Critique Ciné : Winter Sleep, amour brisé

Publié le 04 août 2014 par Delromainzika @cabreakingnews

Winter Sleep // De Nuri Bilge Ceylan. Avec Haluk Bilginer, Melisa Sözen et Demet Akbag.


Palme d’or du Festival de Cannes 2014, je dois avouer que j’avais peur. En découvrant que Winter Sleep durait 3h16, je me suis dit : vais-je réussir à aller jusqu’au bout. Je suis forcé de constater que j’ai été jusqu’au bout et j’en aurais presque redemander. Ce qu’il y a de brillant dans ce film ce sont ses dialogues dans des décors turques que l’on n’a pas l’habitude de voir. En effet, nous ne sommes pas à Istanbul (même si l’on en parle) et l’on est donc plongés au fond des montagnes dans un hôtel tenu par un homme, plutôt aisé, à la retraite, avec sa jeune épouse avec qui il n’y a plus vraiment de relation. Ce film se décompose en plusieurs parties. La première sera celle de la première heure où Nuri Bilge Ceylan en profite pour nous dépeindre le caractère d’Aydin, le héros. On parvient donc à découvrir ce personnage, un peu orgueilleux et arrogant mais qui va toujours parvenir à être amusant malgré tout. Mais ce n’est pas tout, on nous présente son lieu de vie, ce qu’il fait de ses journées (sillonner les routes alentours avec son chauffeur, boire le thé que lui prépare Fatma sa servante ou encore écrire des éditos pour un petit journal locaux mettant en scène le jugement d’un homme qui finalement, ne connaît pas très bien les sujets dont il parle.
Aydin, comédien à la retraite, tient un petit hôtel en Anatolie centrale avec sa jeune épouse Nihal, dont il s’est éloigné sentimentalement, et sa sœur Necla qui souffre encore de son récent divorce. En hiver, à mesure que la neige recouvre la steppe, l’hôtel devient leur refuge mais aussi le théâtre de leurs déchirements...
Mais Winter Sleep c’est plus que tout ça, c’est aussi un constat social fonctionnant grâce à la confrontation de deux cultures. Celle d’Aydin, un homme aisé qui n’a pas de soucis dans la vie et puis cette famille qui va croisé le chemin d’Aydin et qui va finalement devenir l’un des points de départ de la vraie histoire de ce film. Car la vraie histoire de Winter Sleep c’est celle de la relation entre Aydin et Nihal, une relation complexe. On va vivre au fur et à mesure plusieurs scènes où les deux personnages vont confronter leurs points de vue sur leur vie de couple et comment celle-ci fonctionne actuellement (et pourrait fonctionner dans le futur). La réflexion est soignée et surtout brillante. Les dialogues sont terriblement bons et l’on ne peut donc qu’être passionnés pendant ces 3h16 de film. Je me suis tout de même étonné à ne pas avoir envie de dormir. C’est bel et bien la preuve que tout ce qui se raconte est sans temps mort. Car oui, toute l’histoire se suit de façon très fluide. Les confrontations s’enchaînent, les dialogues aussi. C’est un film très léger également. En effet, au fil de l’histoire on parvient à découvrir les personnages sous un jour différent et surtout à voir leurs émotions.
Notamment du point de vue du Aydin. Ce dernier ne cherche pas à changer, il cherche simplement à comprendre ce qui se passe autour de lui et à donner son point de vue. C’est un peu ce qu’il fait avec ses éditos. Sauf que pour le coup, quand il parle avec sa femme, il sait très bien de quoi il parle (d’un point de vue sentimental je parle, le reste il n’y comprend rien). Nuri Bilge Ceylan utilise également à merveille les décors qu’il a sous la main. Que cela soit ce magnifique hôtel rustique ou encore ces longues plaines qui semblent désertes et où la nature semble avoir ses droits. C’est rare de tels lieux mais en tout cas, Winter Sleep parvient à les mettre en valeur et j’ai été ébahi. Enfin, Haluk Bilginer est un acteur que je ne connaissais pas mais que j’ai presque envie de découvrir dans d’autres films. Il est tout de même ici brillant comme tout et l’on ne pouvait pas en demander plus de la part de Winter Sleep. Bien au contraire, ce drama turc est tout ce dont on pouvait espérer d’une Palme d’Or cannoise. Jusque là, de tous les films en compétition que j’ai pu voir, celui-ci est le plus réussi. Un vrai chef d’oeuvre, ne serait-ce que pour sa confrontation sociale.
Note : 10/10. En bref, un chef d’oeuvre.