Yazd semble bâtie avec le désert même: des mêmes teintes ternes, du même roc décrépit, avec la même aversion de la ligne droite.
Les ruelles de la vieille ville, désertées dès que le soleil monte, forme un labyrinthe toujours pareil et toujours différent: brique jaune recouverte de torchis, voûtes ogivales entre deux murs, terrasses, dômes… Cette uniformité sans régularité est ponctuée par des “tours éoliennes”, des structures carrées qui dépassent de la canopée des toits et qui captent le monde souffle d’air.
Et soudain c’est l’éblouissement d’une mosquée: mosaïques de faïence, fulgurance des tours, floraison du dôme, espace vide de la cour, fontaines à ablutions, fraîcheur de l’intérieur. Rien n’isole les mosquées du tissu de ruelles, elles sont pareilles à des fleurs dans un désert de sable.
Yazd me fait penser à Kairouan, autre ville millénaire même si elle ne rivalise pas avec Yazd. Étapes sur la route des caravanes. Lieux saints stupéfiants. Omniprésence du sable.
A part cette similitude géographique elles ont peu en commun: Kairouan est un des lieux saints de l’Islam mais une ville microscopique; Yazd par son isolement a servi de refuge aux Zoroastriens et reste une grande ville prospère.
D’où Yazd tire-t-elle son eau? Comme tout bon touriste je visite le musée de l’eau (belle demeure historique par ailleurs), qui a explique le principe des qanats: ce sont des tunnels souterrains, parfois longs de près de 100 kilomètres, qui acheminent en pente infinitésimale l’eau captée dans des sources ou des nappes phréatiques. Ils existent depuis plusieurs millénaires et on voit parfois, dans le désert, la trace que laisse en surface l’excavation de la terre: comme des terriers de taupe alignés jusqu’à l’horizon. Les qanats font moins d’un mètre de large et un mètre ou deux de haut. Certains sont – paraît-il – à 100 mètres de profondeur.
Je m’étonne cependant qu’une méthode ancestrale alimente en eau une ville de plusieurs centaines de milliers d’habitants. Dans le bus pour Ispahan, un Iranien m’explique que l’eau de Yazd vient en fait d’Ispahan; que le fleuve qui traverse Ispahan est à sec depuis 5 ans; que les notables de Yazd, riches de 4000 mille ans de négoce, ne quitteraient pour rien au monde leur ville du désert; que lui ne comprend pas: Ispahan est si belle…