènes de Madagascar aux droits des citoyens français en en Janvier 1920. Le précurseur du combat anti colonial par cet homme né esclave, puis affranchi lors de la conquête de Madagascar, devenu instituteur et après son parcours comme soldat puis sergent chef dans les tranchées de 1914-1918 est devenu militant socialiste ( un vrai ), ami de en 1921 de Nguyen Ai Quoc le futur Ho Chi Minh. Membre également de la Ligue des Droits de l'Homme et de l'Arac ( Association Républicaine des Anciens Combattants ). Membre de L'Union Intercoloniale fondée par son ami le plus cher Stepany et Ho Chi Minh il est à l'origine de cette revue ( la première!!! ) parue d'avril 1922 à Avril 1926: Le Paria. De retour à Madagascar sa vie sera celle des emprisonnements, des créations de journaux comme La Liberté pour sensibiliser son peuple à cette nécessaire reconnaissance de droits, de citoyenneté et plus tard indépendance. Il ne connaîtra pas 1947 et encore moins l'indépendance alors que toute sa vie a été conduite avec cet objectif et avec humanisme. J'ai donc lu avec attention le livre de Louis Combey : " L'Aurore Sociale " qui relate le parcours fraternel et exemplaire de cette figure malgache qui a mené aussi son engagement au cœur de la conscience universelle des francs-maçons et qui dans sa lumière sociale et humaniste préfigure les heures âpres des résistances africaines, des résistances politiques qui menèrent aux indépendances.
Mes valises étaient bien remplies et je suis revenu vous le devinez un peu plus riche... J'ai aussi consulté de nombreuses pages sur l'anti colonialisme avec des moments anthologiques que je ferai figurer sur ce blog que je veux socialiste, humaniste et laïc avec une critique acérée des inégalités comme celle toujours violente qui touche les femmes, les handicaps. J'ai aussi beaucoup tenté de préserver mon identité de socialiste en revisitant Jaurès, à trouver tout le sens de ce combat dans l'action sociale. À Saint-Claude dans le Jura j'ai visité La Fraternelle, cette Maison du Peuple où sont nées les coopératives ouvrières et où Jean Jaurès déclara lors de l'inauguration en septembre 1910 qu'il fallait bâtir pour le socialisme de demain. Cela a une toute autre gueule, dimension, que ce que nous offre aujourd'hui le " socialisme " de Hollande et pour mes amis fontenaysiens soucieux de voir cet idéal forgé de solidarité tenir face aux abandons d'un PS désorienté je veux les rassurer il existe encore des généalogies socialistes et Fontenay Socialiste s'honore de sa présence dans les combats que nous mèneront des la rentrée. Le chemin social est long et ce ne sont pas les écarts des figures locales qui éroderont nos convictions!