Un article récent du journaliste Gilbert Lavoie dans La Presse de Montréal met en relief les qualités professionnelles du docteur Yves Bolduc, aujourd’hui ministre de l’éducation du Québec. Ceux et celles qui connaissent ce dernier ne sont pas surpris. Ils le savent compétent, dévoué, bon, sensible et généreux. Il est député du comté Jean Talon qui compte la population la plus riche de la ville de Québec et où le parti libéral a toujours été favori pour gagner à toutes les élections.
Malheureusement pour lui et sa carrière politique future, Bolduc est pris dans une situation embarrassante qui mine sa réputation.
Député du Québec à l’Assemblée nationale n’est pas un emploi à plein temps. Surtout, si on est député d’un comté relativement petit et où les besoins de la population sont minimes par rapport aux autres comtés. C’était le cas de Bolduc en 2012, suite à la victoire du Parti Québécois de Pauline Marois qui remporta la palme à l’élection générale en délogeant le gouvernement du PM Jean Charest.
Après avoir été ministre de la santé du Québec, Bolduc se retrouve député de l’opposition, avec du temps libre. Homme d’action et travaillant de nature, il n’aime pas « tourner en rond ». Il décide alors qu’en plus de son poste de député, il peut servir ses concitoyens comme médecin de famille.
C’est alors qu’il était ministre de Charest qu’il avait trouvé une solution à ce problème important au Québec : le manque de médecins de familles. Il s’agissait de motiver les médecins à faire un effort supplémentaire pour prendre à leur charge un plus grand nombre de ces familles. Et pour les motiver, le gouvernement décida de leur offrir un boni financier important par chaque nouvelle famille qu’ils accepteraient. À ce moment-là, le parti libéral était populaire et Bolduc ne pouvait s’imaginer qu’un jour prochain il serait un de ces médecins, étant donné la réélection probable du gouvernement dont il faisait partie. Mais cela arriva.
De retour à la pratique de la médecine, il se voit attribué des familles. Sa réputation de vrai professionnel qui agit pour aider les gens en difficulté est bien connue. Médecins surchargés de patients et autres professionnels de la santé, connaissant ses capacités, lui réfèrent des familles en besoin de médecins, car elles fourmillent.
Bolduc acceptent volontiers et sa réputation se répand. Un ancien ministre péquiste, dont le parti s’acharne aujourd’hui contre Bolduc, est parmi ceux qui lui réfèrent des patients. Il reconnait que Bolduc est un bon médecin et il n’hésite pas à proclamer, sans gêne, « comme médecin, on l’a adoré ».
Des pharmaciens, en contact quotidien avec des personnes ayant des besoins médicaux, lui envoient des patients, souventes fois de grands malades qui n’ont pas de médecins. Bolduc acquiesce et s’occupe vraiment d’eux. Il priorise les cas graves et se rend disponible. Il va à l’hôpital pour vérifier l’évolution de leur situation. Plusieurs témoignent aujourd’hui de sa sensibilité envers eux. Il aime être médecin et cela se ressent.
Durant ce temps, il est toujours député d’opposition et siège au parlement du Québec lorsqu’il est en session. Les sondages indiquent que le gouvernement péquiste est populaire et atteint 42% d’appuis. Les observateurs avertis prédisent un gouvernement majoritaire péquiste si une élection était déclenchée. Bolduc y croit et se voit député de l’opposition pour un long terme. Face à cette perspective, il accepte un plus grand nombre de nouvelles familles pour agir comme leur médecin.
Mais comme rien n’est certain en politique, la venue de Philippe Couillard à la tête du parti libéral du Québec change les choses. Racé, intelligent, calme, ouvert et chaleureux, Couillard correspond à ce que les Québécois recherchent comme chef politique. Et, petit à petit, les sondages l’indiquent. La PM Marois, ressentant le début d’un vent contraire qui s’élève, décide de déclencher une élection rapide afin que son parti obtienne une majorité au parlement, avant qu’il ne soit trop tard. Mais il l’est et la campagne tourne vite en faveur de Couillard et des libéraux. Le soir des élections, ces derniers se retrouvent avec une victoire écrasante sur les séparatistes et Couillard devient le nouveau premier ministre du Québec.
Couillard est aussi médecin et a confiance en Bolduc. Il le nomme ministre de l’éducation, un des postes parmi les plus importants du gouvernement. Ce dernier, surpris de la tournure de l’élection, se voit obligé de mettre un terme à son travail de médecin car son emploi de ministre lui demande tout son temps. Il avise les familles pour lesquelles il avait accepté d’agir. Et, c’est à ce moment-là qu’il fait une erreur magistrale qu’il regrettera longtemps.
Grâce aux 1 500 familles pour lesquelles Bolduc avait accepté d’être le « médecin de famille », le boni gouvernemental a été très important. Et, il l’a perçu. Mais, au moment où il devient ministre, il n’avait répondu qu’aux appels de 400 de ces familles, les autres n’ayant pas encore ressenti le besoin de l’appeler. Il avait donc obtenu un montant pour des familles auxquelles il n’avait rendu aucun service médical et qu’il devait maintenant laissé tomber. Mais comme tout se sait avec le temps, un journaliste a raconté cette histoire. Depuis, Bolduc est gêné et, cherchant à se sortir de cet imbroglio, vient d’affirmer qu’il va rembourser le gouvernement, malgré que l’écriture de la loi ne l’oblige pas, et donner une autre partie à des organismes charitables.
À mon avis, dès le lendemain de sa nomination comme ministre, il aurait dû agir, calculer le trop-perçu correspondant aux 1 100 familles qu’il n’avait pas traitées à ce jour et le verser au gouvernement. C’était si simple. Pourquoi un homme de son intelligence, de son expérience et, plusieurs qui le connaissent bien et qui disent sans équivoque, de son honnêteté, n’a-t-il pas fait cela au moment où il aurait dû le faire, nonobstant la loi ?
C’est regrettable et c’est là sa seule erreur.
Maintenant qu’il l’a reconnue et a agi, que devons-nous penser et faire ? Ce n’est pas une réponse facile à donner.
Il a été et est un bon député, un bon ministre, un bon médecin. Il a fait une erreur de jugement. Il peut être un bon ministre de l’Éducation.
Comme disait mon père « une fois n’est pas coutume ». J’en conclus qu’il faut lui donner sa chance.
Claude Dupras