L’énantiodromie est le mal de l’utopie ou de l'idéologie. Lorsque l’on veut
construire un monde idéal, on obtient son contraire. C’est en quelque sorte la
revanche de la « nature » sur le désir humain de lui substituer un univers totalement contrôlé.
L’exemple le plus surprenant est celui du hangar. On
construit un gigantesque hangar pour protéger de gigantesques fusées des
intempéries. Un microclimat apparaît. Il pleut dans le hangar ! Plus
classiquement, le libéralisme thatchérien a produit une énorme bureaucratie. (Idem pour Lénine.)
Rêvez du Paradis, vous aurez l’enfer. Toutes les utopies (Marxisme, libéralisme…)
ont en germe le totalitarisme. En physique, on peut aussi penser au principe d’Eisenberg
et à la diffraction de la lumière. La recherche de l’ultime précision donne l’ultime
imprécision !
Explication ? Nous vivrions dans des systèmes. Ils sont conçus pour "résister au changement" pour protéger quelque chose d'important. (Exemple : thermostat et température ambiante.) Ils
combattent donc tout ce qui les menace. A l’action, ils répondent par la
réaction.
Si nous sommes dirigés par un système que cherche-t-il à
protéger ? La liberté, peut-être. En effet, il semble rendre impossible le
déterminisme. Nous sommes incapables de déduire l’avenir à partir du passé. Il
y a discontinuité. Chaque décision que nous prenons est un saut dans l’inconnu
où de nouvelles règles de comportement se créent. Un nouveau système apparaît. Idée
grecque (comme l’énantiodromie d’Héraclite) : l’absurde est le catalyseur de la pensée (la philosophie).
(Pour autant, le passé n'est pas inutile. Comme le dit mon billet sur le jugement, il nous donne les outils dont a besoin une pensée confrontée à l'absurde. L'avenir c'est, essentiellement, les briques du passé dans un nouvel assemblage. Avec quelques modestes innovations, peut-être.)