Quand David Foenkinos enchante et me réenchante avec Je vais mieux.

Par Mademoizela

Le narrateur-héros (ou plutôt anti-héros) du roman Je vais mieux de David Foenkinos mène une vie bien rangée avec Elise. Ils ont deux enfants: Alice (en couple avec Michel)et Paul, deux adultes désormais qui ont quitté le nid familial.
Notre anti-héros a des amis intimes de confiance (Edouard, un dentiste et sa femme Sylvie une presque artiste-peintre), un emploi stable (architecte). C'est un personnage (sans nom), qui se définit par soustraction, qui ne fait pas de vagues. C'est un taiseux sans grande ambition, qui se contente de ce qu'il a.


Au cours d'un repas entre amis, le narrateur ressent une grande douleur dans le dos. Cela pourrait être banal pourtant, cette douleur va persister. Ce mal n'est pas seulement physique et corporel: il est un véritable basculement. Ce mal va être à la fois symptomatique d'un mal plus profond et va être aussi le point d'appui qui va permettre au narrateur de soulever l'envers du décor et de changer sa vie.
Cette douleur va être l'objet de plusieurs analyses médicales. Le résultat est sans appel: il n'a rien. Notre personnage va donc, sur les conseils de ses proches, avoir recours à toutes sortes de "soigneurs": un ostéopathe, un psychologue, une magnétiseuse, une prostituée... En vain.

Et puis, comme un mal ne vient jamais seul, il va se retrouver dans une spirale infernale de mésaventures: la douleur,la perte d'un emploi, la perte d'un proche, des disputes et des règlements de comptes à n'en plus finir et ce mal de dos persistant
"Parler est pallaitif au passage à l'acte."Un jour, il sort de ses gonds et décide de PARLER. Le roman est vraiment d'inspiraton psychnalytique freudienne. Dès lors qu'il commence à parler, à agir, à donner un sens à sa vie, le roman devient à la fois très drôle et très grave aussi. La crise de notre héros anonyme est celle de n'impporte quel quidam qui, arrivé à un point essentiel de sa vie, se demande ce qu'il a fait de ses années, si sa vie lui plait... Tout un questionnement existentiel.Olivia Ruiz et Christian Olivier: Non-dits.
Le roman est scandé en chapitres qui sont un bilan par étapes et qui se centrent autour de deux élément s esssentiels: la puissance de la douleur sur une échelle de 0 à 10 et l'état mental du narrateur de Je vais mieux.
Ces petites phrases préambulaires donnent un effet comique au texte. Le comique est aussi présent à travers les monologues intérieurs du personnage qui imagine excessivement, qui n'a de cesse de gamberger sur tout et n'importe quoi. Toutes ses réflexions internes sont vraiment drôles et sont une bouffée d'oxygène car le récit aurait pu tomber dans le pathétique et les lamentations mais David Foenkinos a trop de talent pour tomber dans ce piège. Les notes bas-de-page sont également des parenthèses très drôles et représentent surtout le cheminement de la pensée du personnage qui a souvent conscience de son ridicule ou des situations grotesques dans lesquelles il se complait à s'immerger.

L'anti-héros du début évolue vraiment, de façon plus ou moins maladroite, et réussit à se délester de son inertie et devient vraiment vivant.Outre le parcours du personnage, on a vraiment des éléments de psychanalyse concrets. David Foenkinos fouille la piste du mal physique qui trouve ses origines ailleurs que dans le purement organique ou musculaire.Ce roman m'a beaucoup parlé que ce soit pour certaines situations grotesques ou un fil de la pensée qui l'est tout autant ou encore pour ce thème de la manifestation physique d'un mal qui se situerait ailleurs que dans l'aspect superficiel et visible."Mon mal de dos devait être la somme de tous les noeuds jamais dénoués. [...] Des dizaines de petites contrariétés formaient peut-être un mal? Notre douleur serait la somme de nos riens ratés."
[Si j'avais eu ce roman entre les mains avant, j'aurais peut-être compris davantage de choses. Je vais mieux m'aurait sûrement aidé, moi aussi, à aller mieux...Je me suis sentie très proche de ce personnage même si l'âge, le sexe, la situation familiale et professionnelle me sont à des années-lumière. Moi aussi, j'ai développé un mal "physique" causé par un point de rupture dans ma vie. Et, même si le "problème" est réglé depuis à peu près un an, la "maladie", elle, est fréquemment là, se pointant dans les moments de "grosse émotion" ( un bonheur et PAF, une montée de stress et BIM (autant dire que cette année, cela a été non-stop, l'inattendu et la surprise, et ça fait double BOUM...). Et, dans mon métier, ce n'est pas toujours assumable. En ce jour de vacances, je peux dire que je vais mieux!]Pour revenir au roman, je l'ai adoré. Jamais David Foenkinos ne m'a déçue jusqu'ici. J'attends de pied ferme Charlotte, en vente le 20 août... 

J'aime son style très moderne et contemporain, inimitable, naturel, simple et recherché. C'est aussi toujours intelligent, plein de bon sens. Au détour de n'importe quelle phrase, cet auteur nous touche. Il y a forcément quelque chose dans son écriture, dans le thème abordé ou dans un détail quelconque quelque chose qui nous rappelle nous-mêmes. Il nous tend un miroir de façon spontanée et délicate.

J'ai retrouvé chez David Foenkinos les grandes qualités des Delerm (mon Cher Philippe et mon Tendre Vincent) dans la contaplentation d'instants banals qui revêtent au final dans l'oeil de l'observateur une importance primordiale.
J'ai aussi aimé toutes les références auxquelles fait allusion le personnage et par extension mon auteur charmant: notamment le passage sur Patrick Roy.

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Quand j'ai lu le passage, j'ai poussé un petit cri strident d'une hystérique mal soignée en tapant des mains: ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii / clap clap clap... 
... en criant à l'intérieur: "Je me souviens!!!"


[Et là, c'est la madeleine de Proust qui te revient en pleine face. Ma mère qui vient me chercher le midi à l'école...je suis en CP. L'autoradio de la voiture (ah! la 405 grise) en marche et balance cette nouvelle dans mes oreilles: Patrick Roy est mort. C'est le premier mort dont je me souviens. Pour l'anecdote, j'adorais Patrick Roy à cause de lui:

[...Et oui, car tous les gens qui s'appelaient Patrick ou qui avaient une minuscule ressemblance avec Bruel, je les adorais. Le transfert est un problème inné chez moi... Tous les détails traités dans le roman ont vraiment fait écho à ma propre jeunesse (Christian Morin, Philippe Risoli, Le millionnaire, les soirées sur TF1 présentées par ce trio avec les nanas qui dansaient le rock acrobatique.. Ah! Je crois que les moins de 25 ans ne pourront éventuellement pas comprendre)!]]

Bref... En quelques mots: j'aime David Foenkinos. J'ai adoré Je vais mieux. Encore quelques mots: si vous n'avez rien lu de David Foenkinos, lisez La délicatesse (bien sûr) et Je vais mieux.Et d'autres mots encore:si vous avez lu ces deux romans, lisez le reste (Les souvenirs, Nos séparations, et Le Potentiel érotique de ma femme sont ceux que j'ai lus et que je ne peux que vous conseiller...)Il m'en reste encore à lire. Lisons tout de cet auteur majestueux::

Mesdames, mesdemoiselles, si comme moi, suite à la lecture des romans de notre cher David, il vous prenait aussi l'envie de le demander en mariage...Oubliez! J'étais là avant.