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En 2011, les secousses des printemps arabes avaient fini par enflammer la Libye, par le Nord-Est du pays, à Benghazi. Le ministre des affaires étrangères de Nicolas Sarkozy avait eu les mots qu'il fallait pour secouer le Conseil de Sécurité de l'ONU, et faire autoriser une intervention occidentale.Pour Nicolas Sarkozy, qui avait soutenu jusqu'au bout et même au-delà les autocraties égyptiennes et tunisiennes voisines, s'attaquer à la Libye était une façon de se racheter une virginité politique.
Quelques mois plus tard, le cadavre du colonel Kadhafi était exhibé devant quelques caméras occidentales près de Syrte. Pourquoi avait-il été tué si vite alors qu'il avait été capturé vivant ?
En 2011, Sarkozy applaudit trop tôt.
Avec son allié du moment le premier ministre britannique David Cameron, venaient se faire applaudir à Benghazi par une foule libérée. Ils furent tous deux acclamés aux cris de Allah Akbar. La rébellion libyenne, financée par le Qatar, était islamiste. Quand il étair à Benghazi, sur son estrade, Sarkozy ne parlait pas aux Libyens présents, mais aux Français coincés devant leur écran de télévision.
"Peuple de Libye !! Vous avez démontré votre courage. Aujourd'hui vous devez démontrer un nouveau courage, celui du pardon et celui de la réconciliation." Sarkozy à Benghazi.Qu'elle était belle, cette histoire.
1. En 2014, la guerre fait à nouveau rage en Libye.
La Libye est aujourd'hui à feu. "Les Occidentaux sont responsables de ce qui arrive aujourd'hui, puisque la Libye s'est retrouvée sans Etat, et avec toutes les difficultés que cela pose pour le reconstruire" expliquait un expert dans les colonnes d'Atlantico.
Vendredi 1er août 2014, les autorités sénégalaises annonçaient qu'elles fermaient leur ambassade à Tripoli et rapatriaient leur personnel. Deux jours avant, une quarantaine de Français, dont notre personnel diplomatique, avaient fui les lieux également, évacués par une frégate française. La capitale libyenne était le théâtre de violents combats entre milices armées . Plus de 20 personnes ont été tuées dans les combats de dimanche. Au total, on évoquait plus de 200 morts et 900 blessés en trois semaines.
2. Cette guerre a des conséquences sur les pays voisins de la Libye. Depuis quelques jours, un flot quasi-ininterrompu de réfugiés arrive à la frontière tunisienne. Le risque de désagrégation générale, comme au Liban, est grand.
3. Le prix de la guerre libyenne de 2011 n'a pas fini d'être payé. Déjà, l'intervention française au Mali, décidée par François Hollande en janvier 2013, était une conséquence directe de l'imprévoyance occidentale précédente. Sarkozy avait fait une guerre éclair contre un ancien proche et pourtant dictateur sanguinaire, sans se préoccuper du reste ni de l'avenir.
En avril 2012, un coup d'Etat avait déstabilisé le Mali. La chose était restée sous silence, discrètement négligée dans une campagne présidentielle française qui voulait ignorer les dégâts de la diplomatie sortante.
4. En Libye, les armes prolifèrent, y compris au profit de milices islamistes.
La guerre en Libye avait permis de "déstocker" des milliers d'armes, pour le plus grand bonheur de toutes sortes de milices armées. La Libye, pays tribal, n'a pas été désarmé par les autorités de transition après la révolution.
"Selon un rapport d'information parlementaire publié en novembre 2013, "le nombre exact d'anciens révolutionnaires libyens (les 'Thuwars') qui seraient toujours en armes est souvent estimé à 200.000 ou 250.000 hommes, mais ce chiffre reste indicatif, malgré la constitution d'une 'Warriors Affairs Commission' qui s'est efforcée de les recenser". (source)5. Les affaires libyennes de la Sarkozie intéressent toujours la justice. Elles ont commencé en 2005. Le site Mediapart avait révélé comment Nicolas Sarkozy, quand il était ministre de l'intérieur entre 2005 et 2007, avait travaillé à vendre des technologies de surveillance massive à la dictature du colonel Kadhafi, bien avant la libération des infirmières bulgares en juillet 2007. Claude Guéant, son directeur de cabinet de l'époque, et Ziad Takieddine, un homme d'affaires également mis en examen dans l'affaire de Karachi, étaient les intermédiaires. Fin juillet 2010, le site d'informations avait notamment accusé l'intermédiaire franco-libanais d'avoir obtenu en avril 2007 "grâce à l'appui du ministère français de l'intérieur", au moins 4,5 millions d'euros de " commissions occultes sur un marché de livraison de matériel de guerre électronique vendu par la société i2e (filiale du groupe Bull) à la Libye". Pourquoi donc notre ministre cherchait-il ainsi à exporter nos savoir-faire de surveillance en Libye ?
6. Nicolas Sarkozy n'en a pas fini avec la Libye. En France, deux juges enquêtent sur les soupçons de financement de sa campagne électorale de 2007. L'affaire lui a valu d'être mis sur écoute. Sarkozy était si parano qu'il avait pris une ligne téléphonique mobile sous un faux nom, Paul Bistmuth, comme un vulgaire malfrat. Juste avant la défaite de mai 2012, l'ancien patron des services secrets libyens avait été exfiltré par les autorités françaises.
En 2012, lors de la guerre en Libye, l'un des fils Kadhafi accusa Sarkozy d'avoir bénéficier de financement occulte pour sa campagne de 2007. L'ancien monarque - on s'en souvient - s'en offusqua.
Le soupçon est évidemment renforcé par ces relations d'affaires que Sarkozy noua au plus haut niveau de l'ancienne dictature kadhafienne.
Fin juillet 2014, l'un des anciens membres du protocole du régime libyen a été auditionné à Tripoli par les juges français du pôle financier du TGI de Paris, Serge Tournaire et René Grouman. D'après France info, ce diplomate aurait fourni de multiples détails: quand il avait assisté à "plusieurs remises d'enveloppes à des proches de Nicolas Sarkozy", le nom d'un homme politique et "celui d'un conseiller", et des "dates et des lieux".
7. N'oublions pas le pétrole libyen !
La Libye possède les plus grandes réserves de pétrole brut de l'Afrique. La semaine dernière, les entrepôts de stockage de Tripoli ont été incendiés pendant les combats. Les Américains sont soupçonnés d'aider l'un des camps, celui de Khalifa Haftar, un ancien officier de Kadhafi .
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