On est typiquement dans le roman choc pour ado avec ce livre. Tout y est: suicide, univers sans foi ni loi du lycée, sexe, rumeurs… On se croirait dans un teen-movie américain un peu badass. Et force est de constater que ça fonctionne. C’est glauque, et plus ça avance, plus c’est glauque. Comme si on enlevait le vernis de la jeunesse innocente. Car la plupart des raisons qui ont poussé Hannah à bout pourraient, dans un autre contexte, paraître plus innocents: une liste de noms désignant les plus belles fesses du lycée, un voyeur qui la prend en photo par sa fenêtre… Mais cette jeune fille dissèque, analyse, explique tous ces gestes, tout ce qu’ils évoquent, à quoi ils renvoient et plus elle les développe et les explique, plus on se rend compte du malaise, du comportement dégradant dont elle a été l’objet et qui nous aurait, peut-être, paru si pardonnable.
La narration elle aussi est faite pour happer le lecteur. On a tous cette curiosité mi-compatissante, mi-malsaine: pourquoi a-t-elle fait ça? Et on est tenu en haleine: à quelle moment, sur quelle cassette, à quelle face Clay va-t-il apparaître? A qui le tour, cette fois-ci? L’empathie avec le narrateur est particulièrement efficace: il ne cesse de regarder autour de lui, cherchant qui est au courant, qui a déjà écouté les cassettes et sait déjà quel rôle il a joué dans ce drame. On alterne souvent deux histoires en parallèle: celle de Clay, qui parcourt, de nuit, la ville pour suivre les lieux où Hannah a vécu ses derniers jours, et celle d’Hannah, où on la voit mettre en oeuvre elle aussi sa petite vengeance. C’est habile, furieusement efficace, et même s’il s’agit là d’un roman qui fonctionne beaucoup sur le sensationnel, il a au moins le mérite de mettre en scène le mal que l’on peut faire aux autres sans s’en rendre compte.
La note de Mélu:
De quoi vous tenir en haleine un bon moment.
Un mot sur l’auteur: Jay Asher (né en 1975) est un romancier américain, spécialisé en romans pour adolescent et jeunes adultes.